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Archéologie d’Alexandrie, une passion italienne

Doaa Elhami, Mardi, 22 octobre 2019

Le livre Unearthing Alexandria’s Archaeology : The Italian Contribution donne un aperçu des principaux sites alexandrins sur lesquels ont opéré les archéologues italiens de la moitié du XIXe à la moitié du XXe siècle. Il présente par ailleurs plusieurs chefs de mission italiens.

Archéologie d’Alexandrie, une passion italienne
La nécropole du quartier de Moustapha Kamel avant et après la restauration.

« L’archéologie italienne était unique en sa concentration à Alexandrie. Les Italiens étaient vraiment les premiers pionniers en matière de recherche et d’étude de la grande cité portuaire d’Alexandrie. Giuseppe Botti, Evaresto Breccia, Achille Adriani et bien d’autres sont les pionniers des fouilles archéologiques partout dans la ville d’Alexandrie. Leurs travaux ont révélé la gloire de l’ancienne cité. Ces travaux et leurs résultats composent la base des fouilles actuelles », lit-on dans l’introduction du livre Unearthing Alexandria’s Archaeology : The Italian Contribution (à la découverte de l’archéologie d’Alexandrie : la contribution italienne). Rédigé par les archéologues Mohamed Kenawi, ex-directeur du Centre hellénistique, et Giorgia Marchiori, ce livre a été récemment publié par la maison d’édition anglaise Archaeopress.

L’ouvrage présente au lecteur, au fil de 8 chapitres, les principaux sites archéologiques sur lesquels ont opéré les archéologues italiens qui vivaient à Alexandrie au cours des dernières décennies du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Cette présentation est accompagnée de photos de ces lieux, prises avant et durant les fouilles. Les premiers archéologues italiens avaient aussi créé le Musée gréco-romain. C’est le 17 octobre 1892 que le khédive Abbas Helmi a inauguré celui-ci dans sa résidence secondaire à Alexandrie. 8 ans plus tard, en 1900, la municipalité d’Alexandrie a transféré le Musée gréco-romain vers son emplacement actuel.

Archéologie d’Alexandrie, une passion italienne
La nécropole du quartier de Moustapha Kamel avant et après la restauration.

Le premier chapitre du livre donne un aperçu de 17 archéologues chefs de mission italiens qui ont travaillé et travaillent à Alexandrie. Giuseppe Botti a installé le Musée gréco-romain, et c’est aussi lui qui a commencé les fouilles à Kom Al-Chogafa, l’un des plus riches sites archéologiques, qui délivre des secrets jusqu’à nos jours. Le livre consacre à Kom Al-Chogafa un chapitre bien documenté, en raison de son importance archéologique. Evaresto Breccia, 2e directeur du Musée gréco-romain, a, lui, lancé les fouilles sur plusieurs autres sites archéologiques, qui conservent jusqu’à nos jours des trésors à dégager. Citons, à titre d’exemple, Taposiris Magna, Serapium, Chatbi et la nécropole d’Anfouchi. A côté de cette première génération d’archéologues, le livre présente aussi des archéologues italiens contemporains, qui ont ouvert des chantiers de fouille à Alexandrie vers la fin du XXe siècle. A l’instar de Paolo Gallo, dont la mission à l’île de Nelson et à l’oasis de Bahrein, à Siwa, a commencé en 1998.

Le lecteur découvre, parmi les sites alexandrins les plus importants, la nécropole de Hadra, qui se trouve entre les murailles est de l’ancienne cité et le lac Mariout. « Actuellement, le lieu est complètement couvert de nouvelles maisons, d’hôpitaux comme ceux de Hadra et Gamal Abdel-Nasser, et d’un vaste cimetière musulman », indique le livre. D’après ce dernier, beaucoup d’objets archéologiques de Hadra, comme des ostraca, des stèles de calcaire et des vases typiques, ont alimenté les musées dans le monde entier, à cause des collectionneurs d’antiquités des années 1880. Les travaux officiels n’ont pas pu empêcher l’expansion démographique de la ville.

