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Butane : une pénurie qui perdure

Marwa Hussein, Mardi, 19 novembre 2013

La crise des bonbonnes s'exacerbe. Le marché noir reste florissant tant que le gouvernement ne met pas de terme à la corruption. Reportage devant un entrepôt de distribution de bonbonnes de gaz.

Bonbonnes

Vers midi, devant un grand entrepôt de distribution de bonbonnes de gaz dans le quartier populaire d’Al-Zawiya Al-Hamra (est du Caire), des queues interminables de citoyens venant remplir leurs bonbonnes sont surveillées par des policiers. Une scène qui s’est répétée la semaine dernière devant des centaines d’entrepôts aux quatre coins de l’Egypte provoquant des bagarres acharnées. La plus grave a eu lieu à Alexandrie la semaine dernière et s’est soldée par 5 blessés. Heureusement, aucun décès n’a été enregistré. « Je suis chauffeur de taxi et j’ai 3 enfants à nourrir. J’ai passé ma journée de travail dans la queue. Je n’ai gagné aucun sou », se plaint Mahmoud, un parmi des centaines à attendre leur tour devant l’entrepôt à Al-Zawiya. « Cela fait 2 heures que je suis là », ajoute un autre au milieu de la queue. La conversation est interrompue par les préliminaires d’une bagarre entre deux femmes se disputant une bonbonne. Selon les employés, le nombre de bonbonnes qu’ils reçoivent par jour est passé d’une moyenne de 8 000 au début de la crise à 12 000 environ. Mais la crise persiste. « Le problème n’est pas au Caire. La majorité des gens qui sont ici viennent du gouvernorat de Qalyoubiya », dit Badr Abdel-Baqi, de la police d’approvisionnement. Ne trouvant pas leur besoin dans leurs quartiers ou gouvernorats proches du Caire, les citoyens se rendent plus loin de chez eux, afin de s’approvisionner en bonbonnes. « Nous louons une voiture. Chacun de nous paye 5 L.E. pour venir ici. Cela nous coûte de l’argent en plus, mais on n’a pas le choix », explique un villageois devant le dépôt.

Comme d’habitude, la pénurie a provoqué la création d’un marché noir où la bonbonne est vendue entre 30 et 45 L.E. contre 8 L.E. officiellement. « Certains font la queue pour avoir une bonbonne qu’ils revendent au marché noir », dit Badr Abdel-Baqi, après avoir chassé une femme de la queue. « Je les connais car je travaille ici depuis 4 ans. Elle est venue hier et encore une fois ce matin », dit-il.

A chaque pénurie de produits pétroliers, d’essence, de gasoil ou de bonbonnes de gaz, le gouvernement montre du doigt le marché noir. Mais est-ce l’oeuf ou la poule ? Est-ce que le marché noir crée la pénurie ou il est une conséquence de la pénurie et de l’application de la loi de l’offre et de la demande ?

« On est chargé de la distribution et du contrôle du marché, mais le vrai problème consiste en la baisse de l’offre. C’est la responsabilité du ministère du Pétrole », dit une source au ministère de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur qui a requis l’anonymat.

Pourtant, la loi est sévère avec les contrevenants. Elle passe d’une suppression du permis d’entrepôts, des amendes qui peuvent atteindre jusqu’à 20 000 L.E. aux peines de prison qui peuvent aller de 6 mois à 5 ans. Selon le ministère, 1 200 contraventions ont été enregistrées depuis le début de la crise.

Toujours, devant l’entrepôt de Zawiya, de petits camions chargés de bonbonnes de gaz sortent de la porte. Ce sont les camions du projet des jeunes diplômés dont chacun a droit à vendre une soixantaine de bonbonnes par jour. « Les jeunes obtiennent les bonbonnes à 6 L.E. et les vendent au consommateur à 10 L.E. Cela se fait par l’intermédiaire des bureaux d’approvisionnement ou des associations », explique Abdel-Halim Madbouli, chargé de livrer les parts du projet des jeunes diplômés. Hadj Mahmoud, ancien propriétaire d’un entrepôt, confie que cette méthode ouvre la porte grande à la corruption. « Les employés des entrepôts vendent les bonbonnes aux diplômés à 15 L.E. et ces derniers les revendent plus cher au marché noir », assure-t-il. L’un des diplômés présents sur place s’approche discrètement de nous. « Si on n’accepte pas des prix élevés, ils ne vont pas nous laisser travailler », nous chuchote-t-il. Faire face au marché noir devra peut-être commencer par lutter contre la corruption au sein du gouvernement lui-même.

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