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Controverse autour des jardins d’Antoniades

Nasma Réda , Mercredi, 14 septembre 2022

Le célèbre parc d’Antoniades à Alexandrie est au coeur d’un vif débat après la décision des autorités locales de le restaurer.

Controverse autour des jardins d’Antoniades
L’abattage des arbres a suscité les craintes des Alexandrins. (Photo : Ibrahim Mahmoud)

Situé à l’est d’Alexandrie, dans le quartier de Smouha, le célèbre parc d’Antoniades est au coeur d’un vif débat. Ce parc abrite le jardin de Nozha et le jardin des fleurs, ainsi que des plantes rares qui font désormais l’objet de vastes travaux de restauration et de remise en valeur. Mais le transport des équipements lourds et l’élimination d’une grande partie des murailles qui entourent le jardin suscitent les craintes des amoureux du patrimoine alexandrin qui n’ont pas oublié le coupage des arbres rares du palais historique de Montazah, mais aussi ceux du jardin botanique du Merryland, au quartier cairote de Héliopolis. « Alexandrie n’est plus la ville qu’on connaissait. Elle a perdu une grande partie de sa beauté sous des prétextes de réaménagement. Où sont aujourd’hui les jardins botaniques de Montazah ? », interroge un vieil homme qui a requis l’anonymat.

En effet, les Alexandrins se sont soulevés contre la « destruction » de ces magnifiques parcs. « Tristes nouvelles d’Alexandrie », « La démolition de l’ancien parc d’Antoniades », « Abattage de la richesse botanique alexandrine », « Sauvez les jardins d’Antoniades », « développer=détruire », telles étaient les réactions sur les réseaux sociaux quelques jours après le commencement des travaux aux jardins d’Antoniades, surtout le coupage des arbres rares. Ils sont allés jusqu’à accuser le gouvernorat d’Alexandrie d’avoir vendu le parc d’Antoniades à un homme d’affaires afin de le transformer en gratte-ciels. En outre, des archéologues et des journalistes se sont insurgés contre la « démolition des jardins patrimoniaux ».

Pour calmer les esprits, le gouverneur d’Alexandrie, le général Mohamad Al-Chérif, a déclaré que les travaux aux jardins d’Antoniades ne visent qu’à restaurer et à rénover ces jardins historiques. « Depuis 2011, ces magnifiques jardins ont beaucoup souffert. Une partie de la muraille externe a été détruite, les ordures et les feuilles d’arbres sèches sont partout dans le jardin et ses arbres qui ont 500 à 600 ans sont menacés », a affirmé le gouverneur.

D’après Badriya Hassan, directrice du parc, les jardins d’Antoniades sont considérés parmi les plus beaux et les plus anciens jardins botaniques non seulement en Egypte mais aussi dans le monde entier. Ce parc est inscrit en tant que patrimoine au ministère du Tourisme et des Antiquités. Mais le parc souffre depuis longtemps d’une extrême négligence. Il est dans un état lamentable. « Cela a nécessité l’élaboration d’un plan d’urgence pour le restaurer et le sauver. Actuellement, des travaux intenses de réaménagement s’y déroulent », souligne Hassan. Et d’ajouter qu’un plan de développement général est en cours dans ce parc et que les travaux se déroulent d’arrache-pied.


Les arbres d’Antoniades, un véritable patrimoine botanique. (Photo : Ibrahim Mahmoud)

« Ce parc comprend un grand nombre de statues en albâtre de grands explorateurs et hommes célèbres de l’Histoire comme Vasco de Gama, Christophe Colomb et Magellan, en plus d’une collection de statues rares en marbre grandeur nature de personnages mythiques et historiques comme Vénus, dieu de la beauté, et Aphrodite et son fils Cupidon, symboles de l’amour. Il comprend 38 variétés rares de palmiers », indique Badriya Hassan. Elle explique que le projet de développement lancé par le gouvernorat d’Alexandrie vise à rendre au parc sa beauté d’antan et à restaurer les vestiges archéologiques, comme cette tombe qui remonte au IIIe siècle av. J.-C. et la citerne antique qui font partie du parc. « Le projet vise à nettoyer et à restaurer les statues colossales et à sauver les arbres uniques », explique la directrice du jardin.

Une histoire millénaire

D’après les historiens, les jardins et le palais Antoniades occupaient la banlieue côtière d’Alexandrie à l’ère ptolémaïque en Egypte (323-30 av. J.-C.). Les Ptoléméens y ont cultivé de belles plantes rares. Plus tard, cet espace est revenu à un riche grec, jusqu’au début du XIXe siècle quand le wali d’Egypte, Mohamad Ali pacha, l’a racheté et a ordonné de le planifier. En 1860, le baron grec John Antoniades a acheté le parc et a chargé l’architecte français Paul Richard d’y construire sa villa sur le modèle du château de Versailles à Paris entouré de verdure. Donc, les allées et les parterres étaient inspirés des jardins français. Pendant la vie de John Antoniades, la villa était un lieu de rassemblement de l’élite sociale. « Les styles architecturaux varient au parc d’Antoniades. On y trouve les styles andalous, français, italien et gréco-romain », dit la directrice du parc.


Les statues des jardins reprendront leur beauté d’antan. (Photo : Ibrahim Mahmoud)

A sa mort en 1895, c’est son fils Antony qui a vécu dans ce parc. Mais en 1918 et selon la recommandation de son père, il a fait don du palais et des jardins à la municipalité d’Alexandrie. Ensuite, la villa a été utilisée comme maison d’accueil pour recevoir les dignitaires et les grandes personnalités en visite en Egypte. Et lorsque le chah d’Iran, Mohamed Reza Pahlavi, a épousé la princesse égyptienne Fawziya, la soeur du roi Farouq, ils y ont passé leur lune de miel en 1941. Depuis lors, la villa est devenue le palais d’Antoniades.

Ce palais a accueilli d’importants événements, dont la signature de l’accord de 1936 entre l’Egypte et la Grande-Bretagne, la première réunion du Comité olympique égyptien et la réunion préparatoire de la création de la Ligue arabe en 1946. En 1930, la municipalité d’Alexandrie a rénové le bâtiment et y a ajouté une aile pour accueillir le roi et la reine de Belgique en visite en Egypte.

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