
Le rapprochement entre l'Egypte et l'Iran se traduira-t-il en affluence des touristes iraniens ?
Trente-quatre ans après la rupture des relations entre Le Caire et Téhéran, les touristes iraniens peuvent de nouveau visiter l’Egypte. En fait, le ministre égyptien du Tourisme, Hicham Zaazoue, s’est rendu cette semaine à Téhéran où il a signé avec le chef de l’Organisation iranienne du patrimoine culturel, de l’artisanat et du tourisme, Mohammad Sharif Malekzadeh, un accord pour promouvoir la coopération touristique entre les deux pays.
Cette visite fait suite à celle dernièrement au Caire du chef de l’Etat iranien, Mahmoud Ahmadinejad. Ce dernier avait annoncé lors de cette visite l’exemption des visas pour les Egyptiens qui visitent l'Iran à des fins commerciales ou touristiques. Pourtant, elle a provoqué une grande controverse dans les milieux touristiques. Zaazoue a exprimé, lors de sa rencontre avec le président iranien, l’espoir que les relations touristiques entre Téhéran et Le Caire seront davantage renforcées. « L’expansion des liens entre Téhéran et Le Caire assurera la paix, la sécurité et la fraternité », a, pour sa part, déclaré le président Ahmadinejad.
La visite du ministre égyptien en Iran a donné lieu à un grand débat en Egypte puisqu’elle est la première d’un haut responsable égyptien à Téhéran depuis des décennies dans le cadre d’une coopération et non en marge d'une réunion internationale. Les liens entre l’Egypte et l’Iran avaient été coupés après la signature par l’Egypte du traité de paix avec Israël en 1979. Les deux pays ont opéré un timide rapprochement après la révolution du 25 janvier 2011.
Les critiques sur la visite du ministre du Tourisme en Iran portent essentiellement sur la crainte d’une expansion du chiisime en Egypte. Adel Abdel-Razeq, expert touristique, explique : « J’étais parmi ceux qui ont appelé à une ouverture sur le marché iranien mais après la visite du chef de l’Etat iranien en Egypte et son refus de parler des califes bien guidés du prophète (Ndlr : les quatre califes bien guidés sont vénérés par les sunnites mais non par les chiites), j’ai changé d’avis. Je pense qu’il est un peu tôt pour renouer avec le marché iranien. Mieux vaut attendre un peu pour se rassurer sur les intentions de l’Iran ».
De retour en Egypte, le ministre du Tourisme a déclaré, lors d’une conférence de presse, que la sécurité nationale avait été prise en considération dans les négociations avec les responsables du tourisme en Iran et que le rapprochement entre les deux pays était jusqu’à présent limité au tourisme loin des aspects politiques ou religieux. Répondant aux critiques, le ministre a affirmé que les gens ne faisaient pas du tourisme pour répandre le chiisme dans les autres pays.
Au contraire, Elhami Al-Zayat, président de l’Union des Chambres de tourisme et d’hôtellerie, pense que le marché iranien offre d’excellentes perspectives pour l’Egypte. Toute ouverture avec ce pays en matière de tourisme est donc la bienvenue surtout que nous sommes en période de crise. « Confronté à une baisse des visiteurs occidentaux en raison des incertitudes politiques, le gouvernement égyptien doit chercher de nouveaux touristes et pourquoi pas les Iraniens », explique Al-Zayat, qui pense que l’Egypte peut accueillir chaque année un million de touristes iraniens. « Comment se fait-il que jusqu’à présent il n’y a pas de vols réguliers entre Le Caire et Téhéran ? On pourrait avoir recours pour commencer aux compagnies aériennes arabes et turques qui ont des vols vers l’Iran. J’estime qu’on peut avoir environ 180 000 touristes par an surtout pendant la fête de Naïrouz et les vacances en Iran. En fait, le ministère de l’Aviation civile en Egypte a signé avec son homologue iranien un accord de coopération en octobre 2011 qui permet la mise en fonction de 14 vols réguliers entre Le Caire et Téhéran. Mais le fonctionnement de cette ligne prendra quelque temps, car il faut coordonner avec les agences de voyages qui veulent travailler sur le marché, pour voir les capacités des avions et leur rentabilité. Plus de 500 000 voyageurs devraient utiliser cette ligne », avait expliqué Hussein Massoud, PDG d’EgyptAir.
Ihab Moussa, président de la coalition de la subvention du tourisme, assure que le ministre du Tourisme ne s’est rendu en Iran que suite aux appels incessants des agences de voyages pour ouvrir le champ aux touristes iraniens, afin de compenser la baisse du tourisme européen. « Le tourisme est un business qui ne connaît ni religion, ni tendance politique, il ne connaît que le gain et la perte et le tourisme iranien est un gain pour le tourisme en Egypte, puisque le touriste iranien est connu pour ses dépenses élevées. Ils viendront en masse en Egypte pour visiter les mosquées d’Al-Beit (les descendants du prophète Mohamad », explique Moussa.
Adel Zaki, président du comité du tourisme extérieur à la Chambre des agences de voyages, affirme qu’une grande partie des Iraniens voyagent pour se divertir et faire du shopping. « Les agences de voyages égyptiennes ne possèdent pas beaucoup d’informations sur les besoins des touristes iraniens, comme la durée des séjours, le montant des dépenses, le système de réservation et les saisons préférées », indique Zaki. En fait, les touristes iraniens venaient en Egypte en petit nombre et de façon individuelle, mais les procédures ayant trait à la sécurité étaient trop compliquées. Ces procédures pouvaient durer un mois et plus, ce qui occasionnait de grandes pertes pour les agences égyptiennes qui sont limitées dans le temps pour les réservations des billets d’avion et des hôtels. Raison pour laquelle ces agences ont renoncé à organiser de tels voyages. « La visite du ministre a pavé le chemin pour ces agences qui pourront reprendre ces voyages et compenser une partie de leurs pertes », conclut Zaki.
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