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Al-Charifeine, la rue des arts

Doaa Elhami, Lundi, 23 avril 2018

A l'occasion de la Journée internationale des monuments et des sites célébrée le 18 avril, la rue Al-Charifeine au Caire khédivial a été inaugurée cette semaine. La rue est destinée à réunir diverses activités artistiques et à attirer les touristes. Reportage.

Al-Charifeine, la rue des arts
(Photos : Doaa Elhami)

Peintres, sculpteurs et musiciens, profession­nels et amateurs de tous les âges étaient réunis la semaine dernière rue Al-Charifeine dans le centre-ville du Caire. Une manifestation culturelle était orga­nisée à l’occasion de l’inauguration de cette rue dans le cadre des festi­vités de la Journée internationale des monuments et des sites. « Vu l’ancienneté de la rue Al-Charifeine et les édifices importants qu’elle abrite, nous voulons qu’elle soit la rue artistique du Caire khédivial », explique Mohamad Abou-Seada, directeur de l’Organisme de l’har­monisation urbaine. Avis partagé par Riham Arram, directrice du département de la préservation du patrimoine au gouvernorat du Caire, assurant que cette rue est consacrée uniquement aux piétons, ce qui encourage les activités artis­tiques. « C’est un moyen de promo­tion touristique important », sou­ligne-t-elle.

Tout au long de la rue Al-Charifeine, des peintres ont pris place devant leurs toiles et réalisent des portraits de la société égyp­tienne: ici un portier, là une jeune fille et plus loin une vieille femme assise. A quelques pas, des flûtistes jouant de la musique classique, d’autres ont préféré s’installer devant l’entrée du bâtiment de la Radio pour jouer des chansons orientales de la diva Oum Kalsoum avec leurs qanouns (cithare orien­tale), ouds (luth oriental) et les autres instruments musicaux orien­taux, la rue comprend aussi des sculpteurs qui réalisaient leurs oeuvres en écoutant ces musiques. La rue historique d’Al-Charifeine s’est transformée en un vrai grand atelier d’art.

D’après Mohamad Abou-Seada, tous ces acteurs sont là grâce à la coopération de l’Organisme de l’harmonisation urbaine avec le secteur des beaux-arts et le Conservatoire. Mais ces peintres, sculpteurs et musiciens ne resteront pas longtemps. Ils animeront la rue seulement pendant les célébrations culturelles, nationales et sociales. « Ceux qui veulent venir sont priés d’obtenir des permis de la sécuri­té », ajoute-t-il.

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La Bourse après la restauration. (Photos : Doaa Elhami)

Le promeneur au centre-ville du Caire remarque la rue Al-Charifeine de loin grâce à ses lumières multico­lores qui prennent la forme d’un arc auquel est accrochée la couronne royale de la famille alide. « C’est le collier que portait le roi Fouad pen­dant les festivités officielles », explique Hamada Ahmad, proprié­taire du café Al-Borsa, situé rue Al-Charifeine. Dès que l’on arrive à la rue, on voit immédiatement les rénovations : des dalles neuves, des arbres et des palmiers plantés dans des jardiniers fleuris des deux côtés de la rue. « Ces travaux ont com­mencé au début de l’année, avec un budget global de 10 millions de L.E. », explique Riham Arram, ajou­tant que ce réaménagement a été réalisé par le gouvernorat du Caire, le Comité national du développe­ment et de la protection du Caire patrimonial en coopération avec l’Organisme national de l’harmoni­sation urbaine.

Une rue historique

Al-Charifeine, la rue des arts
(Photos : Doaa Elhami)

En se baladant, le visiteur ren­contre plusieurs édifices d’une grande valeur patrimoniale et histo­rique: la Bourse, la Radio et le siège principal de la banque natio­nale Al-Ahli. « Tous ces édifices qui datent de la première moitié du XXe siècle sont construits en pierre. Il fallait simplement les nettoyer pour qu’ils retrouvent leur splendeur au lieu de les peindre », commente Fouad Ahmad, propriétaire d’un ancien relieur situé dans la rue Al-Charifeine. Dans l’une des allées est installé un grand écran sur lequel est projetée l’histoire du Caire khédivial et de sa planifica­tion par le khédive Ismaïl et ses successeurs. « La rue Al-Charifeine a vu le jour durant le règne du roi Fouad », explique Hossam Ismaïl, expert en histoire moderne à l’Uni­versité de Aïn-Chams, soulignant que l’on ignore jusqu’à aujourd’hui pourquoi elle a été appelée Al-Charifeine. « Néanmoins, ce secret sera certainement dévoilé un jour », continue-t-il. L’édifice de la Bourse du Caire, conçu par l’archi­tecte français Georges Parcq en 1928, a vu passer les grands finan­ciers de l’époque, à l’instar de Joseph Hayim Pérez, Elie Naggar, Samuel Emile Lévi, Chohdi Azer Hanna, Fouad Ahmad Chahine et bien d’autres. D’ailleurs, l’édifice de la Radio a vu le jour pendant la première moitié du XXe siècle, ses studios étaient animés par les plus grands chanteurs du XXe siècle, à l’exemple de la diva Oum Kalsoum, du grand compositeur et chanteur Mohamad Abdel-Wahab, Abdel-Halim Hafez et bien d’autres. Les studios d’Al-Charifeine ont vu encore le célèbre discours du déclenchement de la Révolution de 1952 annoncé par l’officier à l’époque et ancien président égyp­tien Mohamad Anouar Al-Sadate.

Al-Charifeine, la rue des arts
Peintres et musiciens, réunis enfin dans une seule rue. (Photo : Doaa Elhami)

Si cette rue est connue pour ses bâtiments de valeur, elle a toujours aussi été célèbre pour ses cafés comme celui d’Al-Borsa, mais aujourd’hui, cette situation a changé. « Les cafés et les restaurants ont été tous fermés et ne peuvent plus ouvrir leurs portes depuis 2015 », explique Hamada Ahmad, propriétaire du café Al-Borsa, expliquant qu’à un certain temps, la rue comprenait près d’une trentaine de cafés qui travaillaient illégalement et qui attiraient une grande clientèle, surtout les jeunes. En fait, d’après le gouverneur du Caire, ces cafés ouvraient leurs portes tous les jours jusqu’à l’aube et dérangeaient les habitants. C’est pourquoi ils ont été fermés. « J’ai beaucoup souffert de ces cafés illé­gaux. Mais parce que je suivais des critères stricts dans mon café et je n’admettais qu’une clientèle distin­guée et en plus, tous mes papiers sont réguliers, des responsables à la municipalité m’ont promis que je pourrais rouvrir mon café bientôt », espère Hamada. Selon lui, le réamé­nagement de la rue n’est pas une garantie pour attirer les touristes qui ne viendront, selon lui, que s’il y a une certaine diversité: des bazars, des galeries, des magasins d’artisa­nat et aussi des cafés qui respectent certaines normes.

En tout cas, il faudrait attendre la fin du projet de réaménagement du triangle de la Bourse pour réaliser un développement permanent.

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