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Une cité d’or se dévoile à Louqsor

Nasma Réda, Mardi, 13 avril 2021

La plus grande cité de l’Egypte antique, datant du Nouvel Empire a été découverte cette semaine à Louqsor. Elle fournit des indices intéressants sur le quotidien des anciens Egyptiens.

Une cité d’or se dévoile à Louqsor

La mission archéologique égyptienne du Centre Zahi Hawas pour l’Egyptologie de la Bibliotheca Alexandrina est établie au nord du temple thébain de Madinat Habou. En coopération avec le ministère du Tourisme et des Antiquités, elle a mis au jour la plus grande cité antique fondée sous le règne d’Amenhotep III, le IXe roi de la XVIIIe dynastie pharaonique. « Il s’agit d’une colonie résidentielle administrative et industrielle complète, sur la rive ouest du Nil à Louqsor. Elle est bien préservée sous les sables », souligne le célèbre égyptologue Zahi Hawas, indiquant que les couches archéologiques sont restées intactes depuis des millénaires.

Une cité d’or se dévoile à Louqsor
Squelette humain attaché aux genoux.

Cette ville, nommée Thn-Aton, qui signifie « l’élévation d’Aton », est divisée en trois quartiers : résidentiel, administratif et industriel. « Cette localité millénaire date du règne d’Amenhotep III (1391-1353 av. J.-C.), père d’Amenhotep IV, plus connu sous le nom d’Akhénaton. Le site a été abandonné durant le règne de ce dernier lorsqu’il a quitté Louqsor pour installer sa nouvelle capitale à Tell Al-Amarna, dans l’actuel gouvernorat de Minya. Toutefois, la métropole retrouvera son éclat sous le règne du roi doré Toutankhamon, fils d’Akhénaton, puis du roi Ay, avant-dernier pharaon du Nouvel Empire », explique M. Hawas. Ce site archéologique urbain affiche des divisions importantes comprenant des maisons, des rues, des fours ainsi que des sépultures, à l’intérieur d’un mur d’enceinte. « Le plus surprenant est que ce mur bien préservé atteint par endroits trois mètres de hauteur et se montre irrégulier dans sa forme ondulatoire, ce qui est très rare pour l’époque », explique l'égyptologue connu. Concernant cette analyse, l’archéologue Moustapha Mohamad, chef de la mission des fouilles à Sarabit Al-Khadem auprès du ministère du Tourisme et des Antiquités, se montre réservé et assure que ce genre d’architecture était connu depuis le Moyen Empire ainsi qu’à la IIe époque intermédiaire. « J’ai déjà découvert un mur en forme de vague sur le site archéologique de Tell Al-Rataba, à l’ouest du gouvernorat d’Al-Ismaïliya », assure-t-il.

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Hawas sur place.

La mission a commencé ses excavations pour la première fois en septembre dernier, à la recherche du temple de Toutankhamon, supposé être situé entre les temples de Ramsès III et d’Amenhotep III. « De nombreuses missions étrangères ont vainement tenté de trouver cette ville. Nous avons commencé notre travail de recherche du temple funéraire de Toutankhamon car les temples d’Horemoheb et d’Ay étaient déjà apparus dans cette zone », indique M. Hawas, expliquant que les égyptologues estiment que le temple d’Ay a peut-être également été utilisé par Toutankhamon, car deux statues colossales du jeune roi y ont été relevées. « En quelques semaines, à la grande surprise de la mission, des formations en briques d’argile ont commencé à apparaître », signale M. Hawas. Il ajoute que le site est en bon état de conservation, exhibant des murs presque entiers et des salles où de nombreux outils de la vie quotidienne ont été décelés comme des poteries, des scarabées, des amulettes, des fours et des briques portant les sceaux royaux. « Le nom d’Amenhotep III apparaît sur plusieurs objets », dit M. Hawas. D’après lui, il s’agit de la plus grande ville antique d’Egypte jamais découverte. « La mise au jour de cette cité perdue est la deuxième plus importante découverte archéologique depuis la tombe de Toutankhamon », annonce Betsy Brian, professeure d’égyptologie à l’Université John Hopkins de Liverpool.

Bagues et pots colorés

Une cité d’or se dévoile à Louqsor
Les ouvriers préparant la conférence depresse en transportant des pièces découvertes pour être exposées dont un gros poisson.

