Il suffit de quelques minutes de marches de la station de métro Al-Gueich pour atteindre la place Al-Daher. Là, se trouve une grande muraille en calcaire derrière laquelle se dresse majestueusement la mosquée d’Al-Zaher Beibars, le premier joyau architectural de l’époque mamelouke. Cette mosquée, qui porte le nom de son édificateur, est érigée en 1268 par le commandant Al-Zaher Beibars, quatrième sultan de l’Etat mamelouk en Egypte et dans la Grande Syrie. La mosquée, construite sur 1,26 ha, est la deuxième plus grande mosquée en Egypte après celle d’Ibn Touloun. Malgré une telle importance, cette mosquée a été utilisée pendant 225 ans dans des fonctions variées, autres que la prière. Après cette longue durée, la mosquée ouvre enfin ses portes aux prieurs, après la fin des travaux de restauration qui ont commencé en 2007.
En cette année, le Conseil Suprême des Antiquités (CSA) a consacré un budget de 53 millions de L.E., dont 4,5 millions de dollars versés par le gouvernement du Kazakhstan, pays d’origine de Beibars (voir encadré). « Les restaurateurs ont démonté le sol de la mosquée, ses murs et ses arches », se souvient l’archéologue Ahmad Qadri, directeur du projet de restauration à l’époque. Les restaurateurs, poursuit-il, ont enlevé aussi tout le béton qui a été ajouté au cours des projets de restauration précédents, fortifié les murs, dallé le sol, corrigé les effets nocifs causés par la nappe phréatique et érigé les colonnes et les iwans. « Tout le projet a été interrompu en 2011, suite à la révolution, pour reprendre en 2018 », renchérit l’archéologue. Il ajoute que l’équipe de restauration avait eu recours à la documentation de la mosquée réalisée par l’architecte américain Keppel Creswell, pionnier de l’art et de l’architecture islamiques en Egypte. Cette récente restauration met fin à une série de projets de restauration effectués dans la mosquée.
Dégâts successifs
En effet, les premières détériorations de la mosquée ont eu lieu au XVIIIe siècle, vers l’an 1738. « A cette époque, beaucoup d’éléments architecturaux ont été détruits, comme le lieu consacré à l’ablution, à cause de tremblements de terre successifs, ainsi que de la négligence des responsables », reprend l’archéologue, ajoutant qu’il ne restait à cette époque que la muraille carrée de calcaire qui entoure la mosquée et l’iwan de la qibla, distinguée par sa pierre rouge, et le minaret. Au fil des années, les infractions se sont accumulées et les détériorations augmentées. En 1798, les commandants et les généraux de l’Expédition française ont installé une garnison militaire dans la mosquée. Ils ont utilisé le minaret comme tour d’observation et ont posé leurs canons sur la muraille de la mosquée. « La position de la mosquée hors des frontières de la capitale égyptienne était idéale pour que les généraux français l’utilisent comme l’un des points importants de fortification qui encerclaient Le Caire, et ils l’ont nommée la citadelle de Thioveski », reprend l’archéologue, soulignant que tous ces faits ont affaibli, voire démoli le minaret et abîmé la muraille. Egalement, le cheikh Abdallah Al-Charqawi, le grand imam d’Egypte et de la Syrie pendant l’Expédition française, a arraché quelques colonnes et des pierres de la mosquée d’Al-Zaher Beibars et les a utilisées dans la construction de l’iwan de la mosquée d’Al-Azhar pour servir aux étudiants venant des différents gouvernorats et pour l’enrichir d’éléments architecturaux. En plus de ces abus, le wali Mohamad Ali a utilisé la mosquée comme un lieu pour stocker son arsenal composé d’armes et de munitions, avant de construire un autre arsenal dans la banlieue de Bassatine. Les infractions ont continué avec l’occupation britannique de l’Egypte. La mosquée a servi à cette époque d’abattoir pour faire nourrir les soldats anglais jusqu’aux années 1930 du XXe siècle.
Néanmoins, le Comité de conservation des monuments arabes, créé en 1882, a prêté de l’importance à la mosquée en la restaurant de l’extérieur, et le monument a été inscrit comme le 1er monument islamique du Caire. Le comité a terminé ses travaux de restauration en 1911. Cette restauration extérieure a laissé cependant l’intérieur dans un état déplorable, ce qui a encouragé les municipalités du Caire à installer un parc au sein de la mosquée et à y poser des générateurs pour fournir de l’électricité à la banlieue de Matariya et ses environs. « Toutes ces activités ont laissé des traces nocives à la mosquée. C’est pourquoi les travaux de restauration étaient indispensables pour que la mosquée retrouve sa fonction originaire et sa splendeur d’antan », souligne l’historien Emad Aboul-Ela.
Il faudra attendre les années 1950 et 60 du XXe siècle pour que l’Etat prête une grande importance à la mosquée. A cette époque, le Département des antiquités a décidé de reconstruire les iwans qui ont été détruits et de restaurer la mosquée par étapes. Dans les années 1980, l’Organisme des antiquités a repris les travaux de restauration, a reconstruit l’iwan sud-ouest et, au début des années 1990, celui du nord-ouest. Mais le séisme de 1992 a provoqué des fissures dans tous les iwans reconstruits par les projets de restauration effectués soit par le Comité de conservation des monuments arabes ou pendant les années 1950, 60 et 80. C’est pourquoi les derniers restaurateurs et archéologues ont enlevé tous les iwans endommagés. Ils ont utilisé les mêmes matériaux de construction de la mosquée, comme la pierre rouge, dans la reconstruction des iwans, ainsi que les parties endommagées par le séisme, et ont remonté des colonnes de marbre avec des chapiteaux aux motifs botaniques. Le résultat était là : la mosquée a retrouvé sa splendeur originaire et reçoit désormais aussi bien les prieurs que les touristes qui viennent admirer sa beauté architecturale.
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