Au coeur du chaos des étals sans fin du quartier d’Ataba, à la question « Haret Al-Yahoud feine ?» (où est la ruelle des juifs ?), les yeux pétillent et les doigts pointent pour indiquer une venelle d’une étroitesse étonnante, embarrassée de grappes de jouets et de balles en plastique, de sacs et d’accessoires, tombant des façades des immeubles. On pénètre ainsi dans la partie sud du quartier juif, formée au XIIe siècle, situé dans Le Caire islamique, et qui s’étend à l’ouest de la rue Al-Moez, entre la rue Khoronfech et la rue Moski.
Impossible de se faufiler dans cet enchevêtrement de venelles plus étroites les unes que les autres, sans se faire aider des habitants. Des ruelles qui étaient sans doute plus spacieuses aux époques passées. Elles sont devenues de véritables culs-de-sac. Il n’y a dans cette zone aucune trace ancienne : tous les bâtiments sont récents, faits de béton et de briques. La plupart font 3 étages. Certains sont des galeries marchandes. Ils ont sûrement connu des changements à plusieurs reprises, même dans les 30 dernières années. Là on trouve un garagiste, un café, un kiosque … tous les éléments de la vie quotidienne. C’est d’abord un quartier populaire et pauvre.
Après un coude, on arrive à Haret Al-Yahoud et on s’enfonce encore vers le nord en passant par Midan Sadalba. Les ateliers et les échoppes s’alternent. Les pavés sont hexagonaux. Lorsqu’on demande : Haret Al-Yahoud, on nous répond « Aiwa ». En voilà donc une deuxième, parallèle à la première. Tout à coup, en carreaux bleus sur une façade de carrelage blanc, qui héberge un boui-boui à « taamiya », une large étoile de David. On trouve là les seuls bâtiments anciens de la zone. Ils sont tous juifs : un hôpital, avec balcon en bois, et la « Yeshiva Hatoum » qui tient encore debout. A l’arrière de tout cela, dans une rue faisant comme un demi-cercle, la synagogue de Maimonide, flambant neuve de sa récente rénovation, bordée de la cour d’une école d’aujourd’hui. Les pavés autour sont rectangulaires, comme dans la rue Al-Moez. Pour rejoindre cette dernière, il faut continuer la « deuxième » Haret Al-Yahoud, et en allant plus ou moins tout droit, les rues s’élargissent. Il y a de plus en plus d’étalages : ce sont des marchands de fruits et de légumes ainsi que des gargotes. On rentre dans Le Caire ottoman pour traverser le quartier des fabricants de bijoux en passant par le sabil Taha Hussein Al-Wardani ou Wékalet Gald Al-Dahab. On arrive à une rue, Khoronfech mais ce nom sert aussi de sobriquet à tout un ensemble de rues : « c’est là », dit-on en faisant des moulinets avec les mains. On peut pénétrer dans le quartier à partir de l’avenue Port-Saïd, avant que celle-ci ne rejoigne Bab Al-Chaariya, en passant par n’importe laquelle des galeries marchandes qui passent sous les bâtiments. En se dirigeant un peu plus au sud, on arrive à ... Haret Al-Yahoud. Il s’agit donc d’une troisième ruelle perpendiculaire cette fois aux deux premières.
Dans cette zone, ce sont des ruelles, plus larges donc que les venelles du sud. C’est aussi plus calme qu’au sud : la densité des échoppes est moindre. Il y a un mélange d’ancien et de nouveau : un patchwork de briques, de béton et autres constitue les étages de nombreux bâtiments dont le socle date de plusieurs siècles. Les pavés sont d’abord en forme de vague. Très vite, on trouve quelques traces, mais éparses, de la présence juive : à un carrefour on voit un morceau de synagogue, transformé en atelier de métal surmonté d’appartements. Ce bâtiment, comme tant d’autres autour, juifs on non, a sans doute connu dans les cinquante dernières années d’autres utilisations et d’autres habitants. Ici un portail portant l’étoile juive. Là quelques ornements.
Plus bas, le sol de la rue, couvert maintenant de petits pavés hexagonaux, devient très irrégulier. Il y a des bouchers, des gargotes, des ateliers de fabrication d’objets en métal. La rue est très longue, plutôt calme, et serpente quelquefois avant de rejoindre la zone de la synagogue.
Partout dans ce morceau de Moski, des bâtiments flambant neufs poussent ici et là. L’ensemble du quartier travaille le métal. Il est difficile de trouver des traces évidentes de l’ancienne présence juive. Et il n’y a sans doute aujourd’hui plus aucun habitant juif dans l’ensemble du quartier.
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