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Chaaban Abdel-Gawad : Nous avons voulu adresser un message au monde entier

Doaa Elhami, Mardi, 15 novembre 2016

Après la vente par le Musée d'art de Toledo aux Etats-Unis de pièces d'antiquités égyptiennes, l'Egypte a suspendu toute coopération avec cette institution. Explications de Chaaban Abdel-Gawad, directeur général du département des antiquités restituées.

Chaaban Abdel-Gawad
Chaaban Abdel-Gawad, directeur général du département des antiquités restituées.

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi le ministère des Antiquités a-t-il arrêté la coopération avec le Musée d’art de Toledo ?

Chaaban Abdel-Gawad : Lorsque l’Egypte a su que le musée en question a décidé d’exposer à la vente des pièces de sa collection, dont quelques-unes sont égyptiennes, le comité national de restitution des antiquités, présidé par le ministre des Antiquités, Khaled Al-Anani, s’est adressé à l’ambassade américaine au Caire, à l’ambassade égyptienne aux Etats-Unis ainsi qu’à l’Unesco et au Conseil international des musées mondiaux (ICOM) pour faire pression sur le musée américain, et l’amener à arrêter la vente. Mais le musée a poursuivi les procédures et a mis 33 pièces égyptiennes en vente les 23 et 25 octobre dernier, dans l’une des plus grandes salles aux enchères. En réaction, le ministère a suspendu toute communication avec ce musée, voire avec les membres du personnel travaillant dans ce musée.

— L’exposition en question ne comprenait-elle pas d’autres pièces : grecques, italiennes, chypriotes et crétoises ?

— Ce qui m’intéresse ce sont les pièces égyptiennes. La catastrophe est que la loi américaine n’incrimine pas le commerce des antiquités. C’est pourquoi le Musée d’art de Toledo, sous prétexte de renouveler sa muséologie, a mis ces pièces en vente aux enchères.

— Comment expliquer que des pièces égyptiennes fassent partie de la collection de ce musée ?

— Ces pièces sont sorties d’Egypte en 1910. A cette époque, sous l’occupation britannique, ce commerce était légal dans le monde entier. Tous les musées internationaux en ont profité, dont le Musée d’art de Toledo.

— Quelles seront les conséquences de la décision du ministère de suspendre sa coopération avec ce musée ?

— La décision des autorités égyptiennes est un message adressé au monde entier. Le ministère égyptien des Antiquités interrompra les liens avec tout musée, université, ou institution qui vendrait des pièces d’antiquités égyptiennes. Les conventions scientifiques (fouilles, études, restaurations, muséologie) seront stoppées. Il n’y aura pas, bien entendu, de publications scientifiques. Le Musée de Toledo a ainsi perdu sa réputation. Au lieu d’être une institution non lucrative, le musée s’adonne au commerce et vend des biens culturels représentatifs de la civilisation mondiale, voire le patrimoine humain. Ce qui donne une image très négative du musée.

— Le cas du Musée de Toledo n’est pas le premier de son genre. Le Musée anglais de Southampton, lui aussi, avait vendu la statue de Sekhem Ka. Pourquoi l’Egypte n’a-t-elle pas pris les mêmes mesures à l’encontre de ce dernier ?

— L’ICOM a déjà pris une mesure importante contre le musée anglais en bloquant son financement. La somme provenant de la vente de la statue égyptienne ne couvrira les frais de fonctionnement du musée que pendant 3 ans tout au plus. Après, le musée sera contraint de fermer ses portes faute de financement. Il faut prendre en considération que les musées connus ne vendent jamais leurs collections. Seuls les petits musées le font à cause des crises financières. La légalité du Musée d’art de Toledo est aujourd’hui compromise.

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