La Bourse égyptienne est dans le rouge. La réaction à l’annonce de nouvelles taxes sur les profits en Bourse fut immédiate. Dès jeudi 29 mai, le jour de l’annonce par le ministère des Finances, l’indice EGX30 a fortement baissé.
EGX30, qui comprend les 30 sociétés les plus significatives, a clôturé jeudi 29 mai et dimanche 1er juin sur des chutes de 3,45 et 4,22%, soit les plus fortes baisses depuis le début de l’année.
Pour la première fois depuis novembre 2012, l’administration de la Bourse a arrêté les échanges, dimanche, pendant une demi-heure, suite à une baisse de l’indice de plus de 6,2%.
« Un état de panique a touché les investisseurs égyptiens et étrangers. Ils ont voulu liquider leurs titres rapidement avant l’approbation du projet de loi par le président de la République », témoigne Mohsen Adel, vice-président de l’Association égyptienne de financement et d’investissement. Lundi dernier, EGX30 a clôturé sur une hausse de 1,54%.
Pour calmer les investisseurs et freiner la colère des différents opérateurs boursiers, le Conseil des ministres, en coopération avec la Bourse égyptienne, ont introduit deux changements importants dimanche soir: le premier est d’augmenter le plafond des dividendes exonérées d’impôts de 10000 L.E. à 15000 L.E. Une mesure destinée aux petits investisseurs. Seules les dividendes au-delà de 15000 L.E. seront taxées.
La deuxième concession porte sur l’exonération des Bonus Shares, une méthode qui consiste à verser les dividendes sous forme d’actions supplémentaires. « Notre objectif est de minimiser les impacts négatifs de cette nouvelle taxe, notamment pour les petits investisseurs », avance le président de la Bourse, Mohamad Omran.
Pourtant, le fait d’exonérer les bonus shares revient à rendre inefficace la nouvelle taxe. « Au lieu de distribuer des dividendes à leurs actionnaires, les sociétés distribueront des bonus shares » et échapperont ainsi à la taxe, note Hani Tewfiq, président du Fonds d’investissement direct.
Par ailleurs, seuls les gains cumulés seront taxés à 10%. Un actionnaire réalisant des pertes sur un titre et des gains identiques sur un autre titre échappera à la taxe. « C’est la société Misr leasing qui s’occupera de faire le bilan des opérations de vente et d’achat effectuées par les actionnaires. Si l’activité boursière de l’investisseur fait apparaître un bénéfice en fin d’année, il serait soumis à l’impôt. Sinon, il sera exonéré d’impôts », détaille le projet de la loi.
Cependant, les investisseurs étrangers seront taxés sur chaque opération et non sur le cumul de l’année passée.
Faire reculer le déficit budgétaire
L’imposition des profits boursiers reste le rêve des différents gouvernements qui se sont succédé au cours des 4 dernières années. Mais les pressions exercées par les grands investisseurs ont bloqué ces espoirs. « L’imposition de ce type d’impôt intervient dans le cadre de la première phase des réformes fiscales prévues pour l’année prochaine. Cette fois-ci, ces impôts seront imposés. Il n’y a pas d’autre choix. Le déficit budgétaire pour l’année fiscale 2014/2015 atteindra 14% du PIB si le gouvernement n’applique pas pour les réformes prévues », prévient le ministre des Finances. Il estime que cette mesure pourrait générer des recettes supplémentaires de 10 milliards de L.E. Mais l’impact sur la Bourse pourrait s’avérer considérable.
« Les investisseurs particuliers, qui représentent 70% du total des échanges en Bourse, vont chercher d’autres investissements tels que les certificats d’investissements bancaires qui sont, eux, exonérés d’impôts », prévient Issa Fathi, vice-président du département des titres financiers au sein de l’Union des chambres commerciales.
La mesure pourrait aussi faire fuir les investisseurs étrangers qui pourraient se tourner vers des pays où les plus-values boursières ne sont pas taxées, comme les Emirats arabes unis et les autres pays du Golfe.
« Nous avons choisi le système le plus léger par rapport à nos pays voisins. La Turquie impose des taxes sur les dividendes de 15%, alors que le Maroc impose des taxes sur les profits de 20% et sur les dividendes de 10 % », explique Hani Qadri, en écartant la possibilité de retrait des investisseurs et une éventuelle baisse des échanges.
« Lorsque nous avons imposé une taxe de 0,1% sur chaque transaction boursière l’année dernière, il y a eu la même réaction. La Bourse est ensuite repartie à la hausse », renchérit le ministre. Cette taxe, dite taxe Tobin, sera annulée très prochainement.
En attendant l’approbation de ces règlements par le président de la République, la Bourse risque de se montrer frileuse.
Lien court: