
Le sarcophage sur le point d’être retiré. (Photo : Ibrahim Mahmoud)
Trois squelettes submergés dans un liquide de couleur rougeâtre avec une odeur âcre pénétrante ont été découverts dans le mystérieux sarcophage noir trouvé il y a une quinzaine de jours dans le quartier de Sidi Gaber, à l’est de la ville côtière d’Alexandrie. Ce sarcophage a été trouvé par pur hasard alors qu’on installait des capteurs dans cette zone, car en vertu de la loi, les capteurs sont obligatoires dans les zones de fouilles archéologiques sur lesquelles on envisage de construire. Découvert à 5 m de profondeur, le sarcophage est fabriqué en granit noir. Sa longueur est de 2,65 m, sa largeur de 1,65 m et sa hauteur de 1,85 m.
« C’est le plus gros sarcophage découvert jusqu’à maintenant à Alexandrie. Il est également un des plus grands coffres en granit noir jamais trouvé en Egypte », souligne Aymane Achmawi, chef du secteur des monuments de l’Egypte Ancienne au ministère des Antiquités. Les dimensions du sarcophage et le fait qu’il soit scellé ont suscité un grand intérêt, et les rumeurs circulent partout dans le monde estimant que le sarcophage appartenait probablement au grand conquérant Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.), fondateur de cette ville méditerranéenne. Leurs spéculations se basaient sur la taille et la matière dont est fabriqué le sarcophage. Bien que le monde entier considère cette découverte comme « majeure », étant donné son emplacement à Alexandrie, et « originale », vu la taille et la matière du sarcophage, les spécialistes du ministère la considèrent comme un événement « normal », surtout qu’aucune description n’a été trouvée sur le site. « L’emplacement du corps et le sarcophage d’Alexandre le Grand demeurent l’un des mystères irrésolus de l’Histoire, malgré les nombreux travaux des historiens et des archéologues sur ce sujet », déclare Achmawi.
La malédiction du sarcophage

La tête en albâtre. (Photo : Ibrahim Mahmoud)
Si le propriétaire du sarcophage et ses dimensions constituent un grand énigme, son ouverture n’en était pas moins énigmatique. Les réseaux sociaux ainsi que les médias ne cessent de parler de la malédiction qui attend celui qui songe à ouvrir le sarcophage, rappelant la mort de plusieurs personnes suite à la découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922. Certains sont allés encore plus loin en parlant de la destruction et de la fin du monde. « Il n’y a pas de malédictions, ce sont des hallucinations, mais c’est un sarcophage qui n’a jamais été ouvert et on craignait le dégagement de gaz toxiques », a souligné Mostafa Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA), expliquant qu’une évacuation des citoyens a eu lieu pendant quelques heures lors de l’ouverture du sarcophage. « Le sarcophage a été ouvert et n’a révélé aucune malédiction de fin du monde », plaisante Waziri.
Autres craintes

(Photo : Ibrahim Mahmoud)
Suite à l’enlèvement du couvercle, un liquide de couleur rougeâtre a aussi suscité la peur des quelques archéologues présents, et surtout des ouvriers qui assistaient à l’ouverture du sarcophage. Ils ont cru qu’il s’agissait d’un mercure rouge mortel. « Ce n’est que de l’eau pourrie qui a pénétré depuis longtemps dans le sarcophage à travers une fissure dans son côté droit. Cette région est un quartier populaire depuis plus de 50 ans et ce n’est que l’eau des égouts », ajoute-t-il, expliquant que l’eau s’est mélangée aux squelettes, ce qui a produit ce liquide rouge à l’odeur dégoûtante. « Cela a gravement affecté les squelettes », indique Chaabane Abdel-Moneim, spécialiste des momies et des squelettes. Le couvercle pèse 8 tonnes et demie, alors que la base pèse 30 tonnes ou plus. « Le ministère des Antiquités n’a pas les moyens de relever le couvercle et le sarcophage. C’est pour cela que les forces armées nous ont aidés avec leurs équipements lourds et nous ont même aidés à sécuriser le site », affirme le secrétaire général, en saluant surtout l’expertise des ouvriers d’Assouan assistant à ce grand événement. Après l’ouverture du sarcophage, un comité du ministère des Antiquités, dirigé par Mostafa Waziri, a annoncé que les squelettes trouvés appartiennent à des soldats guerriers qui semblent être morts dans un combat et enterrés dans ce sarcophage. « Deux des trois crânes montrent bien qu’ils sont des hommes de 40 à 50 ans, mais le troisième n’a pas été jusqu’à présent identifié », indique Chaabane Abdel-Moneim. Selon lui, leur aspect sérieux ainsi que les traces d’une flèche traversant un des crânes donnent une explication sur leur identité, niant toutes sortes de relations entre ces personnes et les familles royales, comme cela a été publié dans les médias dans le monde entier lors de la découverte du sarcophage au début du mois.
En termes de datation, bien qu’il n’y ait pas d’inscriptions à l’intérieur ou à l’extérieur du sarcophage, les responsables du ministère estiment qu’il remonte à l’époque ptolémaïque (332-30 av. J.-C.) ou romaine (30 av. J.-C.-642 de notre ère) se basant sur l’histoire de la ville ainsi que sur la seule pièce antique trouvée à côté du sarcophage, celle d’un buste en albâtre de 40 cm de hauteur appartenant à un homme dont les traits du visage ne sont pas clairs, mais qui pourrait être le propriétaire de la tombe. « Sans aucun doute, ce buste remonte à l’époque ptolémaïque », assure Achmawi. En effet, « ce buste ainsi que les squelettes seront restaurés et étudiés dans le laboratoire du Musée national d’Alexandrie », indique Waziri, ajoutant que le sarcophage a déjà été transporté et déposé dans les entrepôts du ministère dans le quartier de Mostapha Kamel pour subir, après son nettoyage, des travaux de restauration et d’études. Normalement, la recherche continue sur cette affaire mystérieuse et la polémique sur l’identité du propriétaire de ce sarcophage se poursuit aussi. « On ne s’attend pas à trouver d’autres vestiges sur ce terrain. Les fouilles s’arrêtent et les études continuent », conclut Waziri.
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