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Toutankhamon et bien plus

Dalia Farouq, Mardi, 03 mars 2020

La tombe de Toutankhamon, dans la Vallée des rois à Louqsor, continue de susciter l’intérêt des archéologues. Un nouveau scan de sa tombe avec radar a permis de détecter un espace creux derrière l’un des murs. Plusieurs hypothèses sont avancées concernant cette découverte.

Toutankhamon et bien plus
Les archéologues lors d'une tentative précédente de scanner la tombe de Toutankhamon.

Depuis la découverte de sa tombe par Howard Carter en 1922, à Louqsor, Toutankhamon suscite toujours des débats passionnés. Une fois de plus, la tombe de l’enfant-roi vient

d’être étudiée par une équipe de scientifiques dirigée par Mamdouh Al-Damati, ancien ministre égyptien des Antiquités.

Les archéologues ont découvert, grâce à un radar à pénétration du sol (GPR), un espace jusqu’alors inconnu près de la sépulture du roi Toutankhamon. La zone découverte fait environ 2 mètres de haut et 15 mètres de long. L’équipe a détecté un long espace dans la roche, à quelques mètres à l’est, à la même profondeur que la chambre funéraire de Toutankhamon et parallèle au couloir d’entrée de la tombe. « Il n’est pas encore certain que l’espace soit lié à la tombe de Toutankhamon, ou s’il fait partie d’une autre tombe à proximité », explique Al-Damati. Mais les chercheurs soutiennent l’hypothèse que, de par so n orientation perpendiculaire à l’axe principal de la tombe de Toutankhamon, on peut penser qu’il y a une connexion, car les tombes non connectées ne sont pas alignées comme ça.

Le radar, un outil de plus en plus précis

Ces recherches avec radar sont les dernières d’une série menées depuis six ans, pour tenter de confirmer l’existence de chambres supplémentaires à proximité de la tombe de Toutankhamon. Avec une théorie controversée, selon laquelle il y aurait des chambres funéraires derrière l’un des murs de la tombe et aussi qu’il s’agirait du tombeau de la reine Néfertiti.

Cette théorie a été avancée pour la première fois en 2015, lorsque la société Factum Art effectuait un fac-similé de la tombe de Toutankhamon. Selon l’archéologue britannique Nicholas Reeves, les scanners effectués par la compagnie Factum Art ont permis de découvrir la présence de traces linéaires horizontales et verticales sur le mur ouest. Ces traces ont éveillé la curiosité des chercheurs parce qu’elles semblaient dessiner les lignes ou l’entrée d’une porte. Et plus surprenant, les dimensions de cette porte cachée coïncideraient à celles de la porte de la chambre de celle de la momie de Toutankhamon.

D’autres traces linéaires d’une plus grande entrée ont aussi été détectées. Ce mur aurait, selon Reeves, été construit pour cacher une autre chambre funéraire comme dans le cas du tombeau de Houremheb.

De même, Mamdouh Al-Damati, ministre des Antiquités à l'époque, rappelle qu’après l’équipe anglaise, des archéologues japonais, dirigés par Hirokatsu Watanabi, ont à nouveau scanné la tombe et étaient aussi convaincus à 90 % que cette tombe renfermait une nouvelle découverte.

Les analyses préliminaires des lectures de ce scan du radar ont révélé l’existence d’un semblant de colonne cachée derrière le mur.

Quant au mur nord de la tombe, sa moitié gauche était compacte, alors que sur l’autre moitié se sont répercutées des ondes reflétant des changements à l’intérieur. Les analyses préliminaires de ces ondes ont révélé l’existence d’un vide derrière la tombe. D’autres lignes sont apparues dessinant les contours d’une porte.

Al-Damati a assuré qu’à cet emplacement même, des changements avaient aussi été perçus, lorsqu’il avait été scanné aux rayons infrarouges. Et de poursuivre qu’il est impossible de trancher l’exactitude à 100 % des résultats des découvertes de l’expert japonais Watanabi et qu’il aurait fallu faire davantage de recherches dans ce domaine.

En revanche, une autre équipe a trouvé, plus tard, des preuves réfutant cette théorie. En utilisant un radar, l’expert Franco Porcelli, professeur de physique à l’Université de Turin, et son équipe, ont passé trois ans à explorer la zone autour de la tombe du pharaon et ont conclu qu’il n’y avait rien à cet endroit. En 2018, Mamdouh Al-Damati et la société Terravision Exploration, basée à West Molesey, au Royaume-Uni, a été invitée par le Conseil Suprême des Antiquités (CSA) à poursuivre les recherches par le radar. Les résultats préliminaires de Terravision suggéraient qu’il y aurait plus à découvrir.

