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Sameh Al-Masri : Aujourd’hui, il y a une vision tout à fait nouvelle pour les musées

Nasma Réda, Mardi, 15 mai 2018

A l’occasion de la Journée internationale des musées célébrée le 18 mai, le muséologue Sameh Al-Masri, directeur général de la planification et de la restauration des musées au ministère des Antiquités, parle de la modernisation de ces établissements qui conservent l’histoire et l’identité égyptiennes.

Sameh Al-Masri

Al-Ahram Hebdo : La muséologie s’est beaucoup développée au cours des dernières années. Où en est l’Egypte de ce développement ?

Sameh Al-Masri : Avant 2006, presque tous les musées en Egypte se ressemblaient. L’idée de créer une conception unique et riche spécifique à chaque édifice n’existait pas. On organisait les musées selon une ligne chronologique. Mais tout a changé avec la vision de l’ancien ministre de la Culture, Farouk Hosni, qui a commencé à nous apprendre la muséologie, cet art qui étudie l’institution muséale : le classement des pièces, la mise en valeur de chaque collection et des oeuvres d’art, la médiation, l’animation, etc. Aujourd’hui, il y a une vision tout à fait nouvelle pour les musées.

— Le thème de l’ICOM cette année est « Des musées hyperconnectés, nouvelles approches, nouveaux publics ».Comment interprétez-vous ce slogan ?

— La muséologie a recours à de nombreuses disciplines modernes pour attirer le visiteur, dont les sciences de l’information et de la communication, la sociologie, l’histoire. La technologie joue un rôle très important dans cette science moderne pour attirer le plus grand nombre de gens. La muséologie est aujourd’hui enseignée dans les universités, elle est de plus en plus pratiquée par les jeunes.

— Comment cela s’applique-t-il à l’Egypte ?

— On cherche actuellement à s’adresser à un nouveau public, comme les enfants et les handicapés, en leur organisant des événements spéciaux. On cherche à réserver aux handicapés une salle spéciale avec des répliques pour ne pas les priver de visiter les musées et de connaître leur histoire. On a commencé par le musée de Louqsor. Mais c’est une option qui n’est pas applicable dans tous les musées. On a aussi utilisé, dans certains musées, les applications mobiles, mais c’est une question de rentabilité, car la technologie coûte cher et le ministère n’a pas les moyens financiers.

— Peut-on dire que l’Egypte possède aujourd’hui des musées dotés de visions modernes ?

— Avec l’inauguration de chaque nouveau musée ou si on fait des rénovations, la vision est différente et moderne. Ce n’est plus une exposition chronologique comme dans le temps, mais il y a une conception nouvelle et différente. Cela a été appliqué pour la première fois au musée d’Al-Arich, au nord de la péninsule du Sinaï, qui a pour thème « La Porte orientale de l’Egypte », et on travaille de manière à rénover d’autres musées. De même, le musée d’art islamique était pour moi un grand défi, j’avais un message de paix à transmettre au monde entier contre le terrorisme.

— Adaptez-vous donc dans chaque musée un thème spécifique ?

— Notre but premier est de sensibiliser le grand public à l’importance des musées, dont le rôle est d’aider au développement de la société. Parfois on est forcé de changer complètement le concept d’un musée pour présenter un message particulier. Par exemple, en traçant la nouvelle exposition du musée de Mallawi à Minya, j’avais en tête d’éduquer les nouvelles générations quant à l’importance de leur patrimoine matériel et immatériel, en se basant sur le thème de la famille et en mettant l’accent sur le rôle de la femme. On a voulu changer quelques traditions, coutumes et concepts liés au rôle mineur de la femme en Haute-Egypte.

— Comment pouvez-vous arriver au point de faire un scénario attirant pour satisfaire des visiteurs différents en âge, sexe et culture ?

— C’est une équation très difficile. On doit classer les pièces d’une manière séduisante qui attire l’oeil du visiteur, en même temps qu’il se déplace à l’aise d’une salle à une autre, entre les pièces et les vitrines. Et chaque 6 mois, on fait la rotation de quelques pièces avec celles entassées dans les entrepôts des musées. Cela permet au visiteur de trouver chaque année des pièces différentes.

— Etes-vous pour l’exposition libre des pièces ou le fait de les garder dans des vitrines ?

— Cela varie d’une pièce à l’autre. Les vitrines d’exposition permettent de régler les conditions environnementales, dont l’humidité et les polluants, en plus d’aider à réduire les risques de dommages aux objets exposés. On ne peut pas aussi exposer librement les petites pièces comme les monnaies ou les ustensiles quotidiens.

— Y a-t-il du nouveau dans les vitrines modernes ?

