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Déclaration du Caire: Conserver le patrimoine, un devoir islamique

Nasma Réda, Mardi, 12 février 2013

Lors d’un symposium, personnalités politiques et religieuses sont tombées d’accord sur le fait suivant : le patrimoine égyptien est inviolable, même au nom de l’islam.

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Dans la « Déclaration internationale du Caire », le ministère d’Etat pour les antiquités égyptiennes, l’Organisation de la coopération islamique (OIC) et le Centre de recherches de l’histoire, de l’art et de la culture islamique (IRCICA) se déclarent profondément préoccupés par la destruction du patrimoine culturel dans plusieurs pays du monde, souvent au nom de la religion.

Cette déclaration a été officiellement formulée lors d’un symposium consacré à la Vue islamique sur le patrimoine culturel. Réunis autour de la même table, ces acteurs ont échangé leurs avis concernant la préservation du patrimoine architectural, archéologique, artistique et intellectuel en Egypte. Les participants au symposium, parmi lesquels figuraient le grand mufti, le cheikh d’Al-Azhar et le ministre des Waqfs, ont sommé le monde musulman de respecter et de préserver leur patrimoine historique.

Selon eux, le risque de dégradation vient du fanatisme religieux, mais aussi de l’extrémisme politique et des politiques d’occupation et d’éradication, comme en Palestine occupée. La déclaration insiste sur la nécessité pour les chercheurs du monde islamique et les spécialistes de rendre public tous les débats portant sur ces questions. Celle-ci met aussi en garde contre les destructions subies par le patrimoine culturel islamique juste après le Printemps arabe et l’arrivée au pouvoir d’islamistes. Pour légitimer leurs propos, les participants ont cité les conflits en Syrie, au Mali, ainsi que les troubles qui se sont déroulés au cours des dernières décennies en Iraq, en Bosnie- Herzégovine, au Kosovo, en Afghanistan, etc. Mohamad Ibrahim, ministre des Antiquités, à l’initiative du séminaire, a insisté sur l’importance de telles réunions, en particulier en ce moment où « le nombre de pillages d’antiquités et d’attaques contre les sites historiques a bondi ». Même discours du côté de Ekmeleddin Ihsanoglu, secrétaire général de l’OIC, qui a insisté sur « l’importance d’édicter des lois préservant l’intégrité du patrimoine culturel et permettant de faire face à ceux qui tentent de le détruire ». Ihsanoglu faisait directement référence aux nombreux appels à « nettoyer » l’Egypte d’icônes qui seraient incompatibles avec l’islam.

Il ajoute : « Ces déclarations relèvent de l’exagération. Elles reflètent des tendances extrémistes et rigides qui trahissent une ignorance de la sublime religion islamique ».

Protéger par les fatwas

Ali Gomaa, grand mufti d’Egypte, qui a récité quelques versets du Coran encourageant à étudier les arts et les sciences de nos ancêtres, a écarté la question en déclarant : « Beaucoup de questions nous arrivent à Dar Al-Iftaa concernant les monuments. Nous sommes en train de regrouper toutes les fatwas documentées dont les propos protègent le patrimoine historique, dans un livre à paraître prochainement. Nous espérons que cela pourra contribuer à mettre fin à ces actes irresponsables qui nuisent à nos trésors historiques ». Par ailleurs, Halit Eren, directeur de l’IRCICA, a affirmé l’importance de former d’excellents archéologues arabo-islamiques qui sont capables de défendre le patrimoine avant de le préserver non seulement par les technologies de restauration, mais aussi par des pensées religieuses appropriées. Les cheikhs des mosquées sont directement visés par ce document. Pour Talaat Afifi, ministre des Waqfs, il faut insister sur « l’importance qu’ils doivent accorder aux moeurs » lors de leurs prêches. Cependant, il n’indique pas clairement les mesures que le ministère devrait prendre envers n’importe quel discours à la mosquée qui ne respecte pas les préceptes de l’islam et qui encourage ces actes barbares. Le secrétaire général de l’OIC a rappelé les conséquences catastrophiques de tels appels à la destruction, soulignant que ces idées sont susceptibles de donner des musulmans une image d’ignorance et d’intolérance.

Campagne de sensibilisation


« De telles idées nous sont étrangères », a assuré Sélim Al-Awwa, conseiller du président égyptien et penseur islamique, mentionnant la destruction à La Mecque de la maison de Khadiga, épouse du prophète. Il a affirmé que « la nation arabe est unie et ne doit pas être divisée ». Ihsanoglu a, lui, rappelé la destruction des mausolées des imams Ali Al-Hadi et Hassan Al-Askari en Iraq, qui a eu de graves conséquences sur l’unité nationale entre sunnites et chiites. Et le secrétaire général de l’OIC a mis en garde contre la poursuite des actes de judaïsation des villes et des quartiers palestiniens, en particulier dans la ville sainte d’Al- Qods Al-Charif, menés pour détruire son caractère arabo-musulman.

Loin de donner des solutions concrètes aux abus contre le patrimoine islamique, la « Déclaration du Caire » éclaire le fait que le patrimoine est le produit de la civilisation à une époque donnée. Elle affirme que les lieux de culte, les sites et les monuments sont une ligne rouge infranchissable en vertu des principes islamiques.

En ce sens, elle exige d’insérer la préservation du patrimoine culturel dans le cadre des politiques de développement durable, éducatives et médiatiques. Enfin, cette déclaration lance aussi un appel à l’OIC et l’IRCICA pour publier une charte fondée sur les principes islamiques, y inclus une vision claire de la maintenance des monuments.

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