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Une nécropole dans le Delta révèle les secrets de la période prédynastique

Nasma Réda, Mardi, 18 mai 2021

Une mission égyptienne opérant à Kom Al-Khelgan, dans le Delta, a mis au jour 110 tombes remontant à différentes époques anciennes.

Différents vestiges retrouvés sur le chantier de fouille de Kom Al-Khelgan.
Différents vestiges retrouvés sur le chantier de fouille de Kom Al-Khelgan.

110 tombes au total, classées par dynastie, des plus récentes aux plus anciennes, ont été découvertes à Kom Al-Khelgan par une mission égyptienne dirigée par Sayed Al-Talhawi, du Conseil Suprême des Antiquités (CSA). Situé dans le Delta oriental du Nil, à 40 kilomètres au sud-est de la ville de Mansoura, dans le gouvernorat de Daqahliya, Kom Al-Khelgan a fait l’objet de 3 campagnes successives de fouille égyptiennes entre 2019 et 2021 et a témoigné de 5 saisons d’excavation et d’études par des missions françaises au début du XXIe siècle. Il s’agit en fait d’un terrain de 5000 m2, entouré de champs de tous les côtés.

« Lors de sa troisième saison de fouille, la mission a identifié 68 tombes datant de la première moitié du IVe millénaire av. J.-C., soit de la période prédynastique. Cette époque est connue des historiens comme étant celle de la civilisation de la Basse-Egypte (civilisation de Bouto I et II) », explique Moustapha Waziri, secrétaire général du CSA. Bouto était un site important de la Basse-Egypte dans le Delta du Nil, devenu la capitale du pays durant les périodes pré et proto-dynastiques. « Nous avons été chanceux de découvrir une nécropole complète remontant à cette époque », explique Al-Talhawi, directeur de la mission opérant sur le site.

Selon lui, la nécropole est formée de petites fosses ovales. Les défunts y sont placés courbés sur le côté gauche et leurs têtes orientées vers l’ouest. « Certains égyptologues trouvent que cette position accroupie rappelle celle de l’embryon, d’autres pensent qu’en raison des équipements primitifs de l’époque, les Anciens Egyptiens ne pouvaient pas creuser de fosses plus profondes », affirme Al-Talhawi. Et d’ajouter que l’orientation de la tête et du corps est sans doute le signe d’une croyance religieuse. Les archéologues ont trouvé des pots en forme de citron à côté des squelettes. De la nourriture y était conservée afin qu’elle soit utilisée dans l’autre monde, ce qui laisse à penser que les populations de l’époque croyaient à la résurrection. « Parmi les trouvailles surprenantes, une fosse dans laquelle se trouvaient une mère et son enfant de six ans. Ils sont morts au même moment. Les études dévoileront la cause de leur mort », indique le chef de la mission.

Des tombes de forme rectangulaire

La mission a révélé 5 autres fosses funéraires datant de l’ère Nagada III (environ 3200 à 3000 av. J.-C.). « Ces tombes sont de forme rectangulaire. Chaque fosse a été renforcée sur les côtés par une couche d’argile. Les pots sont de forme cylindrique avec une base plate. On remarque donc un développement clair dans la forme des fosses et de la poterie », souligne Ayman Achmawi, chef du secteur des antiquités égyptiennes au ministère du Tourisme et des Antiquités. La mission a découvert un outil pour broyer le khôl. « L’Ancien Egyptien croyait que le khôl lui permettrait de bien voir dans le noir une fois dans l’au-delà », explique le directeur de la mission, regrettant de ne pas avoir trouvé de sarcophages comme ceux découverts lors de la saison de fouille de 2020.

La première saison de fouille de la mission égyptienne à Kom Al-Khelgan avait déterré 100 tombes de la période prédynastique, alors que la deuxième saison a révélé 83 fosses funéraires remontant aux civilisations de Bouto et de Nagada. « Au cours de la nouvelle saison de fouille, les archéologues ont mis au jour 37 fosses funéraires de forme rectangulaire et d’une profondeur qui varie entre 20 cm et 85 cm », déclare Nadia Kheidr, chef du département central de la Basse-Egypte au CSA, assurant que ces tombes remontent à la deuxième époque intermédiaire (1650-1550 av. J.-C.) qui a témoigné de l’invasion des Hyksos.

« Il n’y a aucune trace de l’Ancien Empire ou même du Moyen Empire, un fait occupant l’équipe de travail qui étudie actuellement toutes les pièces funéraires découvertes », explique Sayed Al-Talhawi. Il explique que les couches de terre seront aussi examinées pour savoir si le sol avait été creusé par les Hyksos afin d’y enterrer leurs morts.

La mission a également découvert un ensemble de fours et les vestiges de plusieurs bâtiments et entrepôts en brique crue, ainsi que des murs en forme de zigzag. « Cela indique que les habitants ont construit des fours et renforcé les murs qui entouraient leurs habitations », ajoute Al-Talhawi. Cette découverte va permettre aux égyptologues de comprendre si les Egyptiens et les Hyksos ont vécu ensemble et dans quelle mesure les occupants ont adopté les traditions égyptiennes ou vice-versa.

D’après les études préliminaires, les défunts, non encore identifiés, sont issus d’une classe sociale moyenne et pauvre. « Des études plus approfondies seront conduites en Egypte et à l’étranger pour avoir des informations supplémentaires sur leur race », dit Al-Talhawi. Selon lui, les travaux de fouille étaient très délicats, car les archéologues ont trouvé les fosses funéraires des trois périodes prédynastiques à une profondeur d’un mètre et demi seulement, « ce qui semble indiquer que la population de chaque période a détruit la nécropole de la population qui l’a précédée pour fonder sa propre nécropole », souligne-t-il.

La mission a dévoilé parmi les pièces trouvées un ostracon et une boucle d’oreille en or qui remontent à l’époque ptolémaïque. « Rien d’autre n’a été découvert appartenant à cette époque. Ce qui nous incite à continuer le travail pour réaliser d’autres découvertes », raconte le chef de la mission, saluant le travail de son équipe qui est en passe de révéler également des traces de vie sur ce site sablonneux remontant au premier siècle de notre ère.

« Les fouilles se poursuivront au cours des prochaines saisons, afin de dévoiler les mystères de ce site archéologique important », conclut Al-Talhawi .

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