— C’est surtout une question de dimension et d’éclairage. Au musée de Tell-Basta par exemple, dans le gouvernorat de Charqiya, une très grande vitrine, attirant tous les visiteurs, est fabriquée pour exposer tout le contenu d’une tombe. C’est l’une des pièces maîtresses qui attirent les yeux des visiteurs avec l’éclairage.

Journée internationale des musées
Vitrine de simulation de la vie funéraire à Tell Basta. (Photo : Nasma Réda)

— Les nouvelles techniques d’éclairage changent-elles les anciennes ?

— On doit faire la différence entre les antiquités organiques et non organiques, surtout que chacune exige une quantité différente de lumière. Les nouvelles technologies ont prouvé que les lampes fluorescentes et héliogènes ne sont pas adaptées aux pièces antiques, alors on a tout remplacé avec le led.

Bien que les uns préfèrent l’éclairage solaire, moi je suis contre, tout simplement à cause des rayons ultraviolets qui activent les oxydes nuisibles sur les pièces et les détériorent.

— Avec le grand nombre d’antiquités en Egypte, comment choisissez-vous les pièces qui seront exposées dans un musée ?

— Il est vrai que c’est très difficile de faire le tri parmi le tas de pièces qui se trouvent, soit dans les entrepôts des musées ou sur les chantiers archéologiques. Mais à vrai dire, ce grand nombre est pour moi un avantage qui est en faveur du thème choisi.

— Les conservateurs des musées ont-ils un rôle dans la création ou la modification du scénario muséologique ?

— Certainement. C’est eux qui expliquent aux visiteurs la conception du musée, les pièces et l’historique. Ils doivent donc non seulement être convaincus du concept, mais en plus participer à sa création en collaboration avec les scientifiques et les spécialistes. Ils supervisent ensuite toutes les étapes de la réalisation du projet.

— Est-ce qu’un musée peut avoir une ou plusieurs pièces maîtresses ?

— C’est sûr. Très souvent, on est confus dans le choix des pièces. Est-il préférable de prendre la plus importante, ou la plus belle ou la plus ancienne ? En fin de compte, le tout dépend du message que l’on veut transmettre au visiteur. Au Musée d’art islamique par exemple, on a créé un scénario qui convient pour exposer plusieurs pièces à l’entrée : une copie antique du Coran, une boussole, l’astrolabe (en médecine), un exemple des jarres asiatiques, pour débuter l’exposition qui a pour thème l’art islamique à travers les siècles.

— Quel est votre futur projet ?

— Le secteur travaille actuellement dans le musée militaire de la citadelle afin de le développer, pour qu’il soit cohérent avec l’époque contemporaine.

Les musées inaugurés en 2017-2018

18 janvier 2017

Le Musée d’art islamique est inauguré par le président de la République, après trois ans de fermeture, suite à l’attentat terroriste du 24 janvier 2014 qui l’avait endommagé. Après un long travail de restauration et avec une nouvelle muséologie, il rouvre ses portes aux visiteurs.

7 février 2017

Le musée de chasse situé au Palais Mohamad Ali, à Manial au Caire, est ouvert au public avec une nouvelle muséologie, après 11 ans de fermeture.

15 février 2017

Au coeur de la première capitale islamique de l’Egypte, Al-Fostat, le Musée National de la Civilisation Egyptienne (MNCE), avec son toit en forme de pyramide, est partiellement inauguré, après presque 8 ans de retard, par une exposition temporaire, intitulée « L’Artisanat égyptien à travers les siècles », en présence de la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova.

25 août 2017

Après dix ans de fermeture et avec un budget de 2,5 millions de L.E., le musée Rommel, situé près de la ville de Marsa Matrouh, a rouvert ses portes.

17 février 2018

Le ministre des Antiquités, Khaled Al-Anani, a inauguré le musée en plein air de Massallah. Situé dans le quartier populaire de Matariya dans la région de Aïn-Chams, le site regroupe des pièces représentatives de différentes périodes archéologiques de l’Egypte Ancienne.

1er mars 2018

Le nouveau Musée national de Marsa Matrouh, qui raconte l’histoire de la ville côtière située à 288 kilomètres d’Alexandrie, est inauguré par le président Abdel-Fattah Al-Sissi. Plus de 1 000 pièces antiques inédites sont exposées sur deux étages dans le bâtiment de la bibliothèque publique.

3 mars 2018

Le musée de Tell Basta dans le gouvernorat de Charqiya a enfin vu le jour après 8 années d’attente. A travers 600 pièces, ce complexe archéologique retrace l’historique de cette région.

Les inaugurations prévues en 2018

Le Musée de Sohag en Haute-Egypte, et celui de Kafr Al-Cheikh dans le Delta.

Le monde se prépare, en décembre 2018, à une inauguration partielle du nouveau Grand Musée égyptien, près du Plateau des pyramides, avec l’ouverture de la salle du jeune pharaon Toutankhamon qui comprendra toute sa collection funéraire.

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