En 2019, Zahi Hawas avait fouillé la zone au nord de la tombe de Toutankhamon à la recherche d’entrées de tombes. Mais une deuxième équipe, avec le soutien de la chaîne télévisée américaine National Geographic, n’avait rien trouvé. C’est en juin dernier que le CSA a approuvé une nouvelle demande pour scanner la tombe par un radar plus sophistiqué. Al-Damati, Terravision et une équipe

d’ingénieurs de l’Université de Aïn-Chams sont revenus pour terminer leur travail. Cependant, les interférences des unités de climatisation à proximité ont empêché l’équipe de recueillir des données définitives pour la zone cruciale située directement au nord de la chambre funéraire de Toutankhamon.

« Jusqu’à présent, on ne peut pas trancher à 100 % qu’il y a une ou plusieurs chambres derrière le mur de la tombe de Toutankhamon. Cela dit, je vais présenter une demande au CSA pour poursuivre les recherches en utilisant un radar possédant une antenne plus sophistiquée ainsi que d’autres appareils modernes, pour pouvoir déterminer la forme et l’emplacement du vide à quelques centimètres près et voir où il mène », conclut Al-Damati.

Qui est enterré dans la partie cachée ?

Cette hypothèse a toujours partagé les milieux archéologiques. Enthousiaste, Ola Al-Eguizy, professeure d’archéologie à l’Université du Caire, assure que ces nouvelles données sont vraiment excitantes. « Je pense qu’il y a quelque chose de l’autre côté du mur nord de la chambre funéraire. Non pas seulement grâce aux équipements modernes utilisés pour scanner les tombes et qui donnent des résultats adéquats, mais aussi grâce aux évidences historiques qui indiquent et favorisent cette hypothèse », affirme-t-elle.

Selon Al-Eguizy, Toutankhamon est mort subitement, deux ans après son règne. Alors, il se peut qu’ils n’ont pas pu lui préparer une tombe royale. Ils ont pris une partie d’une tombe prête afin de l’y enterrer, surtout que la réutilisation des tombes était connue à cette époque. Fils du pharaon Akhenaton, Toutankhamon est le onzième pharaon de la XVIIIe dynastie. Il est décédé jeune, vers l’âge de 19 ans, probablement du paludisme ou d’une affection osseuse.

De son côté, l’égyptologue Zahi Hawas refuse l’hypothèse de l’existence d’une partie cachée dans la tombe de Toutankhamon. Il a déclaré aux médias que l’utilisation de techniques géophysiques pour rechercher des tombes en Egypte avait précédemment suscité de faux espoirs et il fait valoir qu’un tel travail ne devrait pas être poursuivi. « Le GPR n’a fait jusqu’alors aucune découverte sur aucun site en Egypte », affirme-t-il.

Loin de confirmer une théorie précédente qui prétend que cette zone renferme les restes de la reine Néfertiti, Al-Damati assure qu’il ne peut rien trancher par ce dernier scan. « Pourquoi ça ne serait pas le tombeau de la reine Kiya, la mère de Toutankhamon, ou de la reine Merit Aton, sa soeur ou la reine Ankhesenamun, son épouse ? », s’interroge-t-il.

Pourtant, l’archéologue Nicholas Reeves avait déclaré à plusieurs reprises que cette partie cachée renfermait les restes de la reine Néfertiti, connue comme la grande épouse royale du pharaon Akhenaton. Mais certains égyptologues pensent qu’elle a été promue au rang de co-régente avec Akhenaton et qu’elle a gouverné l’Egypte avec lui avant sa mort.

D’autres théorisent que Néfertiti aurait pu gouverner, déguisée en homme. Sa tombe n’a jamais été trouvée.

Peu importe la personne qui se trouve à l’intérieur, explique Al-Damati, la découverte pourrait être la plus importante, car cette partie de la vallée est couverte par une couche de débris, provoqués par des inondations, qui ont aidé à garder la tombe de Toutankhamon à l’abri des pillards pendant des millénaires. « La partie cachée doit être aussi intacte », conclut l’ancien ministre des Antiquités.

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