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Tourisme : Coup d'arrêt au tourisme iranien

Dalia Farouq, Mardi, 16 avril 2013

Les voyages entre Le Caire et Téhéran seront suspendus jusqu’à mi-juin. La décision, inattendue, est au centre d’un grand débat entre les professionnels du secteur.

Tourisme

A peine dix jours après l’accueil en Egypte du premier vol en provenance de Téhéran, l’Egypte décide de suspendre jusqu’à la mi-juin les visites des groupes de touristes iraniens. Cette décision fait suite aux manifestations menées, la semaine dernière, par des groupes de salafistes devant la résidence du chargé d’affaires iranien au Caire. Les manifestants ont tenté d’envahir la résidence et ont lancé des pierres contre le bâtiment pour dénoncer la « propagation du chiisme », rite de l’islam largement majoritaire en Iran. Les salafistes dénoncent, en fait, tout rapprochement avec l’Iran chiite. « Nous allons suspendre jusqu’à la mi-juin les arrivées des groupes de touristes iraniens. Ce délai nous permettra de réévaluer la situation et réviser les expériences et les programmes touristiques de l’Iran avec toutes les parties concernées, y compris les autorités iraniennes », explique Hicham Zaazoue, ministre du Tourisme.

Les réactions divergent au sujet de cette décision « choc » comme l’affirme Ihab Moussa, président de la coalition de la subvention du tourisme. « La suspension des voyages touristiques pour et en provenance de l’Iran est une grande perte pour le secteur du tourisme surtout si on prend en considération qu’en moyenne les dépenses du touriste iranien sont nettement plus élevées que celles d’un touriste européen. Un Iranien dépense en moyenne 182 dollars par jour contre 72 dollars pour un Européen », note Moussa. Et d’expliquer que le premier convoi de touristes iraniens qui a visité Louqsor et Assouan il y a deux semaines a vidé les bazars. « Ils ont acheté toutes les statues en albâtre d’Assouan », affirme Moussa très critique à l’égard des autorités égyptiennes. « Le gouvernement égyptien a cédé face aux exigences des extrémistes sunnites, qui s’opposent à toute normalisation des relations avec l’Iran chiite et accusent la République islamique iranienne de chercher à propager la pensée chiite en Egypte. Nous avons affaire à un gouvernement indécis. Les études sur la reprise du tourisme iranien auraient dû être faites au préalable. Pourquoi le ministère veut-il faire une réévaluation de l’expérience maintenant ? Celle-ci aurait dû se faire avant et non après la visite du premier convoi iranien composé en majorité de tour-opérateurs et de professionnels du tourisme qui viennent explorer le marché égyptien », déplore le président de la coalition de la subvention du tourisme.

En fait, le 28 février dernier, Zaazoue et le responsable de l’Organisation de l’héritage culturel, de l’artisanat et du tourisme iranien, Mohammad Sharif Malekzadeh, ont signé un accord à Téhéran afin de promouvoir la coopération dans le domaine du tourisme, accord permettant le lancement de vols directs entre les deux pays.

Le 30 mars dernier, pour la première fois depuis 34 ans, un avion de la compagnie charter égyptienne Air Memphis avait relié Le Caire à Téhéran et transporté une cinquantaine de touristes iraniens à Assouan où ils ont visité les grands sites pharaoniques.

Pour sa part, Adel Zaki, président du comité du tourisme externe à la Chambre des agences de voyages, estime au contraire que cette décision est très sage pour apaiser la rue qui refuse ces voyages, surtout qu’il s’agit d’une suspension des voyages et non d’une annulation. « Des tour-opérateurs iraniens m’ont dit que les touristes iraniens ont peur de venir en Egypte, surtout après les manifestations et les actes de violences qui ont eu lieu devant la résidence du chargé d’affaires iranien en Egypte », affirme Zaki.

Avant de rétablir de nouveau le trafic aérien avec l’Iran, le ministre du Tourisme compte organiser des rencontres avec les partis politiques hostiles à ces vols, en vue d’entendre leur point de vue et d’apaiser leurs craintes sur la propagation du chiisme en Egypte. « Deux millions de touristes iraniens se rendent chaque année en Turquie et on n’a jamais entendu dire que le chiisme s’est propagé dans ce pays. Dubaï reçoit chaque semaine des vols directs de Téhéran et il n’y a jamais eu de problème. Pourquoi y en aurait-il donc en Egypte ?», s’exclame le ministre du Tourisme, assurant qu’il frappera à toutes les portes pour faire sortir le tourisme égyptien de son impasse. « On veut dissiper tout malentendu sur cette question avec les partis salafistes, surtout que le tourisme iranien sera limité aux sites archéologiques de la Haute-Egypte et les villes balnéaires de la mer Rouge. Ils doivent comprendre que Le Caire n’est pas compris dans les programmes de voyage », conclut le ministre du Tourisme.

Réactions

Le ministère des Affaires étrangères iranien espère que l’Egypte rétablira les vols touristiques à destination et en provenance de l’Iran. Le porte-parole du ministère, Ramin Mehmanparast, a déclaré : « L’Iran souhaite la reprise des vols afin d’accroître les échanges touristiques entre Le Caire et Téhéran ».

Hicham Zaazoue, ministre du Tourisme, a déclaré que le tourisme iranien n’a pas été interdit. Selon lui, les touristes iraniens représentent un gain important pour l’Egypte. Il estime à environ 200 000 le nombre de touristes iraniens potentiels chaque année en Egypte avec une rentabilité de 252 millions de dollars par an.

Ihab Fahmy, porte-parole de la présidence égyptienne, dit que les vols touristiques à destination et en provenance de l’Iran n’ont pas été suspendus en raison de la pression d’un « groupe particulier », en référence aux salafistes. Il a affirmé que les vols reprendraient en juin prochain.

Enfin, le premier ministre Hicham Qandil a affirmé, lors des déclarations au Qatar, que les touristes iraniens s’inquiétaient quant à l’idée de visiter l’Egypte à cause des problèmes de sécurité. « Il serait mieux de suspendre les vols temporairement », a-t-il dit.

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