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Gary Kehiaian : « Atteinte grave à une richesse exceptionnelle »

Caroline Odoz, Mardi, 12 mars 2013

Gary Kehiaian, amoureux du désert et coureur de ral­lyes, est à l’origine et au coeur de la lutte contre un mur qui empêche le développement du tourisme près du Fayoum.

Al-Ahram Hebdo : Le monastère de Saint-Makarios s’est barricadé der­rière un mur qui interdit l’accès au coeur de la réserve naturelle de Wadi Al-Rayan. Pourquoi cette affaire vous tient-elle tellement à coeur ?

Gary Kehiaian : Toute cette situation me dégoûte. C’est comme si vous accueilliez chez vous une personne qui en a besoin, et qu’au bout de quelques mois elle vous met dehors et n’ouvre la porte que quand elle le décide. C’est un abus d’hospitalité.

— Qu’avez-vous à répondre aux principaux arguments des moines qui ont construit le mur ?

— Avant de répondre, sachez que je suis chrétien. C’est très grave ce qu’ils font : ils utilisent l’argument religieux pour cacher leur violation pure et simple d’un sanctuaire naturel et de la loi. Cela faisait des années qu’ils essayaient de s’approprier cette zone, et ils ont profité de la disparition des forces de l’ordre pendant la révolution. Dans la situation politique actuelle, tout le monde a évidemment peur que ce saccage ne dégénère en problème religieux.

— Mais ils ont tout de même été attaqués par les bédouins …

— Oui, après avoir construit le mur parce qu’il empêche l’accès au site dit des « sources magiques ». Ce sont les seules sources naturelles d’eau de la zone.

— Ce mur bloque-t-il vraiment tous les accès ?

— Malheureusement, oui ! Et ils se sont arrogé le droit de donner des per­mis d’accès. C’est le comble. En outre, les animaux ne peuvent pas franchir le mur pour accéder aux sources, donc ils vont disparaître. Ensuite, les moines cultivent, donc ils modifient gravement la flore et ils pillent l’eau des sources. Les touristes ne peuvent plus visiter la zone et la raison de leur visite est en train de disparaître.

— C’est donc la fin des safaris au Fayoum …

— Non, mais c’est une atteinte grave à une richesse commune exception­nelle au monde. A moins d’être un fou de dunes, ce que vous venez chercher dans le désert c’est justement ce qui ne devrait pas y être : des vestiges archéo­logiques, des squelettes de baleines, des sources miraculeuses, des plantes hors du commun, etc. L’extraordinaire dans un écrin d’immensité et de silence. C’est, ou plutôt c’était l’un des 4 sites majeurs de visite du Fayoum. C’était la perle des safaris dans cette zone : le bivouac de prédilection, parce que le plus merveilleux et délicat. C’est dans ce genre d’endroit que vous avez le plus la sensation de vivre un moment exceptionnel. Et c’est ce que les tou­ristes de safaris achètent.

— La réputation de la zone va-t-elle donc être ternie ?

— Bien sûr. Même si le tourisme de safaris est encore très sous-exploité en Egypte, en particulier autour du lac Qaroun, il y a un énorme potentiel, et c’est un tourisme très lucratif. Mais comment envisager sereinement son développement si n’importe qui peut confisquer les merveilles naturelles de ce pays pour son seul bénéfice ?

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