Al-Ahram Hebdo : L’Amérique latine est souvent perçue comme une région ayant réussi à améliorer le niveau de vie des plus démunis ces dernières années. Quels facteurs ont permis ce développement ?
Carlos Eduardo Velez: Nous avons une amélioration des indicateurs de distribution des revenus. La population qui a connu de la mobilité sociale dans le passé pense que ses enfants vont mieux faire. Les indicateurs d’égalité d’opportunité pour les enfants sont prometteurs. L’indicateur des opportunités humaines qui mesure l’accès des enfants aux mesures de développement humain s’améliore de 1% par an; je crois qu’on peut faire mieux. Mais les gens sont toujours frustrés et pensent que l’injustice persiste. En fait, la région reste encore bien en arrière par rapport à d’autres.
— La performance du Brésil est mise en avant en raison de ses succès dans la lutte contre la pauvreté. Pourquoi cette particularité ?
— L’expérience du Brésil est très intéressante en raison de son parcours politique. Le pays a connu des gouvernements de différentes familles politiques, de droite et de gauche, mais il a pu garder une continuité de ses politiques malgré le changement des gouvernements. D’autres pays d’Amérique latine ayant connu des changements de pouvoir, accompagnés d’orientations politiques différentes, sont allés dans la mauvaise direction. Le Brésil, contrairement à l’Argentine ou au Venezuela, a évité le populisme radical. Ce qui est un avantage. L’Argentine était aussi riche que l’Australie aux débuts du dernier siècle mais les politiques adoptées ne lui ont pas permis de se développer. Il faut aussi préciser que les Brésiliens restent insatisfaits.
— Quelle est la cause du ralentissement des réformes en Amérique latine ?
— Il faut être patient. C’est quelque chose qu’on ne peut pas éviter pour réduire les inégalités. Les défis sont nombreux. En Colombie par exemple, la question majeure est d’assurer l’accès à l’éducation secondaire et de réduire l’insécurité alimentaire. Cela prend du temps. Avec des populations jeunes comme l’Egypte, c’est un défi mais il y a une opportunité de faire la différence, car cette tranche formera dans le futur une grande partie de la main-d’oeuvre. Mais il faut savoir saisir cette opportunité.
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