Vendredi, 29 mars 2024
Al-Ahram Hebdo > Economie >

Blé : La moitié des besoins égyptiens couverts par Moscou

Marwa Hussein, Mardi, 19 août 2014

Céréales contre pommes de terre, zone industrielle russe contre contrats d’armement ou modernisation des turbines du Haut-Barrage, la visite d’Al-Sissi à Moscou ouvre la porte à une collaboration renforcée avec le Kremlin.

Ble
L’Egypte va importer plus que la moitié de ses besoins en blé de la Russie. (Photo : Reuters)

L’Egypte semble se tourner un peu plus vers la Russie. Cette dernière est perçue comme une alternative aux Etats-Unis, avec lesquels les relations se sont refroidies depuis la destitution de Mohamad Morsi.

Il ne s’agit toutefois pas d’un changement radical de politique étrangère, l’Egypte garde des relations étroites avec les Etats-Unis. Mais la première visite de Abdel-Fattah Al-Sissi, hors Afrique et pays arabes, depuis son élection en juin, a bien eu lieu en Russie.

La visite portait notamment sur des accords d’importations d’armes russes. Ces importations avaient été négociées lors de la première visite de Sissi à Moscou avant son élection. Quant aux accords commerciaux, Poutine a annoncé que Moscou allait fournir au Caire au moins 5 millions de tonnes de blé par an. La Russie deviendra ainsi le principal fournisseur de blé de l’Egypte, premier importateur mondial de cette céréale, pour un total d’importations de 10 millions de tonnes annuelles.

« Ce qui importe vraiment, c’est que la Russie offre des facilités de paiement sur six mois », confie, à l’Hebdo, Mounir Fakhri Abdel-Nour, ministre du Commerce et de l’Industrie. Reste que la Russie deviendra le principal partenaire commercial de l’Egypte concernant le blé. Un partenariat potentiellement problématique si l’on se souvient qu’en 2010, des incendies avaient fortement affecté la récolte en blé de la Russie, troisième exportateur mondial. Moscou avait alors imposé un embargo sur ses exportations en céréales. La Russie a livré à l’Egypte 3,6 millions de tonnes de blé l’année dernière.

Accords donnant-donnant

De son côté, la Russie va augmenter de 30 % ses importations de produits agricoles égyptiens. Une augmentation qui pourrait réduire l’impact de l’embargo d’un an, imposé par la Russie sur la plupart des produits agricoles en provenance de l’Union européenne, des Etats- Unis, du Canada et de l’Australie notamment. « La visite d’Al-Sissi a coïncidé avec l’embargo imposé par la Russie.

Les Russes ont besoins de combler le fossé et nous ont promis de faciliter l’entrée de nos produits, ce qui est une bonne chose », se réjouit Ali Issa, président du Conseil d’exportation des produits agricoles.

En 2013-14, l’Egypte avait exporté vers la Russie 350 000 tonnes de pommes de terre et 320 000 tonnes d’oranges. « Cela ne va ni affecter nos exportations vers d’autres pays, ni impliquer une hausse des prix, car on oeuvre en parallèle sur la réduction des pertes des produits agricoles lors des différentes étapes de transport et de stockage », avance Abdel-Nour. « On possède les capacités d’exporter plus de produits, mais cela ne se concrétisera pas si l’on ne développe pas nos capacités de livraison », estime quant à lui Tareq Tawfiq, propriétaire d’une société d’agroalimentaire et viceprésident de la Fédération des industries. Le ministère du Commerce et de l’Industrie affirme être en train d’élaborer un plan détaillé avec des objectifs précis sur les exportations possibles vers la Russie. Une délégation égyptienne présidée par le ministre se rendra en Russie en septembre.

Projet de zone industrielle

Outre le volet agricole, Al-Sissi a mentionné qu’il avait discuté avec Poutine de la création d’une zone industrielle russe en Egypte, dans le cadre du projet de développement du Canal de Suez. « Ces discussions ne sont qu’une cristallisation d’un protocole signé en mars, et qui porte sur plusieurs volets de coopération entre les deux pays. Mais l’accord final n’a pas encore été signé », tient à préciser le ministre du Commerce et de l’Industrie.

Selon Abdel-Nour, les travaux de construction de la zone industrielle se feront avant la finalisation du méga-projet du Canal de Suez. Il explique que les Russes cherchent à produire des équipements et machineries agricoles comme les tracteurs, la Russie étant experte dans ce domaine. « Leur objectif serait de vendre ces équipements sur le marché égyptien ainsi qu’en Afrique », ajoute le ministre.

La création d’une telle zone permettra de diversifier les investissements directs russes en Egypte, dont plus de 50 % se font dans le domaine du tourisme. La totalité des investissements russes reste cependant modeste avec seulement 67,7 millions de dollars investis par environ 400 entreprises. Un chiffre négligeable, comparé aux investissements saoudiens qui s’élèvent à 7 milliards de dollars. Un accord de libre-échange serait aussi sur la table entre l’Egypte et l’Union économique eurasiatique, qui regroupe la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie.

« La Russie va aussi aider à la modernisation des turbines du Haut-Barrage. Les Russes seraient aussi d’accord pour aider l’Egypte à développer une production d’énergie nucléaire », précise Mounir Fakhri Abdel- Nour. La Russie est par ailleurs la première source de touristes en Egypte, avec 2 millions de touristes russes cette année, soit environ 20 % du total.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique