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Dar, le géant peu connu

Marwa Hussein, Mardi, 26 août 2014

Dar Al-Handasah, la société principale du consortium qui a remporté l’appel d’offres pour la planification du projet de développement du Canal de Suez, a été fondée en 1956 et possède des filiales dans plusieurs pays arabes. On sait peu de choses cependant de son statut financier.

Dar, le géant peu connu
(Photo : AP)

Lors d’une conférence de presse tenue le mardi 12 août, Mohamad Mamich, président de l’Autorité du Canal de Suez, a annoncé qu’un consortium présidé par la société basée à Bahreïn, Dar Al-Handasah (Shair and Partners), avait remporté le contrat. Or, sur le site Internet du groupe, rien ne fait référence à la nationalité bahreïnie de cette société, ce qui a provoqué beaucoup d’interrogations sur la compagnie qui a été présentée dans la presse comme saoudienne, bahreïnie et parfois même libanaise. Les noms des autres entreprises du consortium n’ont pas été divulgués. « Le consortium est formé par Dar Al-Handasah International enregistrée à Bahreïn et Dar Al-Handasah Egypt seulement. A part ça, nous avons des conseillers mais qui ne font pas partie du consortium », dit à l’Hebdo le président de Dar Al-Handasah Egypt, Yéhya Zaki.

Le rôle du consortium, selon Zaki, est de réaliser une étude sur le développement économique de la zone du Canal de Suez, qui devra comprendre plusieurs ports ainsi que des zones industrielles. Le gouvernement annonce des investissements à hauteur de 100 milliards de dollars.

Sur le site de Dar, il est mentionné qu’à sa création en 1956, la société, fondée par 4 professeurs de l’Université américaine à Beyrouth, dont le Jordanien Kamal Al-Shair, père de l’actuel CEO de l’entreprise Talal Al-Shair, avait choisi Beyrouth pour siège. Dar fait savoir également que ses opérations principales sont à Beyrouth, au Caire, à Londres, à Pune en Inde, et à Amman, alors que c’est en Arabie saoudite que la société concentre son activité avec 6 bureaux dans différentes villes du Royaume.

Très vite, en 1958, Dar reçoit sa première grande mission, la centrale électrique du Koweït. « A partir de ce moment, la société évolue progressivement, gagnant des projets au Moyen-Orient, aux pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) et en Afrique », note le site de l’entreprise. Certains font un lien entre la carrière politique de Kamal Al-Shair et le succès rapide de Dar. Le fondateur de Dar a en effet été très proche de l’ancien premier ministre jordanien Wassef Al-Tal qui l’a nommé vice-président du Conseil de développement de la Jordanie, lui octroyant le titre de ministre pour cette même fonction en 1962.

Dar Al-Handasah a reçu au cours des années de gros contrats pour des projets dans différents pays arabes, dont la planification de la reconstruction d’après-guerre du Liban, au début des années 1990, incluant l’infrastructure du district central de Beyrouth, l’aéroport international Rafic Hariri et le port de Beyrouth. En 1997, Dar Al-Handasah a conçu et supervisé l’extension de l’aéroport international de Dubaï, et en 2013, la compagnie a conçu le nouveau hall de l’aérogare 3 de l’aéroport de Dubaï, qu’elle considère comme étant la première piste au monde dédiée aux gros porteurs. Dar Al-Handasah a également mené une étude pour redynamiser le centre de la ville d’Erbil en Iraq, en 2006.

En 1986, Dar Al-Handasah commence à acquérir plusieurs grands noms de l’ingénierie, de la gestion et de l’architecture avec premièrement Perkins & Will aux Etats-Unis puis, en 1990, Penspen au Royaume-Uni. Dar Al-Handasah devient ainsi le membre fondateur du groupe Dar, un réseau international de 13 entreprises de services (Dar Al-Handasah incluse). Il s’agit d’entreprises qui offrent des consultations dans différents domaines tels l’infrastructure, l’énergie, l’aviation, les installations industrielles et même le design d’intérieur en hôtellerie de luxe.

Dar Al-Handasah est devenue Dar Al-Handasah Shair et Partenaires en 1970, suite à la remise de 60% des droits de propriété aux cadres supérieurs qui « se sont distingués par leurs qualités de leadership et leurs compétences techniques », dit-on sur le site Internet de Dar. « L’entreprise appartient à des individus, il n'y a pas d’entités publiques ou autres parmi les actionnaires qui sont tous des employés de Dar», assure Zaki, en insistant sur le fait que la part de chacun est une affaire interne que Dar préfère ne pas révéler. « C’est une information qui n’intéresse personne », ajoute-t-il.

Peu d’informations financières disponibles

La société a déjà mené plusieurs projets en Egypte dont celui qu’Al-Ezz Group, appartenant à Ahmad Ezz, magnat de l’acier et l’homme fort du régime Moubarak, a confié à Dar Al-Handasah en 1994 pour la conception d’une usine de métallurgie et un atelier de fusion dans la ville de Sadate. En 2001, les forces aériennes égyptiennes ont désigné Dar Al-Handasah pour concevoir leur centre médical dans le Nouveau Caire. La société a aussi exécuté une gestion de projet pour l’aérogare 3 de l’aéroport international du Caire en 2003, ainsi que le design de l’aéroport de Hurghada.

La société n’est pas cotée en Bourse et ne publie pas de résultats financiers. Elle mentionne seulement sur son site Internet qu’elle réalise des projets représentant des investissements totaux de 270 milliards de dollars. De même, aucune liste d’actionnaires ne figure sur le site. Le Conseil d’Etat, la plus haute instance administrative, s’est initialement abstenu de valider le contrat pour manque de documents présentés par le gouvernement. Mamich, lui, a expliqué le retard par des raisons procédurales. Deux jours après la publication de cette information, Mamich s’est félicité d’avoir convaincu le Conseil d’Etat ainsi que le département de la Sécurité nationale d’accepter le contrat.

Selon Mamich, une maison d’expertise française a participé au choix du consortium ayant remporté l’offre pour s’assurer de sa neutralité et de son efficacité. « Le choix de cette maison d’expertise a été proposé par la Banque mondiale et nous avons fait attention à ce que la nationalité de cette maison soit différente de celles des 13 consortiums qui se sont présentés pour le projet », a dit Mamich lors d’une conférence de presse. Les deux autres consortiums envisagés étaient Royal Haskoning basé aux Pays-Bas (DHV) et son partenaire égyptien Pacer, suivi par le Néerlandais Witteveen & Bos et son partenaire égyptien, The Egyptian Group for Engineering and Contracting (EGEC). Selon Mamich, l’offre financière de Dar Al-Handasah était la meilleure à tous les niveaux.

L’Hebdo a demandé son avis à Royal Haskoning sur Dar mais la compagnie a refusé, répondant « si vous avez des questions sur le projet demandez au client », faisant référence à l’Autorité du Canal de Suez.

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