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Le conflit entre les grands exportateurs de blé inquiète le plus grand importateur

Marwa Hussein , Mercredi, 23 février 2022

La crise entre l’Ukraine et la Russie, gros producteurs de blé, jette son ombre sur le marché mondial de cette céréale. L’Egypte, dont ces deux pays sont les principaux fournisseurs, suit de près la situation.

Le conflit entre les grands exportateurs de bl  inqui te le plus grand importateur
La majorité des importations égyptiennes de blé proviennent de Russie et d’Ukraine. (Photo : Reuters)

L’Egypte, premier importateur mondial de blé, suit attentivement l’évolution du conflit sur la frontière entre la Russie et l’Ukraine, deux des principaux exportateurs mondiaux de blé. En 2019, 80 % des importations égyptiennes de blé provenaient de la Russie et de l’Ukraine. L’Egypte importe environ 60 % de ses besoins en blé, prévus atteindre 12,4 millions de tonnes en 2021-2022. Ali Mosselhi, ministre de l’Approvisionnement et du Commerce intérieur, a déclaré que l’Egypte avait sécurisé une réserve stratégique de blé qui serait suffisante pour plus de cinq mois. « Le ministère a pris des mesures de précaution pour sécuriser ses stocks de blé. La saison locale d’approvisionnement en blé commencera à la mi-avril et la réserve stratégique augmentera pour suffire jusqu’en novembre prochain », a déclaré Ali Mosselhi. « Le stock actuel, en plus de la récolte du blé local, qui doit commencer en avril, pourraient couvrir la demande en pain subventionné (voir encadré) jusqu’à la fin de l’année, mais en cas de conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, il faudrait trouver d’autres sources, ce qui n’est pas évident », prévient Gamal Siyam, professeur d’agriculture économique à l’Université du Caire.

Les deux pays d’Europe de l’Est exportent du blé à plusieurs pays de la région comme la Turquie, le Maroc et l’Algérie. « Tous ces pays seront à la recherche d’autres sources de blé, pas uniquement l’Egypte. En fait, le marché mondial sera perturbé en cas de guerre et beaucoup de pays pourraient imposer des restrictions sur les exportations des grains afin d’assurer un stock local. Trouver des millions de tonnes de blé sur le marché international ne serait pas facile dans de telles conditions », explique Siyam. « 21 pays sont accrédités pour fournir du blé à l’Egypte. Les achats de blé par le gouvernement se font à travers des offres d’achat internationales, emportées par ceux qui offrent les prix les plus bas », explique Ahmad Al-Attar, président de la quarantaine agricole.

Jusqu’à la date de publication de l’article, les tensions sur la frontière entre la Russie et l’Ukraine montaient (voir article page 11) ; le premier ministre britannique, Boris Johnson, a déclaré, dimanche 20 février, sur la BBC que le Royaume-Uni et les Etats-Unis bloqueraient les transactions en dollars et livres sterling pour les compagnies russes si la Russie venait à envahir l’Ukraine.

De gros producteurs

Selon S&P Global, l’Ukraine et la Russie représentent 23 % des exportations mondiales de blé. La Russie est le premier exportateur mondial et l’Ukraine le quatrième, selon les estimations du Département américain de l’agriculture (USDA).

En fait, les prix mondiaux des denrées alimentaires ont atteint des records en 10 ans et la part de marché des deux pays signifie que toute perturbation des exportations pourrait faire monter en flèche les prix des céréales. « Les responsables égyptiens discutent avec des banques la possibilité de couverture de risque sur les importations de blé pour contenir la facture du pain subventionné (voir encadré) en cas de hausse des prix du blé », a dit à l’Hebdo Ibrahim Al-Achmawy, premier ministre adjoint de l’approvisionnement et chef de l’Autorité de développement du commerce intérieur.

« En tout cas, il faut que l’Egypte accroisse ses capacités de stockage de blé pour se protéger contre les changements géopolitiques et climatiques qui peuvent soudainement affecter la production ou le commerce de cette denrée de grande importance », conseille Gamal Siyam. Il rappelle que la Russie elle-même a imposé des restrictions sur ses exportations en blé suite au déclenchement de la crise du Covid-19. En fait, la Russie a annoncé en novembre sa décision d’imposer des quotas et des taxes sur les exportations en blé entre février et juin 2022. « Le ministère a un plan pour augmenter les capacités de stockage de blé de 3,6 millions de tonnes en 2021 à 4,6 millions dans deux ans », assure Ibrahim Al-Achmawy.

Outre les tensions entre les deux pays voisins de l’ex-Union soviétique, il est prévu que la production mondiale de blé baisse à cause de la sécheresse qui sévit dans plusieurs pays, y compris les Etats-Unis, la Syrie, l’Iraq et le Maroc. Selon le rapport Perspectives du blé de février 2022 du Département américain de l’agriculture, les exportations américaines de blé pour 2021-2022 sont les plus faibles depuis six ans. Elles ont été réduites ce mois-ci de 15 millions de boisseaux (1 boisseau de blé = 0,0272155 tonne métrique), pour atteindre 810 millions, le niveau le plus bas depuis 2015-16 et le deuxième plus bas depuis 1971-72.

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