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Vers une croissance très hétérogène

Amani Gamal El Din, Mardi, 19 octobre 2021

Les Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, tenues du 11 au 17 octobre, prévoient une croissance globale très variable, avec en perspective des menaces inflationnistes. Analyse.

Vers une croissance très hétérogène

L’économie mondiale connaîtra en 2021 une reprise vigoureuse mais inégale. Un bon augure pour les économies développées et une mauvaise pour les économies émergentes et en développement. Les Assemblées annuelles de l’automne du Fonds Monétaire International (FMI) et du groupe de la Banque Mondiale (BM), qui se sont déroulées virtuellement du 11 au 17 octobre, avaient deux préoccupations majeures, à savoir une croissance inégale et une inflation globale galopante.

Malgré les prévisions positives de croissance mondiale qui devrait atteindre 5,9 % en 2021, celle-ci reste très inégale. « L’on s’attend à ce que la croissance globale en 2021 soit robuste. La vaccination rapide a permis d’améliorer les perspectives. Mais l’amélioration se trouve principalement dans les économies des pays développés. Pour les économies émergentes et en développement, les vaccinations limitées ont ramené les perspectives à une courbe descendante », note le rapport sur les perspectives de la croissance mondiale d’octobre 2021. Selon le rapport, les économies des pays développés réaliseront une croissance de 5,2 % contre -3,1 % en 2020. Pour les marchés émergents et les économies en développement, les prévisions font état d’une croissance de 6,4 % contre -2,1 % en 2020. Le Moyen-Orient et l’Asie centrale réaliseront 4,1 % en 2021 contre -2,8 %.

« Les perspectives de croissance en 2021 sont très complexes, car elles sont calculées sur trois échelons différents, à savoir les régions, l’intérieur des pays et les secteurs. Certains secteurs seront affectés plus que d’autres et leur croissance par rapport au PIB sera menacée. C’est le cas du textile et des secteurs à haute intensité de main-d’oeuvre, alors que d’autres secteurs, comme le tourisme et les services, se rétabliront avec force. Il en résultera des inégalités sociales et des écarts dans les revenus », explique Mona Bédeir, macroéconomiste auprès de la banque d’investissement Prime.

Cette hétérogénéité de la croissance mondiale a été explicitée par Mahmoud Mohieddine, directeur exécutif du FMI et membre de son conseil d’administration qui représente l’Egypte et les pays arabes, dans une intervention à la chaîne Al-Arabia. « Au cours des deux dernières décennies, il y a eu un rapprochement entre les différentes régions du monde au niveau de la croissance et des revenus per capita. Mais la pandémie a introduit des changements étonnants. Pour la première fois, nous sommes devant deux fossés. Le premier se trouve à l’intérieur des pays qui souffriront de grandes inégalités dans les revenus per capita. Le second fossé se trouve au niveau des différents pays dont la croissance sera très inégale », a-t-il analysé.

David Malpass, président du groupe de la BM, n’a pas caché ses craintes. Il a déclaré que la croissance en pourcentage du PIB atteindra les taux d’avant la pandémie en 2022, mais cette croissance sera lente et les revenus n’atteindront pas leurs niveaux de 2019. « L’écart se creusera davantage entre les riches et les pauvres et il y aura une augmentation de la pauvreté globale. Environ 100 millions de personnes de plus dans le monde vivront dans l’extrême pauvreté et plusieurs centaines de millions deviendront les nouveaux pauvres », a-t-il dit.

Vers une croissance très hétérogène

Le rapport des perspectives de croissance note que pour combler ces fossés, il faut commencer par une accélération rapide de la vaccination. Selon Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, le PIB global reculera de 5,3 trillions de dollars dans les 5 prochaines années, si la vaccination ralentit. « Afin d’atteindre les objectifs de vaccination globale, au moins 40 % des populations doivent être vaccinés d’ici fin 2021 et 70 % à la mi-2022. Les doses de vaccin à l’attention des pays en développement doivent augmenter et les excédents de vaccins doivent être redirigés vers les pays déficitaires », explique Georgieva.

Combattre l’inflation

La hausse de l’inflation globale, ayant frôlé 3,6 % dans certains pays comme les Etats-Unis, est venue jeter son ombre sur les perspectives de croissance. « Les pressions inflationnistes deviennent un calvaire surtout pour les économies en développement qui souffrent dans le contexte actuel d’une croissance au ralenti », explique Mohieddine. « Le recul de la croissance s’explique par les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales associées à la hausse des prix de l’énergie et des produits de base. Résultat : l’offre a reculé face à une demande importante due au rétablissement économique », explique Mohamed Shadi, macroanalyste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, appuyant l’avis des analystes du FMI. Les politiques monétaires basées sur la hausse des taux d’intérêt ne seront plus utiles, comme l’estime Bloomberg et le Financial Times. « Il faut des politiques économiques à long terme pour stimuler la croissance et la production en ciblant les investissements, le capital humain et l’industrie », conclut Mona Bédeir.

Optimisme pour l’Egypte

La Banque mondiale a revu à la hausse les perspectives de croissance du PIB réel de l’Egypte à 5,0 % au cours de l’année fiscale 2021-2022 contre 3,3 % en 2020-2021, selon le World Bank MENA Economic update d’octobre 2021. Les estimations de juillet 2021 prévoyaient 4,5 %. En effet, les prévisions de croissance de l’économie égyptienne ont pris le dessus sur celles des pays appartenant à la même catégorie et qui sont en moyenne de 2,8 %. Sur un autre plan et en écho à la hausse de l’inflation globale, l’Egypte a connu une hausse de l’inflation annuelle en septembre. Celle-ci était de 8 % contre 6,4 % au mois d’août (l’inflation annuelle urbaine a atteint 6,6 % contre 5,7 % septembre 2020). Mona Bédeir, macroéconomiste auprès de la banque d’investissement Prime, estime que le taux de l’inflation n’est pas inquiétant parce qu’il s’inscrit dans les objectifs de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), de 7+2 % à 7-2 %. « L’inflation est contrôlée, mais il faut suivre de près les évolutions mondiales et voir leur impact sur l’Egypte afin de prendre les bonnes décisions », dit-elle .

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