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Mosquée en danger

Nasma Réda, Mardi, 15 avril 2014

La mosquée Qagmas Al-Ishaqi est victime de toutes sortes de violations urbaines sans que les responsables prennent la mesure du problème. Le pont la reliant à son sabil est en passe de s'écrouler.

Mosquée Qagmas Al-Ishaqi
(Photo : Mohamed Hassanein)

En haut des deux rues principales du Caire fatimide, Al-Darb Al-Ahmar et Abou-Hereiba, se dresse l’une des plus belles mosquées oubliée du Caire : celle de Qagmas Al-Ishaqi. Elle est reliée à son sabil et son couteau par une allée voûtée passant en dessus de la rue, lui donnant un aspect bien spécifique.

Mais cette beauté architecturale vient d’être violée par la construc­tion d’un nouveau bâtiment de cinq étages qui s’élèvent jusqu’au minaret de la mosquée. Nombre d’autres violations ceinturent cette mosquée. « Il y a trois ans, juste après la révolution, l’empiétement des constructions autour de la mosquée est devenu une véritable menace pour le bâtiment », explique Omniya Abdel-Bar, architecte et membre de la fonda­tion « Sauvez Le Caire ».

D’anciens bâtiments datant de plus de 300 ans ont été démolis pour laisser la place à des construc­tions modernes qui anéantissent l’aspect authentique du quartier. « On avait demandé au gouver­neur du Caire de faire cesser toute violation. Mais le problème, au lieu d’être pris en compte, s’est aggravé. L’absence de coordina­tion entre le ministère des Antiquités et celui des Waqfs fait que les choses vont de mal en pis », regrette Omniya Abdel-Bar.

Corruption

Les responsables du quartier ne cessent de délivrer des permis de construire à tout-va sans prendre en considération les spécificités du Caire historique. D’après les habi­tants, c’est avant tout une question de corruption. Ils dénoncent les atteintes à leur quartier et la gestion qui en est faite. « On n’a aucune confiance dans les responsables. Il faut sauver notre quartier car lorsque le tourisme reviendra, il sera à nouveau fréquenté... sauf si on détruit tous les monuments his­toriques ! », s’indigne Moustapha, un habitant du quartier.

Mais les habitants aussi contri­buent à la dégradation du quartier. Contre un des murs du sabil, un marchand expose sa marchandise. Si certains se plaignent de la dégra­dation que cet étal entraîne, les responsables, au contraire, banali­sent les choses. « C’est un pauvre marchand d’oeufs qui ne menace pas le monument », se défend Emad Osman, inspecteur des anti­quités du quartier.

Mais ce marchand est loin d’être le seul: des dizaines de boutiques et d’étals encerclent la mosquée, le sabil et le kottab.

Ces deux derniers sont aussi menacés d’effondrement. Régulièrement, des camions trop hauts viennent cogner contre le pont les reliant à la mosquée. Selon l’architecte Abdel-Bar, « cette par­tie du pont peut s’effondrer à n’im­porte quel moment ».

Hormis la voûte du pont, des infiltrations d’eau souterraine fra­gilisent les fondations. Récemment, deux incendies ont frappé le quar­tier derrière la mosquée. « La cause de ces incendies reste inexpli­cable », s’étonne Moustapha, qui habite à côté.

« Il faut nettoyer les alentours des monuments historiques et essayer de les sauver », dit Amr Abdel-Kérim, membre d’une ONG travaillant en collaboration avec le ministère des Antiquités.

Al-Darb Al-Ahmar

De nombreux contes se ratta­chent à cette rue qui renferme plus de 65 monuments isla­miques majoritairement mame­louks. Les habitants croient que le nom de la rue Al-Darb Al-Ahmar (la ruelle rouge) pro­vient du massacre de la Citadelle en 1811. Mohamad Ali, voulant se débarrasser des Mamelouks, les avait conviés à un grand déjeuner à la Citadelle avant de tous les tuer. Le sang qui a coulé dans cette rue lui a donné le nom de Dam Al-Ahmar (le sang rouge) puis d'Al-Darb Al-Ahmar (la ruelle rouge).

Bab Zoweila (1092)

Bab Zoweila (1092)

Bawabet Al-Metwalli
, plus connue sous le nom de Bab Zoweila, est une porte médiévale du Caire fatimide. Elle marque la fin de la rue Al-Moezz et le début de la rue Al-Darb Al-Ahmar. Zoweila est le nom d’une tribu de guerriers berbères venant du Désert occidental et qui gar­dait la porte pendant la période fatimide (973-1171). Le nom de la porte a ensuite changé en Al-Metwalli au cours de la période otto­mane. Certains habi­tants croient jusqu’à nos jours que son « âme » est capable de les protéger. « On vient devant la porte pour tout demander, on envoie aussi nos enfants lancer leur dent de lait pour qu’elle soit remplacée par une autre », témoigne un habitant de la rue.

Qagmas Al-Ishaqi, mosquée de l’époque mamelouke

Qagmas Al-Ishaqi

La mosquée Qagmas Al-Ishaqi, construite vers 1479-1481, fut éga­lement connue sous le nom d’Abou-Héreiba, en raison du cheikh Abou-Héreiba, qui y vécut, et est enterré dans une tombe non loin de la mosquée. Cette mosquée est considérée comme l’une des plus importantes construites à l’époque des Mamelouks circassiens en général et sous le sultan Qaïtbay en particulier, vu l’architecture parti­culière du dôme et du minaret, des caractéristiques ornementales des portes ainsi que du minbar. « C’est une mosquée suspendue », dit Moustapha Abdel-Hadi, locataire d’un petit magasin tout près du sabil et du kottab et dont l’architecture est la même que celle de la mosquée. C’est cette mosquée que l’on retrouve sur les billets de 50 L.E.

Première mesure de destruction

Pour la première fois, le Conseil des ministres a approuvé la destruc­tion immédiate d’un immeuble résidentiel construit illégalement dans la zone archéologique de la mosquée historique Abdi Beq, dans le Vieux-Caire. Le gouvernorat a pris toutes les mesures visant la mise en oeuvre de la destruction pour éliminer tout empiétement menaçant la mosquée. Une décision saluée par les archéologues ainsi que par tous les amoureux du Caire fatimide.

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