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Les bains, coeur battant de la cité

Doaa Elhami, Mardi, 14 novembre 2017

Les bains existent en Egypte depuis la nuit des temps. A l'époque gréco-romaine, ils étaient une partie intégrante de la vie sociale et reflétaient le style de vie de la population.

Les bains, coeur battant de la cité
Les canaux chauds des bains de Kom Al-Dekka. (Photo : Wikipédia)

« A Alexandrie, il y a 400 théâtres, 4 000 bains et 40 000 juifs ». C’est ce qu’avait dit Amr Ibn Al-As, lorsqu’il a conquis la ville d’Alexandrie en 641. Le nombre de bains à cette époque reflète l’importance de ces établissements dans le mode de vie de l’Empire romain qui occupait alors l’Egypte.

Les empereurs Cantarium, Dioclétien et Trajan accordaient beaucoup d’importance à ces établissements, allant jusqu’à leur donner des noms de divinités. L’histoire raconte que l’un de ces établissements bâtis à Alexandrie portait le nom de l’empereur Néron. Or, avant son inauguration officielle, le gouverneur d’Alexandrie l’avait utilisé. « En réaction, Néron a ordonné de démolir le bain et a exilé le gouverneur », raconte le professeur Khaled Gharib, chef du département gréco-romain à la faculté d’archéologie de l’Université du Caire.

A cette époque, les bains fleurissaient partout : à Kafr Al-Cheikh, Oxyrhynchos, dans l’actuelle Bahnassa dans le gouvernorat de Minya, ou encore au Fayoum et à Al-Lahoun. D’après Khaled Gharib, à l’époque gréco-romaine, tous les établissements publics (écoles, administrations, etc.) étaient jouxtés de bains publics. Leur utilisation variait en fonction de la nature des bâtiments qu’ils jouxtaient et du niveau de leur clientèle. Cependant, ils ne désemplissaient jamais. Durant l’époque romaine, les bains utilisés lors des célébrations étaient différents des bains publics. Ils étaient plus grands et leurs salles étaient agencées de façon à accueillir un grand nombre de spectateurs. Cette grandeur et ce luxe se retrouvent dans le papyrus de Zenoun, l’un des plus anciens documents romains conservés jusqu’à aujourd’hui. Il décrit les bains, leurs multiples entrées et leurs caldariums, la vie et leur architecture. On comprend également qu’à cette époque, des bains de santé venaient compléter les salles de sport très fréquentées par l’élite romaine. Ces types de bains se trouvaient dans les villes d’Alexandrie, de Maira et de Alamein qui étaient les plus riches, et étaient couverts de marbre importé de Grèce ou de Rome. Ceux des villages, eux, étaient construits en brique crue.

Parmi les vestiges archéologiques les plus intéressants se trouve le dégagement des bains hellénistiques au sein des maisons privées à Alexandrie. Leur architecture simple se composait en principe d’une tholos, une sorte de bassin cylindrique voûté. D’après Khaled Gharib, ces tholos étaient le signe d’un niveau social élevé. En effet, seules les maisons les plus aisées comprenaient ce type de bain.

Malgré la présence des bains privés, se rendre dans un bain public faisait partie du mode de vie de l’époque gréco-romaine. « Le bain public à cette époque correspondait à l’actuel club social », souligne Mayssara Abdallah Hussein, archéologue gréco-romaine à la faculté d’archéologie de l’Université du Caire. Le visiteur y passait toute la journée, se réunissait avec ses amis ou collègues et discutait de tous types de sujets avec une préférence pour l’actualité politique de la ville.

Cinq pièces

Le bain public se composait en général de 5 pièces voûtées. Une salle pour se déshabiller où un contrôleur surveillait les vêtements des clients. « En cas de vol, le voleur était directement mis en prison », ajoute Khaled Gharib. Il y avait un département officiel dépendant du gouvernant qui surveillait les bains, s’occupait de leur maintenance, comptabilisait les frais annuels qui pouvaient s’élever à 2,5 et jusqu’à 5 drakhmas, et recevait les plaintes des clients. Le visiteur passait tout d’abord par le sudatorium ou le laconicum avant de se diriger vers le caldarium, composé de différents bassins d’eau chaude au sel de natron mélangé à des huiles parfumées. Après avoir effectué cette sudation et cette augmentation de la chaleur intérieure du corps, le client allait au tepidarium, pour se rincer la peau à l’eau tiède avant d’entrer dans le frigidarium qui servait à se rafraîchir. Après un court instant, le client passait dans l’éloethisium, la salle de massage où les différents types d’huiles servaient à nettoyer et à purifier les pores de la peau. Les bains permettant l’ensemble du processus se trouvaient principalement dans les grandes villes. Dans les villages et certaines régions, il y avait des bains pour les hommes appelés pallaniums et d’autres pour les femmes appelés pallanias. Enfin, dans les régions les plus modestes, les bains étaient consacrés certains jours aux hommes et d’autres aux femmes qui amenaient avec elles leurs repas pour la journée. Les bains romains étaient tant des lieux d’hygiène, de luxe, de débat ou de divertissement. Ils ont fait longtemps partie de la vie sociale en Egypte et cette tradition a perduré et a évolué dans la culture égyptienne jusqu’à aujourd’hui.

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