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Des textiles qui content le passé

Soheir Fahmi, Mardi, 13 mars 2018

Dans une exposition de toute beauté, le palais de Aïcha Fahmy, au Caire, accueille une collection de textiles coptes et islamiques encore jamais présentés au public.

Des textiles qui content le passé
Couverture d'un mihrab turc, XVIIIe siècle.

C’est la seconde exposition en ce lieu féerique que présente le palais de Aïcha Fahmy sur les rives du Nil, à Zamalek. Ce palais, récemment restauré, a déjà accueilli une exposition issue des différents musées du Caire, avec les maîtres pionniers de la peinture égyptienne du début du XXe siècle. Nous assistons, actuellement et jusqu’au 12 avril 2018, à un événement non moins prestigieux, avec les tissus coptes et islamiques, issus du Musée de Guézira et exposés au public pour la première fois. « Des pièces rares et uniques au monde », souligne le directeur Ihab El Labban. Elles ont été choisies par un comité au plus haut niveau. El Labban ajoute : « Les pièces coptes sont exposées pour la première fois au niveau mondial, ainsi que cette pièce islamique d’Asie mineure, un tapis de prière du XVIe siècle qui a été restauré en 1990, sans jamais être exposé ».

Des textiles qui content le passé
Tapis indien en cachemire, XVIIIe et XIXe siècles.

Il est rare de visiter une exposition dont les trésors présentés épousent à ce point la beauté des lieux. Sur les murs de ce palais construit au début du siècle passé, les tissus semblent faire partie du décor ambiant. On a même l’impression que ces pièces d’art font partie intrinsèque des lieux. Un plaisir visuel qui s’ajoute à l’ambiance, qui nous fait vivre un moment de grâce, loin des bruits d’une ville qui, à l’extérieur, bouillonne tous azimuts.

L’amalgame de tissus coptes et islamiques, avec leur continuité qui ne peut échapper au regard, ainsi que leurs différences sont intéressants. Sur les deux étages du palais, les textiles de différentes périodes nous interpellent avec leurs couleurs fortes. Tout d’abord, des pièces coptes remontant au IVe siècle. Des tissus qui ont été conservés grâce à la sécheresse du climat d’Egypte. Il faut noter toutefois que de nombreuses pièces ont été retrouvées dans un état fragmenté, puisqu’elles avaient été découpées en petits morceaux pour être vendues séparément.

Des textiles qui content le passé
Différents motifs représentant l'art copte byzantin, VIe siècle.

L’appellation copte a été lancée par les Grecs pour désigner tous les habitants d’Egypte quelle que soit leur religion. Toutefois, cette période remonte à l’époque romaine, jusqu’à la conquête arabe en 640. Les tissus retrouvés appartiennent au contenu des tombes, aux vêtements que portaient les défunts, mais il y a également des tissus d’autels, des textiles utilisés dans la liturgie et d’autres de la vie courante. Les motifs sont souvent des personnages — cavaliers ou autres — et des animaux ou des végétaux, ainsi que des motifs géométriques. Les tisserands coptes puisaient leur inspiration dans un répertoire mythologique ou profane. Il est étonnant de retrouver certains prolongements de ces motifs dans les tissus islamiques. Parfois, les motifs sont fascinants et profondément touchants. Le visiteur est constamment émerveillé par ces parcelles de tissus, riches par leur histoire et qui avaient tous un usage dans la vie des gens de l’époque.

Un message de vie

Des textiles qui content le passé
Différents motifs représentant l'art copte byzantin, VIe siècle.

Dans des villes comme Akhmim ou Négada en Haute-Egypte, des associations telles que l’Association de Haute-Egypte ou Wissa Wassef ont essayé de renouer avec cet artisanat en créant des pièces de tissus artistiques dans le prolongement des motifs anciens. De même pour les tapis de l’époque islamique par exemple, dont la fabrication se prolonge encore de nos jours. Cependant, lorsqu’on regarde les pièces authentiques, premières à témoigner, un souffle sacré nous traverse inévitablement.

Pour ce qui est des textiles islamiques, qui ont, eux, été diversifiés dans les différents pays de l’islam, on peut contempler des tissus venant de Turquie, d’Egypte, d’Iran, de Syrie, du Maroc, d’Extrême-Orient ou encore d’Asie mineure. Les couleurs vives des tapis aux dessins géométriques ou des nappes aux multiples variations sont autant de sources de bonheur et d’admiration. L’originalité des différentes cultures et la touche personnelle des artistes sont autant de témoignages sur la grandeur de l’art et des hommes qui, en tout temps, peuvent créer du beau pour donner un sens à leur vie. Les lettres calligraphiées que nous pouvons percevoir sur certains tapis de prière ou certaines nappes reflètent le besoin de transcender un monde éphémère pour dialoguer avec l’au-delà.

Des textiles qui content le passé
Tapis à accrocher copte byzantin, Ve siècle.

Dans cette exposition, le travail laborieux des hommes et leur désir de transcender, à travers l’art, leur destin représentent un message de vie. Après avoir traversé ces moments d’histoire et ces lieux de toute beauté, nous sortons d’une manière ou d’une autre différents. Il nous reste à saluer les promoteurs de cette exposition pour cette trêve de sérénité qu’ils nous offrent dans un monde qui cherche ses repères.

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