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Vincent Rondot : L’Egypte est la mère des civilisations

Paris, Par Gouda Abou El-Nour , Mercredi, 23 novembre 2022

Vincent Rondot, directeur du département des antiquités égyptiennes au musée du Louvre, s’exprime sur la célébration du centenaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon et la coopération archéologique entre la France et l’Egypte.

Vincent Rondot

De notre correspondant à Paris

 Al-Ahram Hebdo : Comment voyez-vous la célébration par l’Egypte du centenaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon ?

Vincent Rondot : Ce qui est étonnant est que le deuxième centenaire de la découverte par Champollion des hiéroglyphes en 1822 coïncide avec le centenaire de la découverte par Howard Carter du tombeau et des trésors de Toutankhamon en 1922. La célébration du centenaire est un événement mondial et non pas égyptien seulement. Le roi Toutankhamon possède une renommée écrasante de par le monde entier. Ceci se manifeste lorsque les possessions de sa tombe sont exposées dans n’importe quelle exposition et avec le grand nombre de visiteurs, tous âges confondus, qui y est attiré. Raison pour laquelle les regards du monde seront braqués vers Louqsor le jour de la célébration de ce jeune roi qui a vécu une vie pleine d’émotions et d’énigmes.

— Quelle est l’importance de la découverte de son tombeau ?

— La découverte du tombeau de Toutankhamon est résolument l’une des plus importantes découvertes du XXe siècle. Elle a beaucoup ajouté à la science de l’égyptologie et aux archéologues. Elle s’est attiré l’intérêt d’un large public international du fait qu’elle est considérée, aux yeux du monde, comme une aventure menée par Howard Carter qui a déchiffré le trajet d’un jeune et célèbre pharaon. Cette découverte a de fait été consolidée par une bonne connaissance de l’Egypte Ancienne. Ainsi, Toutankhamon est devenu l’icône de l’identité égyptienne. Il faut ajouter dans ce contexte que les opérations d’inspection actuelles des monuments et antiquités diffèrent de celles qui étaient effectuées auparavant. Elles dépendent davantage sur la recherche scientifique. Les découvertes ne se cantonnent plus à la découverte de « trésors », mais elles vont bien audelà pour embrasser des documents, des papiers et des portraits ayant beaucoup de valeur. Et donc, la découverte a chroniqué les événements.

— Quelle est la stature de Toutankhamon au musée du Louvre ?

— Toutankhamon, malgré sa mort voilà des milliers d’années, demeurera le premier ambassadeur de l’Egypte et préservera son prestige au sein du Louvre. Des expositions sur lui ont été organisées à Paris en 1967. Une autre a eu lieu en 2019 et qui était caractérisée par un flux incroyable de visiteurs.

— Pourquoi cet engouement mondial pour le jeune roi ?

— A mon avis, la raison est que sa tombe a été découverte dans sa totalité et rien n’a été volé. Howard Carter, qui est à l’origine de la découverte, a trouvé en son sein plus de 5 000 pièces d’antiquités, dont un grand nombre en or. Outre des pièces qui sont des chefs-d’oeuvre, comme le masque confectionné à partir de l’or pur et paré de pierres précieuses, il y avait le trône et les compartiments en or, parmi lesquels celui d’Anobis. Les découvertes ont narré des récits tels que la mort de Lord Carnaveron, celui qui a financé l’opération de la découverte. D’autres récits ont émergé comme la malédiction de Toutankhamon et la malédiction des pharaons. Ceci a aiguisé l’appétit sur l’itinéraire du jeune roi autour de tous les aspects de sa vie.

— Quelles sont les plus importantes antiquités égyptiennes au Louvre ?

— Elles sont nombreuses, parmi lesquelles la statue du Sphinx, le masque de Néfertiti, les statues du scribe accroupi et du roi Ramsès II, du tombeau de Hotob, ainsi que les écrits en hiéroglyphes et autres genres d’écriture égyptienne. Il existe aussi des bijoux formidables fabriqués en or et en pierres semi-précieuses, comme l’agate et les bracelets, ainsi que le kohl égyptien authentique, les momies animales, d’autant que les Egyptiens ont momifié plus de 70 millions d’animaux. Ajoutons à cela une collection de cercueils, comme celle du pharaon Ramsès III. Dans le département des monuments égyptiens, il existe des chambres traitant de thèmes spécifiques comme l’agriculture, l’écriture, le logement, les bijoux, les tombes, la foi en le dernier jour. A travers cette variété de thèmes, il est possible de chroniquer les styles de vie des Anciens Egyptiens.

— Quelles sont les raisons pour lesquelles la France accorde un grand intérêt aux antiquités égyptiennes ?

— La France estime l’Egypte depuis très longtemps. Elle la considère comme la mère des civilisations. L’Egypte est à l’origine de la science, de la médecine, de l’histoire, entre autres. La France a intérêt d’étudier sur le plan anthropologique et philosophique l’origine du monde. Raison pour laquelle les étudiants de la 6e étudient en France la civilisation égyptienne car elle est la première dont ils doivent faire connaissance. D’autant plus que nous avons célébré cette année le bicentenaire de la découverte de la pierre de Rosette.

— Quel type de coopération existe-il entre la France et l’Egypte dans le dossier des antiquités volées ?

 — Depuis la fondation du département des antiquités égyptiennes au Louvre, la France coopère avec l’Egypte au niveau des dossiers parmi lesquels le trafic des monuments qui sont restitués au côté égyptien. Il y a également une coopération pour préserver les antiquités égyptiennes. Il en a résulté la construction par la France du Musée égyptien et la tenue des expositions pour les antiquités égyptiennes. La France devait recevoir deux obélisques en vertu d’un accord entre les deux gouvernements égyptien et français à l’époque de Mohamad Ali. Le premier obélisque arriva en 1836, quatre années après la mort de Champollion, et a été édifié à la place Concorde à Paris. Le deuxième a été restitué à l’Egypte officiellement par le président François Mitterrand après des dizaines d’années. Tout cela parce que la France estime la civilisation égyptienne et c’est pour cela qu’elle a mis en place l’Institut français d’archéologie orientale au Caire.

— Quelles sont les solutions adéquates pour arrêter le trafic des antiquités ?

— Le trafic des monuments est un crime sans conteste et a besoin d’une action commune pour y faire face et l’arrêter. Il est la responsabilité de tous ceux qui sont intéressés par les antiquités en général et les monuments égyptiens en particulier. Et ceci par les solutions sécuritaires ou de coopération avec la police à travers l’Interpol. La deuxième solution est l’activation de l’interaction entre les gouvernements et les autorités égyptiennes pour stopper le trafic et lutter contre ce phénomène. Non seulement cela, mais aussi restituer les monuments volés. Par exemple, la France les restitue et refuse de les exposer dans le Louvre à Paris, Dubaï ou Nice.

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