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Le libéralisme mis en cause

Névine Kamel, Lundi, 15 septembre 2014

Le rapport du développement et du commerce des Nations-Unies, publié cette semaine, invite les pays en voie de développement à réviser leurs orientations économiques.

Le libéralisme mis en cause
Le rapport onusien appelle à retirer les subventions à l'exportation et à encourager, en revanche, la production pour le marché local. (Photo : Magdi Abdel-Sayed)

Réviser la liste des partenaires éco­nomiques, ne pas considérer les exportations comme moteur princi­pal de la croissance, adopter des politiques audacieuses en faveur des intérêts des pays en voie de développement, au lieu de servir le libéralisme, réaliser la justice sociale … C’est la liste de recommandations émises par le rapport du développement et du commerce de 2014, publié par les Nations-Unies. Pour la première fois, l’Organisation des Nations-Unies a choisi de publier ce rap­port, intitulé cette année « Gouvernance glo­bale et politiques nécessaires pour le dévelop­pement », au siège de l’institution de presse égyptienne Al-Ahram, en présence du prési­dent du conseil d’administration, Ahmad Al-Naggar.

Le rapport, comme le note Mahmoud Al-Khafif, membre de l’Organisa­tion et l’un des auteurs du rapport, ne traite pas le cas d’un pays type. Or, un coup d’oeil sur les recommandations et les cas traités donne l’impression que l’on parle de l’Egypte. « D’où vient la croissance? La réponse à une telle question doit en fait guider les pays en voie de développement, et les orienter dans leurs choix des partenaires économiques », dit Al-Khafif, en introduisant le rapport. La réponse est que la croissance vient des pays africains et des pays asiatiques. Selon le rap­port, les pays développés, après 2008, ne sont plus le centre du développement dans le monde.

Le taux de croissance de ces pays n’a pas dépassé les 3% depuis la crise financière. Par contre, le continent africain a connu une croissance progressive au cours des 5 der­nières années, et « c’est une tendance qui va continuer », rétorque Al-Khafif, en soulignant que « l’Afrique sera le coeur du boom com­mercial international au cours de la pro­chaine période ». Un premier message donc aux pays en voie de développement: changez vos partenaires commerciaux.

La justice sociale est une autre question traitée par le rapport, car « réaliser une justice sociale n’est pas seulement un droit moral, mais un axe fondamental du développement économique », plaide Al-Khafif. Et d’ajouter : « Les pays en voie de développement ne doi­vent pas viser une croissance qui soutient les entreprises multinationales ». Le rapport sou­ligne un ralentissement du commerce interna­tional. Une tendance qui invite les auteurs du rapport, à demander au monde entier, surtout les pays en voie de développement, « de révi­ser leurs politiques économiques ».

« L’Egypte, par exemple, plaide pour un sou­tien continu à l’exportation afin de la relan­cer. Or, il semble que les exportations ne sont plus l’outil propice pour la relance de l’éco­nomie. Il faut trouver d’autres alternatives, encourager la production locale et l’investis­sement ». Mais, l’affaire n’est pas facile. « Les intérêts politiques et le libéralisme empêchent toute modification des orientations gouvernementales », affirme le rapport. Les conventions bilatérales et multilatérales, comme le note Al-Khafif, en sont la preuve. Ces conventions, surtout bilatérales, défen­dent les intérêts des grandes multinationales et des pays développés. Par exemple, l’Egypte a conclu plus d’une centaine de conventions. Le système judiciaire égyptien est exclu de ces conventions.

L’unité d’arbitrage interna­tional, dépendante de la Banque mondiale, en est responsable. Et, sans doute, cette dernière plaide pour les intérêts des grandes puissances économiques et du libéralisme. « Cette unité a reçu des milliers de cas d’arbitrage contre l'Egypte et toutes les décisions ont été en faveur des multinationales, comme si elle a été créée pour défendre leur intérêt », dit Al-Khafif. Les dégâts créés par ces conven­tions internationales, ajoute Al-Khafif, sont clairs dans le cas de l’Egypte. Par exemple, après la révolution du 25 janvier, les réserves en devises étrangères ont chuté de plus de la moitié.

La Banque Centrale d’Egypte devrait prendre des mesures exceptionnelles pour limiter la fuite des capitaux, or, elle n’a pas pu le faire. Le résultat: une détérioration de l’économie. Le rapport invite ainsi les pays en voie de développement à commencer à prendre des décisions « audacieuses » qui pro­tègent les intérêts de leur économie, au lieu de continuer à défendre le libéralisme, qui a été la cause principale de la crise mondiale.

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