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Retraites : Un changement de fond en comble

Marwa Hussein, Mardi, 30 juillet 2019

Le parlement vient d’approuver une nouvelle loi sur les pensions de retraite et l’assurance sociale. Celle-ci instaure notamment un mécanisme de fixation de la hausse annuelle des pensions, relèvera l’âge de la retraite à partir de 2032 et prévoit le remboursement de la dette accumulée aux fonds d’assurance sociale.

Retraites : Un changement de fond en comble
Les pensions de retraite doivent augmenter en fonction du taux d'inflation. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Une nouvelle loi sur les pensions de retraite et l’assurance sociale à été approuvée par le parlement le 15 juillet. La loi, qui remplace sept lois existantes relatives aux pensions et à l’assurance sociale, apporte des changements fondamentaux au système des pensions en Egypte. Elle instaure notamment un mécanisme de fixation de la hausse annuelle des pensions de retraite, stipule le calcul des retraites sur la base d’une plus grande part du salaire et modifie la période de cotisation ainsi que l’âge de la retraite. La loi introduit par ailleurs un système d’assurance sociale pour les travailleurs saisonniers et irréguliers ainsi qu’une assurance chômage.

Un apport fondamental de la nouvelle loi est l’introduction de mesures visant à résoudre un conflit qui dure depuis des décennies entre le Trésor et les fonds d’assurance sociale concernant une dette de plusieurs centaines de milliards de livres. Au début des années 1980, une loi proposée par le gouvernement stipulait que l’argent des fonds de pension devait être investi par la Banque Nationale d’investissement, qui, à l’époque, prêtait à l’Etat à des taux d’intérêt réduits. En 2006-2007, l’ancien ministre des Finances, Youssef Boutros-Ghali, avait affecté l’argent des fonds de pension au budget étatique, ce qui avait donné lieu à des contestations.

La nouvelle loi oblige le Trésor à verser à l’Autorité nationale des assurances sociales une somme débutant à 160,5 milliards de L.E. et augmentant annuellement de 5,7 % sur 50 ans. Le paiement sera mensuel. Le gouvernement payera ainsi 642 milliards de L.E. aux fonds d’assurance sociale. Si le Trésor ne paie pas le montant dû à la fin de chaque mois, des intérêts lui seront imposés. En cas de non-paiment durant trois mois consécutifs, l’affaire est soumise au cabinet des ministres. Chaque année, le ministère des Finances inscrit au budget la somme à payer à l’Autorité des assurances sociales, sans quoi le budget ne pourra pas être adopté.

L’Autorité nationale des assurances sociales remplit, quant à elle, les obligations actuelles et futures du Trésor vis-à-vis des retraités et couvre l’augmentation annuelle des retraites. Au cas où elle ne parviendrait pas à payer les pensions de retraite, le Trésor doit le faire à sa place, à condition que l’Autorité des assurances sociales s’engage à les rembourser plus tard. Cela devra faire l’objet d’un accord entre le président de l’autorité, le ministre des Finances et le premier ministre. Ces mesures annulent une dette que le gouvernement estime à 696,5 milliards de L.E.Malgré ces nouveautés, Al-Badri Farghali, chef de l’Union générale des retraités, estime que la loi n’est pas dans l’intérêt des retraités. « C’est incroyable que la dette du gouvernement soit remboursée sur cinquante ans. C’est une période excessivement longue », déclare-t-il. Mohamad Abou-Hamed, vice-président du comité de solidarité au parlement, défend pour sa part la loi : « C’est un problème qui s’est accumulé au cours de longues années et dont le gouvernement actuel a hérité. Nous sommes contraints d’y remédier en prenant en compte les ressources disponibles que l’Etat peut fournir ». Il ajoute que les gouvernements précédents ont refusé de reconnaître le problème. « C’est le président qui a exigé il y a quelques mois que ce conflit soit résolu », précise-t-il.

Augmentation de l’âge de la retraite

Selon la loi, tout l’argent de l’assurance sociale sera confié à un seul fonds et une autorité dépendant du ministre de la Solidarité sera créée, dont le rôle sera d’investir l’argent du fonds. Une solution qui ne satisfait pas Farghali. « Nous avions exigé la création d’une autorité indépendante et non gouvernementale pour gérer l’argent de l’assurance sociale », proteste-t-il. Pour sa part, Abou-Hamed souligne : « L’autorité comprendra des experts indépendants égyptiens, mais aussi étrangers, afin d’investir l’argent du fonds de manière efficace pour générer des profits. En cas de pertes, l’Etat les prendra en charge conformément à la Constitution ».

La loi stipule que les pensions de retraite doivent augmenter annuellement en fonction du taux annuel d’inflation, annoncé par la Banque Centrale d’Egypte (BCE), avec un maximum de 15 %. Les employés cotisant au système d’assurance sociale peuvent par ailleurs bénéficier facultativement d’une pension de retraite additionnelle en payant des cotisations supplémentaires, une possibilité qui n’existait pas auparavant. « La hausse annuelle pourra ainsi être inférieure à 15 % selon la nouvelle loi, alors qu’elle était de 15 % », regrette Farghali.

La hausse annuelle des pensions de retraite était jusqu’à présent fixée par des décrets présidentiels que le parlement approuvait. Elle était souvent de 15 %, mais parfois aussi de 10 % seulement. « Cet article protège en fait les retraités, la décision de la hausse des pensions étant auparavant laissée à la guise des autorités politiques », souligne de son côté Abou-Hamed.

Enfin, la nouvelle loi comprend plusieurs articles controversés. Ainsi, pour avoir droit à une pension de retraite, un employé doit cotiser à l’assurance sociale pendant 15 ans au minimum, contre 10 ans actuellement. En cas de retraite anticipée, la cotisation doit être d’au moins 25 ans, contre 20 ans auparavant. La loi rehaussera de plus l’âge de la retraite graduellement pour l’amener à 65 en 2040, alors qu’elle est de 60 ans actuellement. Cette rehausse commencera en 2032, élevant l’âge de la retraite d’un an tous les deux ans. « Ces articles suppriment tous les avantages que les retraités ont pu obtenir au fil des années. Le gouvernement veut augmenter l’âge de la retraite pour ne pas payer de pensions, cela affectera négativement le chômage. Le droit à une pension de retraite deviendra plus compliqué. En plus, la loi supprime le droit des femmes divorcées à recevoir la pension de retraite de leur père décédé », critique Farghali.

Abou-Hamed, bien que n’étant pas non plus pour la hausse de l’âge de la retraite, estime qu’en gros, la loi est positive, même si elle comporte quelques défauts : « Cela fait cinq ans que le gouvernement étudie cette loi et plusieurs études actuarielles ont été menées. La hausse de l’âge de la retraite vise à augmenter la capacité de paiement des pensions. Je crois que les articles controversés de la loi peuvent être revus une fois que l’autorité chargée d’investir l’argent du fonds de retraite deviendra stable et réalisera des bénéfices », conclut-il.

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