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Plongée dans l’univers vestimentaire ottoman

Doaa Elhami, Lundi, 25 septembre 2017

Le musée de Manial vient d'organiser une exposition de peintures et de gravures qui retrace les habits de l’Empire ottoman.

Plongée dans l’univers vestimentaire ottoman

Le musée de Manial offre une excursion au sein de l’Empire ottoman au XVIIIe siècle grâce à l’exposition « Coiffé d’une plume ».

Inaugurée la semaine dernière et allant jusqu’au 28 octobre prochain, cette exposition est constituée de 75 gravures et peintures ainsi que de 4 statues de cire. « Cette collection, composée de 100 tableaux, est inédite et est exposée pour la première fois au grand public. Vu l’étroitesse de la salle nous en avons présenté 75 seulement », explique Walaeddine Badawi, directeur général du musée de Manial. Ils décrivent la tenue des hauts fonctionnaires de l’Empire ottoman, du sultan au petit employé, en passant par le premier ministre, le juge et le mufti. Réalisées par le peintre français Jean-Baptiste Van Mour (voir encadré), ces peintures reflètent aussi en détail la vie sociale à l’époque ottomane et montre comment étaient habillés les artisans à cette époque comme le barbier, le vendeur de confiture ou de café.

L’histoire de cette exposition remonte au début de l’année. « Nous avons découvert dans les dépôts du musée un tas de tableaux conservés et qui sont inscrits dans les registres. Mais sans la moindre classification », raconte le directeur. Restaurés, les tableaux ont retrouvé leur splendeur d’antan. « Nous avons constaté qu’ils ont été réalisés par le peintre français Jean- Baptiste Van Mour. Ils décrivent des scènes de la vie de l’époque ottomane comme celle du tribunal et celle du prince coiffé de la plume », affirme le directeur.

A chaque titresa tenue

Les premières scènes montrent les hauts fonctionnaires de l’empire comme ce prince qui ouvre le passage au sultan pendant les festivités officielles . Le tableau maître de l ’exposition est celui du tribunal dont les membres sont le mufti, Cheikh Al- Islam (plus grande position religieuse sous l’empire), et Al-Sadr Al-Aazam (équivalent du premier ministre). « Ce dernier était coiffé d’un turban à plume, soit d’un paon ou d’une autruche », reprend le directeur. Les vêtements des hauts fonctionnaires et la forme de leur turban reflètent leurs fonctions au sein de la cour, voire au sein de l’empire. Par exemple, la personne responsable de frapper la monnaie était coiffée d’un long turban et portait un manteau ordinaire oriental. Le ministre des Finances portait un manteau oriental orné de fourrure au col et aux épaules. Ce type de manteau était porté par plusieurs fonctionnaires comme l’adjoint du chef de l’armée et l’employé du divan. Parmi les fonctionnaires représentés dans cette collection de tableaux on trouve Bab Ali Alaï Gawchaï, directeur du divan. Il écrivait les rapports d’Al- Aazam destinés au sultan. Il était coiffé d’un turban rayé entouré d’un ruban blanc. En plus, sur le front, il portait une plume attachée au turban au moyen d’une broche. Il tenait à la main droite un long bâton fin. Outre les tableaux des hauts fonctionnaires, il y a des scènes du sultan Mahmoud Agha, assis sur son trône.

Plongée dans l’univers vestimentaire ottoman

Il est coiffé de son turban blanc auquel est attachée une plume d’autruche. « Le sultan Abdel-Magid Khan était le premier à imposer l’usage de la plume », explique le directeur Badawi. Au début, cette plume était réservée au sultan et à son épouse. Ensuite, la plume est devenue une récompense et une preuve d’estime offerte par le sultan. Peu à peu, le cercle des personnes portant une plume s’est élargi pour regrouper les hauts fonctionnaires.

Le sultan portait un costume vaste et large durant les jours du Baïram. Une scène le représente dans son sérail avec le superviseur du harem et le chef des serviteurs du palais. On voit aussi le grand vizir coiffé d’un turban conique et portant un costume vert.

L’exposition présente aussi des portraits des employés de la cour, comme le chef de la cuisine du sultan et ses ustensiles, le chef des eunuques noirs, le chef des eunuques blancs, le maître des cérémonies et d’autres. D’après Badawi, certains de ces fonctionnaires jouaient un rôle fondamental dans la cour, notamment le harem. La cour comprenait encore des personnes chargées de divertir le sultan comme le clown, le nain et le muet du palais. Le visiteur peut voir aussi la danseuse, les musiciennes et le danseur. D’après le directeur, tous ces styles vestimentaires ont inspiré la mode européenne qui a envahi le monde entier.

En fait, l’exposition place le visiteur au sein de la société turque. On y trouve des scènes de bains, de barbiers, de vendeurs ambulants, d’hommes en tenue hivernale et de bouffons. On peut voir aussi l’imam d’une mosquée, un fidèle qui prie, ainsi que l’homme qui fait respecter la loi. Bref, le visiteur a une vision complète de la société turque du XVIIIe siècle à l’apogée de l’Empire ottoman. Cette collection attirera sans doute les historiens.

Plongée dans l’univers vestimentaire ottoman

Qui est Jean-Baptiste Van Mour (1671-1737) ?

Flamand d’origine, Jean-Baptiste Van Mour est né en 1671 comme fils de menuisier. Il a étudié l’art dans l’atelier du peintre Jacques-Albert Gérin. Van Mour était fasciné par les paysages des rives du Bosphore. A cette époque, l’Empire ottoman était à son apogée, s’étendant d’Afrique du Nord à l’Asie mineure et à quelques pays européens. Sa domination était telle qu’elle a incité le roi de France de l’époque, Louis XIV, à étudier l’empire et son administration de plus près, mission que le roi a confiée au politicien et diplomate Charles Ferriot d’Argental. D’Argental étant un ami de Jean-Baptiste Van Mour, il a emmené ce dernier avec lui. « C’était en 1699 », précise le directeur du musée de Manial, Walaeddine Badawi. C’est ainsi que Van Mour a été introduit à la Cour ottomane. Il a assisté à de nombreux événements officiels et à des plaidoyers au tribunal ottoman. A travers 102 gravures, il a retransmis l’esprit de l’Empire ottoman en détail à Louis XIV en 1711. « Louis XIV a ensuite fait faire des copies des gravures en cinq langues », explique le directeur du musée.

Van Mour a, pour sa part, décidé de retourner à Constantinople, appelée à l’époque Astana. A la demande de l’ambassadeur hollandais, Calkoen, il réalise une deuxième collection de gravures que l’ambassadeur a conservée et que les descendants de celui-ci ont ensuite offerte au Rijskmuseum d’Amsterdam. D’après Badawi, les scènes des oeuvres de Van Mour étaient réelles, y compris celles du harem, un lieu complètement défendu aux hommes. Van Mour était-il exclu d’une telle réglementation ? Ou lui a-t-on raconté l’ambiance du harem pour qu’il le représente ? Personne ne le sait. Ce qui est sûr, c’est que Van Mour a livré un témoignage vivant de la société ottomane du XVIIIe siècle. Il est mort en 1737 à Astana. Quant à la collection que conserve le musée de Manial, elle est complète, ce qui ne fait qu’augmenter sa valeur.

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