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L’Egypte lance 1,5 milliard de dollars d’obligations

Névine Kamel, Mardi, 31 mars 2015

Le gouvernement va lancer 1,5 milliard d’obligations en dollars. Malgré un endettement en hausse continuelle, les grands projets récemment annoncés nécessitent un financement en dollars.Les détails du lancement n’ont pas encore été précisés.

L’Egypte lance 1,5 milliard de dollars d’obligations
Le gouvernement a préféré recourir aux obligations en dollars plutôt que le FMI. (Photo: Reuters)

L’egypte va compter davantage sur l’endettement extérieur pour combler ses besoins croissants. L’annonce est arrivée soudainement le 10 mars : des obligations en dollars seront prochainement lancées. Le ministre des Finances, Hani Qadri, a révélé plus tard, le 26 mars, davantage de détails sur le processus de lancement des obligations pour une valeur totale de 1,5 milliard de dollars.

« Cette somme vise en premier lieu à combler la pénurie de dollars qui affecte le budget du gouvernement », s’est justifié Qadri, tout en refusant de préciser les domaines qui bénéficieront de ces emprunts : « tous », a-t-il répondu.

Selon le Fonds Monétaire International (FMI), les emprunts en dollars de l’Egypte sont estimés à 36 milliards de L.E.

Toujours selon le ministre des Finances, « le lancement des obligations en dollars est une étape nécessaire, surtout avec l’intention du gouvernement de mettre en exécution une série de grands projets, comme l’agrandissement du Canal de Suez, la bonification de 4 millions de feddans (ndlr : 1,7 million d’hectares) et l’expansion du réseau routier ». Ce plan d’expansion et de réforme économique, poursuit-il, nécessite un flux de capitaux étrangers, ainsi, « la diversification des ressources était indispensable ».

19 banques internationales se sont présentées pour diriger le lancement, 7 ont été sélectionnées : JP Morgan, Morgan Stanley, CitiBank, BNP ParisBas et Natex ont remporté la souscription concernant le lancement des obligations sur le marché international. Les banques Al-Ahly et Abou-Dhabi seront les conseillers locaux.

« Les échéances des obligations n’ont pas encore été précisées, mais nous nous sommes mis d’accord sur un délai moyen. Les banques d’investissement étudieront les scénarios les plus rentables », a ajouté le ministre.

« Les banques d’investissement préfèrent attendre le résultat des études avant de préciser les échéances des obligations », reprend Mohamad Abou-Bacha, analyste financier auprès du groupe EFG-Hermes. Il ajoute qu’en 2010, le gouvernement visait un lancement d’échéances sur 10 ans pour 1 milliard de dollars. La demande étant forte, s’y sont ajoutés 500 millions de dollars avec des échéances à 30 ans.

En ce qui concerne le taux d’intérêt, aucune information n’a filtré. Les taux d’intérêt des obligations récemment lancées par 3 pays en voie de développement : le Kenya, le Nigeria et le Ruanda variaient entre 6 et 7 %.

Moment propice
L’annonce de ces obligations fait suite à la conférence économique de Charm Al-Cheikh et à l’afflux des investissements annoncés. En même temps, l’économie égyptienne commence à reprendre son souffle pour la première fois depuis 4 ans, ce qui réduit le degré de risques, et par conséquent, le coût de l’emprunt.

Le taux d’intérêt de la FED, la Banque Centrale d’Amérique, qui atteint actuellement 2 %, représente également un autre avantage, selon le ministre de l’Investissement, Achraf Salman. Pourtant, ce taux devrait augmenter au cours de la prochaine période avec la relance de l’économie américaine. Le gouvernement a donc tout intérêt à aller vite.

Le gouvernement égyptien n’avait pas lancé d’obligations en dollars depuis 2010. Le total des obligations égyptiennes en dollars atteint aujourd’hui 3,8 milliards de dollars ; 1,3 milliard est dû en septembre prochain, 1 milliard en juillet 2016, un autre milliard en avril 2020 et 500 millions en avril 2040.

Pour Mohamad Abou-Bacha, cette décision répond à 3 objectifs : premièrement, le gouvernement égyptien a un besoin urgent de fournir des devises étrangères, deuxièmement, il s’agit de profiter du coût d’accréditation du marché extérieur, qui est presqu'une moitié moins que celui du marché local, et enfin d’encourager les entreprises à lancer leurs propres obligations sur le marché égyptien.

Le coût de l’endettement, ajoute l’analyste financier auprès d’EFG-Hermes, est passé en Egypte de 925 points mi-2013, selon l’indice CDS (Credit Default Swap), à quelque 332 points actuellement. Cet indice mesure la capacité du pays à rembourser ses dettes : chaque fois que le nombre de points augmente, le risque augmente.

Pas de solution idéale
Mais plusieurs experts critiquent le recours aux obligations en dollars : les transactions sur les obligations égyptiennes restent, en effet, peu élevées et peinent à devenir un marché dynamique. « Les détenteurs des obligations sont peu enclins à les revendre. Ils préfèrent attendre leurs échéances », affirme un analyste financier qui a préféré garder l’anonymat.

Toutefois, pour Mohamad Abou-Bacha, le faible flux de transactions « est dû au nombre limité d’opérations de lancement d’obligations en dollars sur le marché égyptien ».

Autre inconvénient : le taux d’intérêt risque d’être très élevé en raison de la faible note de l’Egypte (B, d’après la notation de Fitch en décembre 2014).

La facture élevée des dettes extérieures est un autre point noir. Alia Al-Mahdi, professeur d’économie à l’Université du Caire, regrette qu’une « telle décision contribue encore plus à la hausse des dettes extérieures. Surtout que, malgré les prévisions, la note de l’Egypte demeure faible, ce qui signifie un taux d’intérêt élevé ».

Selon les chiffres du ministère des Finances, les dettes extérieures de l’Egypte ont atteint 46,1 milliards de dollars en juin dernier, contre 43,2 milliards en juin 2013. Elles représentent 16,5 % du PIB. En même temps, la valeur du déficit budgétaire a atteint 255 milliards de L.E. (33,5 milliards de dollars), contre 240 milliards de L.E. l’année précédente.

Pour Alia Al-Mahdi, « l’année en cours devrait voir une relance du tourisme et de l’IDE. Il était plus judicieux d’attendre un peu au lieu de s’endetter et de gonfler le déficit budgétaire ».

La professeure d’économie propose d’autres alternatives d’endettement moins coûteuses, telles que l’obtention de prêts de la Banque mondiale ou du FMI. « Les conditions et les taux d’intérêts auprès de ces institutions sont nettement plus avantageux », dit-elle, ajoutant que ces prêts sont toutefois soumis à conditions.

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