Le livre souligne les efforts des archéologues italiens, notamment d’Ernesto Breccia. Celui-ci a tenté de sauver ce lieu archéologique face à l’expansion de nouveaux bâtiments. Il a notamment documenté une catacombe composée d’un groupe de tombes. Il a aussi photographié et publié plusieurs articles descriptifs du site et de ses objets. Breccia avait aussi travaillé dans la nécropole hellénistique, où il avait trouvé une petite église consacrée aux rites funéraires ainsi qu’une tombe qui pourrait être celle d’un grand prêtre.

Ordre royal

Archéologie d’Alexandrie, une passion italienne

Le livre met aussi en évidence le rôle des souverains dans la sauvegarde des monuments et des vestiges archéologiques. Ainsi, le roi Fouad (1917-1936) a ordonné aux ouvriers travaillant alors à la construction de l’Institut d’hydrobiologie d’interrompre leurs travaux lors de la découverte de vestiges sur une colline au bord de la mer. Cet endroit est ensuite devenu le site archéologique de Chatbi. Le roi a fait intervenir Breccia et son équipe. A quelques mètres du chantier, les ouvriers étaient tombés sur une route romaine pavée de basalte. L’équipe archéologique a nettoyé et daté la route (2e siècle). « A l’est et à 3 m en-dessous du niveau de la route, les archéologues ont aussi trouvé trois grandes mosaïques qui appartiennent à une vaste maison. L’une de ces mosaïques montre une scène de chasse de cerfs. On a transféré ces mosaïques au Musée gréco-romain », lit-on dans le livre.

Le livre n’oublie pas de relater l’histoire archéologique du Sérapéum d’Alexandrie. Il est connu du grand public sous le nom de site de « Amoud Al-Sawari » (la colonne de Dioclétien). L’histoire des fouilles commence avec le géologue de l’Expédition française de 1798, Déodat Dolomieu, en compagnie du diplomate, écrivain et peintre Dominique-Vivant Denon. L’astronome Mahmoud pacha Al-Falaki y a mené des fouilles pendant 3 ans (1863-1866) et y a découvert de nombreux indices archéologiques qui indiquaient la présence du temple ultérieurement mis au jour. Citons à titre d’exemple des statues d’animaux et des colonnes fragmentées. En 1894, Giuseppe Botti s’est consacré au site en se basant sur les documents des anciens historiens et en prenant en considération les travaux d’Al-Falaki. Il a découvert beaucoup d’éléments architecturaux, notamment des bases de colonnes. La trouvaille la plus remarquable de Botti est toutefois la statue d’Apis. Il a dégagé trois pièces de trois endroits différents. Tout d’abord, il a mis au jour le torse, en mauvais état, puis d’autres fragments, ainsi qu’un troisième groupe de pièces à l’intérieur d’une structure souterraine taillée dans le roc. Botti a alors restauré la statue, qui se dresse actuellement au Musée gréco-romain.

Archéologie d’Alexandrie, une passion italienne
Des mosaïques trouvées à Chatbi.

Le livre prend fin avec un chapitre de photos documentaires. Il s’agit d’exemplaires des archives photographiques des archéologues Breccia et Adriani ainsi que de reproductions de négatifs en verre d’AlexMed (Alexandria and Mediterranian Research Center, Centre des recherches d’Alexandrie et de la Méditerranée). Ces photos montrent l’état de monuments au moment de leur découverte et avant et durant la restauration, pendant la première moitié du XXe siècle, à l’exemple des tombes du quartier de Moustapha Kamel. Elles montrent aussi de récentes restaurations entamées en 2012 et une vue panoramique sur la côte méditerranéenne devant le fort de Qaïtbay, en 1900.

Grâce à ces documents, notes de fouilles et anciennes photos, les actuels archéologues et historiens peuvent retracer l’histoire de la cité millénaire d’Alexandrie.

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