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Effets Covid-19 : Un choc absorbé

Salma Hussei, Mardi, 09 février 2021

Trois rapports récemment publiés par trois des plus grandes banques d’investissement expliquent comment l’Egypte a su gérer les conséquences économiques du Covid-19 en 2020. Une relance équitable de l’économie sera le grand défi de cette année.

Effets Covid-19 : Un choc absorbé
Maintenir le pouvoir d’achat était la politique visée pour réaliser une croissance positive en 2020. Les plus riches en ont profité plus que le reste de la population.
C’est à la mi-février 2020 que le premier cas de coronavirus a été identifié en Egypte. Quelques semaines après, le Covid-19 est déclaré une pandémie mondiale. De mars à mai, il en résulte en Egypte deux chocs en parallèle : le premier touchant l’activité économique, le deuxième, le marché des changes. Sur le plan global, le commerce international a chuté et les investisseurs financiers ont quitté en masse les marchés émergents lucratifs, cherchant les marchés avancés plus sûrs. L’Egypte n’était pas épargnée. Ainsi, certains détenteurs étrangers des bons de Trésor ont quitté le pays. Lors de la période allant de mars à mai 2020, quelque 18 milliards de dollars sont sortis du pays. Les banques ont dû s’endetter en dollar pour fournir les devises à ceux-ci. Par ailleurs, l’aéroport a été fermé et le gouvernement a imposé un confinement partiel pendant trois mois. Conséquences : les revenus du tourisme et des exportations ont chuté. Il en est de même pour l’investissement étranger. En gros, le déficit de la balance des paiements qui mesure les flux en devises étrangères entrant et sortant du pays a enregistré vers la moitié de 2020 « son plus grand déficit depuis 2011 ».

Un an après, l’Egypte est cependant mieux positionnée que la plupart de ses voisins grâce à sa « persévérance dès le début qui lui a épargné les troubles du chemin », comme le note le rapport de la maison d’investissement Beltone.

Face à la pénurie inattendue de dollar, la Banque Centrale d’Egypte (BCE) a joué un grand rôle stabilisateur lors de 2020. En premier lieu, elle a sauvé la livre égyptienne d’une chute libre, et ce, en sacrifiant quelque 3 milliards de dollars de réserves, et en laissant la livre égyptienne légèrement dépréciée devant le dollar passant à plus de 16 L.E., contre 15,75 L.E. avant la pandémie.

Le taux de change est aujourd’hui revenu en deçà de 16 L.E. grâce aux mesures promptes. Le gouvernement a eu recours au Fonds Monétaire International (FMI) pour deux lignes de crédit, un financement rapide de 2,4 milliards de dollars et un autre de 5,2 milliards de dollars. L’Egypte devient ainsi le deuxième plus grand client du FMI, après l’Argentine. Le conseil de l’administration du FMI a jugé l’Egypte digne d’une exception malgré avoir dépassé son plafond d’endettement. La BCE a également réussi à étendre les délais de remboursement des dépôts des pays arabes, qui étaient dus en 2020. En plus, le gouvernement a lancé à deux reprises des obligations en dollars à hauteur de 5,75 milliards de dollars. Les banques commerciales et les organismes publics ont assuré à leur tour un endettement extérieur de plus de 5 milliards de dollars.

La stabilité de la livre égyptienne a empêché la hausse du taux d’inflation. Celui-ci est resté de 4,9 % en moyenne en 2020 (en deçà du minimum de 6 % visé par la BCE, signe de manque d’activité économique). La maison d’investissement Pharos note que le poids relatif du panier de la nourriture a été modifié à la baisse dans l’indice des prix du consommateur (mesurant l’inflation). « La BCE a réussi à contrôler l’inflation après avoir réduit les fluctuations des prix des produits alimentaires ». En plus, en coordination avec le ministère des Finances, l’Egypte a offert un taux d’intérêt réel sur les bons de Trésor « le plus élevé au monde », d’après les calculs des trois maisons d’investissement. Ainsi, l’appétit des investisseurs étrangers aux titres de l’endettement public est vite récupéré, malgré le « haut risque », selon la banque Pharos, assurant ainsi quelque 26 milliards de dollars en endettement à court terme, selon le ministre des Finances. « Ceci a aidé la BCE à renflouer les réserves et à maintenir la stabilité du marché des changes », note la banque d’investissement EFG-Hermès. Pour Beltone, ces flux ont couvert 80 % du manque des devises l’année dernière. Les trois rapports prévoient la continuation de ces flux le long de 2021. Ce qui serait « primordial pour la stabilité de la monnaie nationale », d’après le rapport de Beltone.

