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Foire aux bestiaux sur un site millénaire

Doaa Elhami, Lundi, 13 mai 2013

Un marché aux bestiaux est en train de voir le jour sur le site archéologique de Matariya. Le Conseil suprême des antiquités peine à empêcher cette appropriation illégale.

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« la région de Matariya est délaissée depuis longtemps bien qu’elle soit le lieu où se dressait la plus ancienne université du monde, Oun ou Ioun », déplore Samir Abdel-Raouf, chef des inspecteurs auprès du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) à Matariya.

Des atteintes en tout genre au patrimoine ont lieu tous les jours et depuis longtemps sur ce vaste territoire. Mais cet état s’est empiré suite à la révolution du 25 janvier. L’absence de sécurité est le principal facteur, les autorités font la sourde oreille et la zone est quasiment incontrôlable du fait de son étendue.

Elle regroupe les quartiers de Matariya, de Mostorod, de Aïn-Chams est et ouest, d’Ezbet Al-Nakhl, d’Al-Marg, de Helmiyet Al-Zeitoun et certaines régions d’Héliopolis, de Madinet Nasr jusqu’au Moqattam. Bref, ce bureau doit assurer la surveillance de la plupart des quartiers du Caire, ce qui est, dans les faits, difficile à assumer.

Mais désormais, ce sont les municipalités elles-mêmes qui commettent des infractions. Elles ont en effet décidé d’installer sur l’un des sites archéologiques de Matariya un marché aux bestiaux. Deux panneaux indiquent : Bourse mondiale aux bestiaux et Marché mondial aux bestiaux. « Nous avons pu enlever ces panneaux. Mais les dégâts sont importants », regrette Samir Abdel-Raouf.

L’histoire a commencé il y a deux semaines, lorsque 3 baltaguis « a partiellement détruit la muraille qui entoure le site archéologique. Il a déversé de l’asphalte sur le sol et deux jours après il a apporté des blocs de pierre et des pylônes. Une fois ces infractions commises, il a demandé un permis aux municipalités pour installer son marché », explique l’égyptologue, furieux.

Les inspecteurs du CSA ont déposé plainte au commissariat local et au ministère des Affaires des antiquités lui demandant de se mettre en contact avec le ministère des Waqfs (biens religieux), à qui appartient le terrain en question. « Ce terrain fait partie des 54 feddans qui appartiennent au ministère des Waqfs mais qui sont supervisés par le ministère des Affaire des antiquités », précise le chef des inspecteurs.

Depuis deux semaines, le terrain s’est transformé en gare routière. « Cette infraction n’est pas la seule, mais c’est la plus importante », confirme Khaled Aboul-Ela, directeur général des monuments de Matariya et de Aïn-Chams .

Matariya, site archéologique majeur

La région comprend des vestiges de la muraille en briques crues de la ville antique, des temples datés de la IIIe dynastie et d’autres du Nouvel Empire. Elle abrite les temples des rois Thoutmosis III, Amenhotep III, Ramsès II, ou encore de Ramsès XI, parmi d’autres.

Tous ces temples étaient dédiés à Rê, dieu du soleil. Les dernières trouvailles entamées par une mission allemande opérant sur le site ont mis au jour une stèle d'offrandes et un fragment d'une double statue de Ramsès II datés du Nouvel Empire. Nombre d’autres vestiges monumentaux restent à dévoiler. Malgré son importance historique et archéologique, le site de Matariya est tombé dans l’oubli.

La tombe de Panéhési

La tombe étroite de Panéhési, dont les dimensions sont de 3 mètres x 2,5 mètres, est localisée au milieu de la rue Aïn-Chams, dans le quartier du même nom. Datant de la XXVIe dynastie (672-525 av. J.-C.), cette tombe est voûtée. « Ses murs sont couverts de scènes funéraires colorées, rappelant le style artistique répandu sous l’Ancien Empire », explique Samir Abdel-Raouf, chef des inspecteurs d’égyptologie auprès du bureau du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) à Matariya. D’ailleurs, la déesse du ciel Nout qui orne le plafond est personnifiée par une femme bleue couverte d’étoiles. Cette scène comprend aussi le lever et le coucher du soleil. Selon l’inspecteur, cette tombe fut dévoilée vers les milieux des années 1980. A l’époque, cet emplacement appartenait à l’ordre des Avocats, les autorités ayant décidé de construire des appartements pour ses membres. Ils avaient alors demandé l’inspection du CSA dont les responsables avaient trouvé des indices archéologiques. Par conséquent, des opérations de fouilles furent entamées pour dévoiler enfin cette tombe. D’après l’égyptologue, la trouvaille d’une telle tombe dans ce quartier, considéré populaire, reflète l’importance de toute la région. « Panéhési était le porteur des sceaux de la Basse-Egypte sous le règne du roi Psématique Ier, fondateur de la XXVIe dynastie », explique-t-il. Cette tombe fut soumise à des travaux de restauration pour vider la nappe phréatique qui risquait d’abîmer les inscriptions sur les murs. Elle est fermée, puisqu’elle fait désormais partie d’un site de fouilles archéologiques .

L’arbre de la Vierge

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Au milieu de la rue Matarawi, localisée dans le quartier de Aïn-Chams, est planté l’arbre de la Vierge sous lequel s’est reposée la Sainte Famille pendant sa fuite en Egypte. Il s’agit d’un endroit qui abrite une source d’eau « dont le puits fut creusé par l’Enfant Jésus lui-même », retrace le professeur Abdel-Halim Noureddine dans son livre Les Sites des monuments égyptiens. L’eau jaillissante avait permis à l’Enfant de boire. De même, dans son bassin pousse aujourd’hui un balsamier. En effet, la Sainte Famille s’est réfugiée à l’ombre d’un sycomore, dont le tronc avait ouvert son écorce miraculeusement pour les abriter des brigands. Actuellement, les branches du sycomore sont desséchées. Mais il est encerclé d’un arbre verdoyant.

Cet endroit attire les pèlerins des quatre coins du monde depuis longtemps. Les premiers d’entre eux cherchaient l’écorce de cet arbre pour ses vertus médicinales .

L'obélisque de Sénousert Ier

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Symbole du dieu-soleil d’Oun, l’antique Héliopolis : Rê, l’obélisque de Sénousert Ier (1965-1920 av. J.-C.) de la XIIe dynastie, Moyen Empire, est l’un des plus célèbres monuments de l’Egypte Ancienne. Il demeure encore à l’heure d’aujourd’hui intact et est situé dans l’actuel quartier de Matariya. Composé d’un long bloc de granit rose, cet obélisque mesure 20,4 mètres de longueur et pèse 121 tonnes. A l’origine, le roi Sénousert Ier avait érigé deux obélisques devant le temple du dieu Rê, édifié par son père le roi Amnemhat Ier (1985-1955 av. J.-C.), fondateur de la XIIe dynastie. L’obélisque est gravé sur les 4 côtés et porte aussi le cartouche du roi accompagné de ses différentes nominations. Le site où est dressé l’obélisque a été réaménagé. Seule l’inauguration officielle pourra permettre à ce monument de figurer sur les itinéraires touristiques .

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