Après seulement sept mois d’excavation, des bagues et des pots colorés ont été exhumés, ainsi qu’une zone de préparation de la nourriture équipée d’une « boulangerie » avec des fours et des ustensiles en argile. Dix kilos de viande séchée ou bouillie étaient stockés dans des pots où apparaissent des inscriptions affichant le nom du boucher Iwy et l’abattoir du parc Kha’a. Ils étaient préservés ainsi pour la célébration du « festival Heb Sed ». « Ces détails révèlent clairement l’importance de cette cité, surtout durant les huit dernières années du règne d’Amenhotep III durant lesquelles il était assisté de son fils », indique M. Hawas.

Selon la mission, dans toute la région administrative de la cité, les édifices sont larges et bien conçus. Cette zone présentait une seule porte d’entrée censée contrôler le passage et la sécurité de la cité. Dans cette partie, les fouilles ont également révélé des inscriptions sur l’un des sceaux qui indiquaient « le domaine d’Aton », représentant le nom d’un temple édifié par le roi d’Amenhotep IV (futur Akhénaton) à Karnak. « Cela prouve que ce site était utilisé durant les cinq ou six premières années du règne d’Amenhotep IV, puis fut réutilisé sous Toutankhamon », souligne M. Hawas.

Quant à la troisième région, industrielle celle-là, les archéologues y ont découvert des ateliers de fabrication de briques destinées à bâtir les temples, les tombes et leurs annexes. « Des moules étaient employés à produire les amulettes et les éléments architecturaux secondaires. Encore une nouvelle preuve de l’importance de cette cité cachée depuis des milliers d’années », explique Afifi Ghoneim.

Une cité d’or se dévoile à Louqsor
Différents genres et formes de poteries coloriés, montrés au public lors de l’annonce de la découverte.

Par ailleurs, de nombreux ateliers de tissage, de verrerie et de métallurgie sont apparus. Deux étranges fosses ont également étudiées. Dans la première, deux sépultures de vaches ou de taureaux sont apparues, tandis que la deuxième exposait la dépouille d’un humain dont les bras sont étendus le long du corps et les genoux attachés par une corde. « Ces deux tombes ainsi que les caveaux taillés dans la roche seront examinés afin de comprendre le lien avec les zones urbaines proches comme celle de Deir Al-Madina, dans laquelle on a remarqué une similitude architecturale avec les tombes de la Vallée des rois et la Vallée des nobles », déclare M. Hawas, qui suggère que la ville de Thn-Aton est l’extension de la ville des artisans qui étaient employés à la construction et l’entretien des tombes des Vallées des rois, des reines et des nobles plus à l’ouest. « Cette découverte permettra notamment de nous offrir de passionnantes informations sur le quotidien des anciens Egyptiens durant le Nouvel Empire », indique Betsy Brian.

« Ce qui a été mis au jour jusqu’à présent n’est que le tiers de ce que cette cité antique nous promet. Les études et les travaux sont en cours et se prolongeront dans les prochains mois. La mission prévoit de collecter encore plus d’informations sur les secrets de la vie des rois pendant cette période d’or de l’Egypte », conclut M. Hawas.

Une découverte controversée

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Les ouchebtis découverts dans l'un des ateliers.

Bien que cette trouvaille ait trouvé un grand retentissement dans la famille archéologique, le doute persiste sur son authenticité. Il s’agirait plutôt d’une « redécouverte ». L’égyptologue Ahmad Saleh a publié sur son compte Facebook un rapport scientifique publié en 1916-1917 par la mission archéologique du Métropolitain Museum, qui fouillait dans la région et qui avait fait, à l’époque, des découvertes spectaculaires. Ceci indiquerait donc que ce qui est présenté aujourd’hui comme une révélation aurait déjà été décelé précédemment et que toutes les pièces exhumées seraient déjà connues. Saleh accuse la mission égyptienne d'avoir délivré au public les mêmes artefacts comportant les mêmes inscriptions déjà révélées antérieurement. Cette accusation est réfutée par Afifi Ghoneim, directeur de la mission de Zahi Hawas, soulignant que Saleh se réfère au site du Malqata qui est au sud du Temple de Habou. « Les rapports relatifs aux fouilles de la mission du Metropolitan Museum montrent bien que les archéologues américains travaillaient au palais d’Amenhotep III dans la région d’Al-Malqata, au sud du temple de Habou. Ces documents ont été enregistrés et n’importe quel archéologue peut les consulter ». M. Ghoneim persiste en indiquant qu’il est normal de trouver dans deux régions distinctes des ostraca et des poteries qui portent les mêmes inscriptions hiératiques célébrant le deuxième jubilé du règne d’Amenhotep III. « De plus, les anciennes photos montrent bien la différence entre la largeur des murs du palais anciennement découvert et celle de l’enceinte récemment mise au jour », déclare-t-il.

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