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Le cancer connu mais peu fréquent en Egypte Ancienne

Dalia Farouq, Mardi, 07 août 2018

Une étude de l’Université de Western Ontario au Canada montre que les Anciens Egyptiens étaient rarement touchés par le cancer. L’étude est basée sur la scannographie de 1 087 squelettes anciens. Six seulement ont montré des traces de cancer.

Le cancer connu mais peu fréquent en Egypte Ancienne
Le site où ont été trouvés les squelettes.

L’archéologie ne se limite pas aux fouilles ou à la restauration, mais elle est aussi au service de la science, notamment la médecine. Dans les sociétés industrialisées, le cancer est la deuxième cause de décès après les maladies cardiovasculaires. Mais est-ce que c’était le cas pour nos ancêtres ? Une question à laquelle a répondu une étude récente élaborée par des scientistes de l’Université de Western Ontario au Canada. L’étude montre que les cas de cancer ont été multipliés par 100 comparés aux temps anciens. Cette étude s’est basée sur l’analyse de 1 087 squelettes découverts dans une nécropole antique à l’oasis de Dakhla dans le Désert occidental, et plus précisément dans la nécropole de Ain Tirghi qui date du Moyen Empire (1100-680 av. J.-C.). Les résultats des analyses ont montré que seuls 6 squelettes sont atteints du cancer. Selon l’anthropologue Il Molto, la connaissance de l’histoire de cette mutation génétique permet aux scientifiques de mieux comprendre cette maladie, ses causes et d’y trouver un remède. La rareté de cette maladie maligne dans les temps anciens confirme l’hypothèse selon laquelle les facteurs causant le cancer sont limités aux sociétés touchées par l’industrialisation moderne. « Dans une société primitive où il n’y avait pas d’interventions chirurgicales, l’évidence du cancer devrait demeurer élevée dans tous les cas », explique Molto. Et d’ajouter que la rareté de tumeurs malignes chez les momies témoigne que cette maladie est due à la pollution et aux changements de notre régime alimentaire et de notre mode de vie.

Le secret des Anciens Egyptiens

Le cancer connu mais peu fréquent en Egypte Ancienne
Les spécialistes ont découvert des traces de cancer sur les squelettes pharaoniques.

C’est grâce au développement technologique des dernières années que les scientifiques peuvent aujourd’hui élaborer des études non intrusives sur des squelettes et des momies anciens, pour une meilleure compréhension des maladies sans nuire aux vestiges. Dans l’étude de l’Université de Western Ontario, les chercheurs ont utilisé des scanners de la dernière génération, capable de réaliser 124 tranches tomographiques simultanément, et avec un haut degré de précision. Cette technique appelée tomodensitométrie ou scanographie permet de visualiser l’intérieur des momies. Elle donne de meilleurs résultats que les méthodes traditionnelles. « Les squelettes étaient en bon état grâce à la sécheresse et le désert qui entoure les nécropoles. Cela nous a permis d’avoir des résultats plus précis », reprend Molto. En plus de la scannographie, les chercheurs ont eu recours à des analyses pathologiques pour les squelettes où ils ont trouvé des parties abîmées et des lésions sur les os causées par le cancer. Ces analyses ont confirmé la rareté du cancer dans les sociétés anciennes. Les chercheurs ont observé aussi, lors de cette étude, que six personnes atteintes de cancer sont jeunes. « En fait, une petite partie des Anciens Egyptiens dépassaient l’âge de 60 ans, l’âge où l’atteinte par cette pathologie s’accélère », explique Molto.

Le cancer connu mais peu fréquent en Egypte Ancienne
Les spécialistes ont découvert des traces de cancer sur les squelettes pharaoniques.

Parmi les six squelettes atteints du cancer à Dakhla, les chercheurs ont identifié deux jeunes femmes atteintes du cancer du col de l’utérus et un homme qui souffrait d’un cancer de la prostate. « Ces trois personnes sont mortes entre l’âge de vingt et trente ans. C’est rare de trouver des personnes atteintes de cette pathologie à cet âge assez jeune », reprend Molto. En outre, les chercheurs ont identifié le squelette d’un enfant d’environ cinq ans atteint du cancer du sang. Des lésions ont été trouvées sur les os de son squelette. C’est un cancer de la moelle épinière. Les deux derniers squelettes appartenaient à une femme et à un homme quinquagénaires. La première est atteinte d’un genre féroce de cancer qui peut être celui des ovaires et des seins. Quant à l’homme, il souffrait d’un cancer du rectum.

Le cancer, connu depuis l’antiquité

Le cancer connu mais peu fréquent en Egypte Ancienne

Pour sa part, Ahmad Saleh, ancien directeur du Musée de la momification, assure que la médecine était très développée chez les Anciens Egyptiens qui connaissaient beaucoup de maladies et pouvaient les soigner, ils ont même connu les tumeurs cancéreuses et les appelaient « mentou » qui signifie « le mystérieux » en hiéroglyphe. « Le Papyrus médical d’Edwin Smith, rédigé par Imhotep, le grand médecin et architecte de l’époque pharaonique en 3000 av. J.-C., a décrit minutieusement un cas qui pourrait bien être un cancer des seins, il a aussi prescrit le traitement pour cette maladie inconnue », indique Saleh.

Dr Sahar Sélim, professeure de radiologie à la faculté de médecine de Qasr Al-Aïni et spécialiste de la scannographie des monuments, explique que les pharaons étaient les premiers à décrire des pathologies et des symptômes qui ne peuvent être diagnostiqués que comme le cancer que l’on connaît aujourd’hui. « Le Papyrus d’Ibris, qui remonte à 1500 av. J.-C., est considéré comme un manuel complet pour presque tous les genres de cancers. Beaucoup de médecins de l’époque gréco-romaine se sont basés sur ce papyrus médical important, tels Hippocrate et Celsus. Des historiens, tel Hérodote, ont décrit, aux IIIe et IVe siècles ap. J.-C., des symptômes qui ressemblent beaucoup à ceux du cancer. Le savant arabe Ibn Sina nous a également décrit les symptômes du cancer, son traitement et comment le prévenir », explique Sélim.

En fait, en 2013, un groupe de chercheurs de l’Université de Dorham en Angleterre a effectué une étude sur 27 sites antiques en Egypte et au Soudan. « Les chercheurs ont découvert 46 cas seulement atteints du cancer parmi des milliers de squelettes et de momies. Les chercheurs ont constaté la rareté du cancer chez les Anciens Egyptiens, et l’âge des malades variait entre 20 et 35 ans, et il était répandu plus chez les hommes âgés que chez les femmes », indique Sélim.

Le cancer connu mais peu fréquent en Egypte Ancienne

En outre, la mission archéologique de l’Université espagnole de Genopérant opérant à Assouan a dévoilé, en 2015, le plus ancien cas au monde de cancer du sein. La mission avait découvert dans la nécropole de Qobbet Al-Hawa, sur l’île Eléphantine près d’Assouan en Haute-Egypte, quatre momies. L’une appartenant à une femme adulte morte vers 2000 av. J.-C. Après une scanographie et des analyses, les chercheurs ont découvert qu’elle était atteinte d’un cancer du sein.

Quant à la dernière étude de l’Université de Western Ontario, les chercheurs espèrent pouvoir collecter dans le futur proche des informations et des données sur le cancer et le registre des maladies des habitants actuels de l’oasis de Dakhla, afin de faire une comparaison entre le taux d’atteinte par la pathologie dans les temps anciens et à l’heure actuelle. « On pourrait avoir ainsi plus d’informations sur l’évolution du cancer avec le temps », conclut Molto.

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