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Quand les banques se mettent au vert

Dahlia Réda, Mardi, 25 mars 2014

Les banques égyptiennes sont invitées à prendre le virage écologique en vérifiant que leurs prêts soient octroyés à des projets respectueux de l’environnement. Mais des obstacles se posent. Explications.

Banques égyptiennes
Il n'est pas encore clair quels sont les critères selon lesquels les cimenteries pourront octroyer des crédits bancaires. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

LES ÉTABLISSEMENTS bancaires du pays sont appelés par la Banque Centrale d’Egypte (BCE) à devenir acteurs du respect de l’environnement. « Je refuserai l’octroi de crédits à des sociétés qui ne respectent pas les normes environnementales introduites par la Banque Centrale d’Egypte concernant le Green Banking », déclare avec enthousiasme Mohamed Ozalp, directeur général de Bloom Bank Egypt. Mais comment convaincre les autres banques, alors qu’elles sont déjà en difficulté en raison du ralentissement économique, de restreindre le financement des projets industriels ? D’autant plus que la BCE n’a pas dit si cette nouvelle mesure fera l’objet d’une réglementation ou si une loi sera créée. Toutefois, une chose est sûre : l’introduction d’un tel concept prendra un ou deux ans. Par le Green Banking, l’objectif est de contrôler l’octroi des crédits aux entreprises pour les inciter à respecter l’environnement. Cette nouvelle orientation est apparue lors d’une conférence, tenue la semaine dernière par la Banque Centrale d’Egypte avec comme thème principal : « Vers un secteur bancaire durable : principes et feuille de route ».

Faïqa Al-Refaï, ex-gouverneur adjoint de la BCE, formule la première réserve. Elle estime que l’introduction du Green Banking ne convient à la conjoncture politique et économique actuelle : « Il est difficile d’étrangler les banques sur le marché par une restriction pareille. Nous sommes en crise et presque tous les secteurs peinent à subsister ». Pour elle, il faudrait attendre encore cinq ans pour introduire cette mesure, après une amélioration perçue positivement dans l’ensemble de l’économie.

Les complications administratives ne manquent pas. Pour qu’une telle orientation entre en vigueur, il faudra un département bancaire spécialisé pour surveiller la validation, par le projet soumis, des normes écologiques du ministère de l’Environnement, ainsi que son aptitude à respecter les régulations imposées par la BCE. « Rassembler des données sur l’entreprise et sa position financière sera plus facile avec les grandes usines, car elles sont répertoriées au Credit Bureau », explique Dalia Abdel-Qader, directrice de marketing et de communication à l’Arab African International Bank et experte des questions de durabilité et de responsabilité sociale. La tâche sera beaucoup plus difficile pour les petites et moyennes entreprises. Pour elle, il faudra « une base de données plus importante sur les débiteurs », ce qui sera coûteux pour les banques.

Néanmoins, Francis Malige, directeur financier de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), est prêt à aider à surmonter les obstacles. L’institution a déjà été engagée dans l’assistance à plusieurs pays vers cette transition. « La BERD a investi 30 milliards de L.E. dans plus de 64 pays, dont 34 ont réussi la transition vers ce nouveau concept. En 2008, la BERD s’est engagée dans une politique environnementale et sociale de lutte contre les émissions de carbone, en remplaçant les sources d’énergie nuisant à l’environnement par d’autres plus innovantes comme les énergies renouvelables pour protéger le climat », dit-il. De ce fait, la BERD a commencé à promouvoir ce concept du « Green Banking » inspiré de la bonne gouvernance et du développement durable.

« Cette initiative a été un succès dans différents pays, notamment en Turquie où l’on a investi 3,6 milliards d’euros depuis 2009, et 1,6 milliard d’euros sont investis dans le cadre de l’initiative de l’énergie durable », poursuit Malige.

Pénurie d’énergie actuelle

Ce qui rend l’idée valide en Egypte c’est la pénurie d’énergie actuelle qui asphyxie le secteur industriel. Quelle que soit la taille de l’usine, elle risque de connaître un arrêt de son activité en raison du manque d’énergie. Ainsi Dalia Abdel-Qader note que la mise en oeuvre du Green Banking est indispensable pour assurer la durabilité de la croissance du secteur bancaire et de l’ensemble des autres secteurs de l’économie. « Du point de vue des banques, la valeur ajoutée résultant du financement des entreprises gaspillant les ressources est faible, puisque le projet financé risque d’être stoppé à tout moment.

Pour les projets conformes aux normes environnementales assurant une croissance durable et une rationalisation de ressources, les choses sont différentes ... », soulignet- elle.

Ainsi la participation des banques au financement de tels projets réduira les risques entravant la continuité du projet, avec une période de remboursement du crédit allongée à vingt ans, comme l’exemple réussi de la Turquie. D’ailleurs, l’implication des banques dans l’environnement garantira la croissance du portefeuille de la banque dans les projets liés aux énergies renouvelables.

Qu’est-ce que le Green Banking ?

Dans le cadre d’une nouvelle orientation de la Banque Centrale d’Egypte, il sera imposé très prochainement aux banques du pays le concept du « Green Banking » dans le but de favoriser les prêts aux sociétés réduisant l’impact négatif de leurs activités sur l’environnement. Ce nouveau concept de « Green Banking » édicte les bonnes pratiques environnementales que les banques sur le marché égyptien doivent surveiller avant d’octroyer un prêt à une entreprise. Pour ce faire, il sera alloué au secteur bancaire une aide d’environ trois milliards d’euros par la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD).

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