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Rapport du FMI : L’Egypte peut faire mieux

Salma Hussein, Mardi, 17 février 2015

FMI soutient la réforme fiscale et monétaire entreprise par l’Egypte, mais avertit contre une sous-estimation des risques qui peuvent contrer la croissance. Lecture de son rapport publié le 11 février.

Rapport du FMI
L'Egypte consacre à l'éducation et à la santé la moitié des dépenses que consacrent la Jordanie ou la Tunisie. (Photo : Al-Ahram)

Le récent rapport du Fond Monétaire International (FMI) n’a pas déçu le gouvernement égyptien. Ce premier rapport de son genre en quatre ans adopte un « ton positif », comme le souhaitait le ministre de Planification, Achraf Al-Araby. Selon lui, ce témoignage de la bonne santé de l’économie est susceptible d’aider l’Egypte à attirer plus d’investissements étrangers.

Le rapport du FMI (Staff report for the 2014 the article IV consultation) partage avec le gouvernement les prévisions relatives à la reprise de croissance et la création d’emploi. Il salue également toutes les réformes entre­prises à ces égards. « A l’issu de quatre ans d’incertitude politique et de ralentissement économique, les autorités ont entamé des politiques pour hausser la croissance, créer des emplois et restaurer la stabilité écono­mique », souligne le rapport publié le 11 février. Cette croissance timide de moins de 3 % est réalisée principalement grâce à la consommation des particuliers et des ménages égyptiens, notent les rédacteurs du rapport, tout en regrettant la chute des exportations non-pétrolières.

Les plans égyptiens pour réduire le déficit budgétaire ont été appréciés par les experts du FMI: Les autorités égyptiennes « dévelop­pent un plan ambitieux pour un ajustement fiscal, soutenu par une politique monétaire déflationniste ». L’institution qui observe et évalue la stabilité fiscale et monétaire de ses pays membres a ainsi salué la réforme en cours pour baisser la coûteuse subvention à l’énergie qui représente plus de 4% du PIB.

Hazem Al-Beblawi, ex-premier ministre et actuel directeur exécutif et représentant des pays arabes auprès du FMI, a publié un com­muniqué à l’occasion, soulignant que l’Egypte possède une opportunité à saisir, celle d’une stabilité politique relativement regagnée. Il estime que la croissance est « clairement » à la hausse. D’après sa lecture du contexte égyptien, le gouvernement reconnaît les grands défis socioéconomiques et « est enga­gé à améliorer le bien-être des Egyptiens ».

Cela dit, le rapport relève des inquiétudes qui peuvent perturber le scénario égyptien de relance. Il souligne que le FMI et le gouver­nement égyptien n’évaluent pas de la même manière les risques menaçant la reprise éco­nomique. Le gouvernement égyptien « anti­cipe un retour rapide des investisseurs et surestime l’impact des investissements étran­gers sur la relance », selon le rapport.

Malgré les politiques qu’il salue, le FMI estime que la situation serait difficile pour ce qui concerne l’exercice fiscal 2014-2015, d’un côté pour pallier la dette publique, et d’un autre pour assurer quelque 6,4 milliards de dollars, afin de couvrir les importations et quelques 46 milliards de L.E. pour couvrir les dépenses publiques.

En effet, les experts expriment leur inquié­tude de voir l’Egypte freiner les réformes envisagées, notamment l’annulation graduelle de la subvention à l’énergie, de peur que cer­tains groupes sociaux ne soient affectés. Mais même si la réforme est menée à bien, la dette publique passerait à peine à 90% du PIB (contre presque 100% actuellement). Et ce, pourvu que « le taux de croissance soit à la hausse et le déficit budgétaire à la baisse », relativise le rapport.

Le rapport met également le gouvernement contre « les risques d’un contexte d’incerti­tude régionale, à laquelle l’Egypte semble très vulnérable ». En fait, la baisse des cours pétroliers et l’instabilité politique dans plu­sieurs pays de la région peut empêcher le flux des capitaux envers le pays.

Sur le plan intérieur, le rapport souligne d’autres vulnérabilités: « Le transport, les coupures d’eau et d’électricité, ainsi que les embouteillages du trafic sont témoins des déficits de l’infrastructure », critique le rap­port. Mais surtout ce sont les distorsions qui « émanent d’un manque de gouvernance et d’un marché de travail inefficace » qui inquiètent le plus les experts du FMI. Le rap­port s’est longuement attardé sur « le maigre capital humain » que reflètent les mauvais indicateurs de la santé, de l’éducation et des mauvaises infrastructures, notamment les autoroutes et l’électricité, ... ce qui pèse sur la productivité. « L’éducation est sous-financée et ne prépare pas les jeunes à des emplois productifs. Il en est de même pour la santé, ce qui handicape l’accumulation d’un capital humain. Comparée à la Tunisie et à la Jordanie, ses deux voisins régionaux, l’Egypte consacre considérablement moins de dépenses publiques à l’éducation et à la santé », sou­ligne le rapport. Alors que la Constitution égyptienne stipule que les dépenses des allo­cations publiques à la santé soient de 3% du PIB et celles octroyées à l’éducation de 6%.

D’après le rapport du FMI, le gouvernement va « élargir » la définition des secteurs de la santé et de l’éducation. « Un bluff » selon l’économiste Waël Gamal. « Au lieu de mettre des plans qui visent l’amélioration de la situation lamentable de ces deux secteurs, le gouvernement a choisi de les améliorer sur le papier », critique Gamal.

Enfin, le rapport appelle le gouvernement à plus de transparence. Il reproche, par exemple, le manque de certains détails concernant le budget qui rendent difficile tout pronostic. En effet, le rapport a dévoilé une information que le gouvernement égyptien n’avait pas révé­lée: En catimini, celui-ci a eu recours à la Banque Centrale pour couvrir l’excès des dépenses publiques, en absence de toute supervision publique.

Le financement accordé par la Banque Centrale au gouvernement a atteint presque le quart du PIB (quelque 350 millions de L.E. en 2013/14), selon le FMI. Le mécanisme et les termes par lesquels cet argent est accordé au gouvernement ne sont pas clairs. A la veille des événements de 2011, ce financement représentait moins de 10% du PIB, d’après le même rapport. « C’est normal que le gouver­nement emprunte à la Banque Centrale, mais le plafond qu’ont atteint ces sommes me semble choquant », commente une écono­miste qui a tenu l’anonymat.

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