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Maât, un concept de valeurs erronées ?

Doaa Elhami, Lundi, 05 août 2013

Le papyrus d’Ani, aussi nommé chez les pharaons « document des droits et des devoirs », a été présenté au président Adly Mansour pour s'en servir comme guide dans l'élaboration de la prochaine Constitution. Une initiative incongrue selon certains jurists.

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Justice, vérité et bonté. Ce sont les trois principes de la divinité égyptienne Maât dans l’Egypte Ancienne. Ils sont incarnés dans le Livre des morts rédigé en hiératique, trouvé dans la tombe du scribe royal Ani de la fin de la XVIIIe dynastie et le début de la XIXe dynastie. Cette version du Livre des morts renferme la scène du tribunal du défunt avec les 42 commandements de Maât qui installe ainsi un système de valeurs morales. Pour cette raison, le papyrus d’Ani a été nommé « Maximes d’Ani » ou document des droits et des devoirs.

Un document qui a été présenté récemment au président égyptien, Adly Mansour, par le secrétaire général du syndicat autonome des Archéologues, Omar Al-Hadari. L’idée est de l’utiliser comme guide dans la promulgation de la nouvelle Constitution. Une proposition qui ne fait toutefois pas l’unanimité chez les égyptologues et les hommes de droit.

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Maât, divinité ailée et coiffée de la plume de justice.

Pour Mahmoud Al-Halwagui, adjoint du directeur du Musée égyptien, Maât est la divinité de la justice et du jugement dans l’Egypte Ancienne. Ses différentes représentations jouaient un rôle primordial à cette époque lointaine. Mais elle n’était pas à la hauteur du concept moderne de Constitution. Un avis partagé par le professeur Salem Mahmoud, expert en droit. « La Constitution a été inventée par le philosophe français Montesquieu, qui a réparti les trois autorités de l’Etat moderne : législative, judiciaire et exécutive », souligne Mahmoud. La Constitution organise le lien entre ces trois autorités, inscrit le cadre général de l’Etat et la méthode de gouverner, et organise les lois comme les principes des libertés. Quant aux détails, ils sont discutés par les lois et ses clauses qui doivent respecter la Constitution.

D’après le professeur Salem Mahmoud, Maât ne correspond pas au concept actuel de la Constitution pour deux raisons essentielles : l’ancien Etat ne connaissait pas la répartition des lois et n’a pas connu de répartition entre les trois autorités mentionnées pour éviter la tyrannie. La plupart des commandements de Maât conviennent plutôt aux lois personnelles.

D’après Mahmoud Al-Halwagui, Maât est alors représentée sur les murs des tombes et des temples. « Elle est remarquée dans le cartouche de plusieurs pharaons qui, au cours des cultes religieux, assurent qu’ils ont installé Maât », explique Al-Halwagui. En effet, Maât, avec ses attributs, donne une sainteté au roi, l’aidant ainsi à gouverner le pays. Cela dit, toutes les autorités sont maintenues uniquement par le roi. Un principe réfuté dans le concept d’Etat moderne.

La figurine de Maât est par ailleurs remarquée dans la tombe de la reine Nefertari devant le cartouche royal. Maât protège ainsi la reine dans l’au-delà, selon la théologie de l’époque. « Le musée comprend aussi des amulettes qui accompagnaient les défunts dans leurs tombes », explique-t-il.

Si la justice répand l’équilibre parmi les personnes, Maât représente aussi « l’équilibre universel dans l’Egypte Ancienne. Le jour et la nuit, le ciel et la terre, et même la circulation des sphères et les calculs. L’absence de Maât signifie le chaos absolu », souligne Al-Halwagui. Ce concept abstrait personnifié par Maât apaisait les esprits des citoyens de l’Egypte Ancienne, même si elle n’était pas réalisée parmi eux .

L’ordre universel

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Divinité de la justice chez les Anciens Egyptiens, Maât est représentée par une jeune femme assise coiffée d’une plume d’au­truche, signe de son nom dans l’écriture égyptienne. Elle tient à sa main gauche le « Ankh », signe de la vie, et à sa droite le sceptre, représen­tation du pouvoir. Maât est la fille de Râ, dieu du soleil et père des rois. Justice et vérité, Maât est aussi l’ordre universel, la loi par laquelle le monde subsiste dans son harmo­nie, la force par laquelle la création de Râ ne retombe pas dans le chaos primordial. Parfois, Maât est incarnée seulement par sa plume qui pèse dans la balance, face au coeur du défunt lors du jugement osirien. Si le coeur est plus lourd que la plume, cela signifiait tout simplement que le poids des fautes du défunt est bien trop élevé. « Il ne serait alors pas un juste de voix, et serait dès lors mangé par la grande dévoreuse Amemet », selon les égyptologues. Amemet est un animal féroce légendaire qui a la tête d’un crocodile et le corps d’un lion.

En Quelques commande­ments de Maât

Je n’ai pas commis l’iniquité contre les hommes.

Je n’ai pas maltraité les gens.

Je n’ai pas commis de péchés dans la place de vérité.

Je n’ai pas commencé de journée par une commission de personnes devant travailler pour moi et mon nom n’est pas parvenu au capitaine de la barque pour y être accusé.

Je n’ai pas blasphémé Dieu.

Je n’ai pas appauvri un pauvre dans ses biens.

Je n’ai pas fait ce qui est abominable devant son maître.

Je n’ai pas affligé.

Je n’ai pas affamé.

Je n’ai pas fait pleurer.

Je n’ai pas tué.

Je n’ai fait de peine à personne.

Je n’ai pas volé les galettes des bienheureux.

Je n’ai pas été pédéraste.

Je n’ai pas triché sur les terrains.

Je n’ai pas opposé une digue à une eau courante.

Je n’ai pas éteint de feu dans son ardeur.

Je suis pur, je suis pur, je suis pur, je suis pur !.

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