Le stimulus, un souffle à la demande locale

« Les plans de stimulation introduits par le gouvernement et la BCE ont offert un parfait soutien à la demande », salue également Beltone. Il s’agit d’un ensemble de mesures visant à soutenir la consommation et les crédits des particuliers, tout en aidant le secteur privé à rester solvant. Ainsi, la dépense privée (particuliers et entreprises) a augmenté à un taux record de 7 %, comparé à l’année précédente. « L’achat en grandes quantités pour stocker la nourriture pendant le confinement y a majoritairement contribué », d’après Beltone.

Le gouvernement a payé les travailleurs intermittents une somme mensuelle de 500 L.E. pendant 6 mois d’un coût de 3 milliards de L.E. Le nombre de famille pauvres bénéficiaires des allocations en espèces a augmenté d’une centaine de milliers. Les entreprises et les usines ont été offertes des subventions à l’énergie, des délais de remboursement de dettes, des exemptions fiscales et le gel de rembourser leurs taxes. En plus, les taxes sur les revenus ont été baissées pour les tranches inférieures. Pour maintenir le déficit budgétaire dans le niveau promis au FMI, le gouvernement a imposé une taxe provisoire pour une année de 1 % sur tous les salaires supérieurs à 2 000 L.E. (à peu près le seuil de la pauvreté d’une famille de deux).

Pour sa part, la BCE a entrepris une série de diminution des taux d’intérêt, en somme de 4 %, permettant aux entreprises et aux particuliers des crédits moins coûteux, pour inciter à l’investissement et à la dépense.

La croissance sauvée

Grâce à ces mesures, l’Egypte est le seul pays de la région à enregistrer un taux de croissance positif. En dépit d’un taux négatif pendant le trimestre mars-juin, (-1,7 %), l’économie a crû de 3 % en fin de l’année fiscale (juin 2020). Et ce, grâce aux secteurs pétrolier, construction et commerce intérieur. L’indice des directeurs d’achats (PMI), qui mesure l’activité du secteur privé non pétrolier, a dépassé la marque de contraction de 50 pour la première fois en un an, et ce, pour deux mois consécutifs, en septembre et en octobre 2020. Puis s’est plié en raison de la seconde vague du Covid-19.

Il est prévu que la croissance sera de plus de 3 % en 2021, d’après les trois maisons d’investissement, en harmonie avec les prévisions du FMI. Le chômage qui a augmenté en raison du confinement à 8,5 % a légèrement baissé lors du trimestre juillet-septembre. Le secteur privé a éliminé beaucoup d’emplois, d’après l’indicateur PMI. En janvier 2021, le taux d’élimination des emplois a été le plus lent en 15 mois, d’après le communiqué de presse publié le 3 février. Pour EFG-Hermès, « vu le maintien de la stabilité macroéconomique le long de l’apogée du choc du Covid-19, l’Egypte est bien préparée à une nouvelle année de solides fondamentaux économiques en 2021 ».

Les défis de 2021

« La croissance se poursuit pour 2021 », rassure EFG-Hermès, « mais nous sommes moins rassurés sur la relance de la consommation ». Même son de cloche chez Pharos, qui note que « l’Egypte lutte pour une croissance inclusive ». 50 % appartiennent à la classe moyenne, celle-ci a besoin de support gouvernemental pour mener un meilleur niveau de vie. Les 10 % les plus riches sont responsables de 25 % de la consommation. En revanche, la part des 10 % les plus pauvres est de 5 % du total de la consommation, d’après les chiffres de l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS) juste avant le Covid-19.

Heureusement, l’effet Covid-19 sur le bien-être des ménages a été faible grâce aux mesures gouvernementales. Ceci dit, EFG-Hermès signale que les Egyptiens n’ont jamais pu récupérer la détérioration de leurs niveaux de vie depuis la dévaluation de la livre en 2016. Car la hausse des salaires n’a pas pu compenser celle des prix. D’où le fait que la relance de la consommation reste en question. Beltone, de son côté, souligne que le manque des ressources publiques en 2021 pourrait menacer une stimulation aussi généreuse que celui de l’an 2020.

Par ailleurs, le taux de chômage connaîtra une baisse en 2021 pour s’aligner à 7 %. Alors que plusieurs chômeurs quittent le marché du travail, menant à la baisse de la force du travail. Cette dernière a baissé de 3 % comparée à son niveau de la pré-pandémie, suggérant que « les emplois perdus n’ont pas été encore entièrement compensés », selon EFG-Hermès.

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