Vendredi, 29 mars 2024
Al-Ahram Hebdo > Economie >

Optimisme illusoire

Gilane Magdi, Mardi, 25 juin 2013

Le gouvernement prévoit une croissance de 2,5 % pour l'année 2013. Une prévision qui paraît exagérée pour l'opposition et qui contredit les chiffres de la Banque mondiale.

1
Le taux de croissance des secteurs-clés de l'économie, tels que la construction, reste limité.(Phpto: Bassam Al-Zoghby)

Contrairement à toutes les prévisions, l’économie égyptienne a connu une importante croissance pendant l’année financière 2012/2013, sous le président islamiste Mohamad Morsi. C’est ce qu’a révélé le président du Centre d’information et de soutien des décisions, Yasser Ali, la semaine dernière, soulevant de fortes critiques dans les rangs de l’opposition. « L’économie égyptienne a réalisé une croissance de 2,6 % en 2012/2013 (contre 2,2 % l’année précédente, ndlr). Ce taux devrait atteindre les 3,8 % en 2013-2014 », a assuré Ali lors d’une conférence ayant pour titre La Réforme économique en période de transition, tenue la semaine dernière au Caire, sous les auspices du Centre égyptien pour les études économiques. Ali a annoncé une série d’indices optimistes dont la hausse des revenus de l’Etat qui passeront à 396 milliards de L.E. en 2012/2013, contre 303 milliards de L.E. l’année précédente et le recul du taux d’inflation à 7 %.

Avec ces chiffres optimistes, Yasser Ali, ex-porte-parole du président de la République, et les membres du cabinet ministériel veulent sans doute dessiner une image déformée de l’économie égyptienne, masquant leur échec à diriger la très difficile phase de transition. « Comment le PIB peut-il réaliser un tel chiffre alors que les différents secteurs économiques témoignent d’un recul de la productivité ? », se demande Omniya Helmi, directrice du Centre égyptien pour les études économiques. Elle explique à l’Hebdo que ces prévisions ont été faites lors du premier trimestre de l’année financière 2012/2013. « Elles doivent être révisées par le ministère de la Planification, afin de refléter la réalité de l’économie égyptienne.

Le taux de croissance ne devrait pas dépasser les 1,5 % cette année », renchérit Helmi. Ces prévisions correspondent à celles de la Banque Mondiale (BM) qui a estimé, dans son récent rapport sur l’économie mondiale, un taux de croissance du PIB égyptien de 1,6 % au maximum « vu l’instabilité politique qui règne dans le pays ». Elle prévoit un PIB de 4,8 % en 2015, conditionné au retour de la stabilité politique dans le pays.

Croissance faible pour 11 secteurs

La performance des différents secteurs économiques en 2012/2013 n’est pas encore connue, mais un rapport publié cette semaine par le ministère de la Planification évalue cette performance au cours des 9 premiers mois de l’année. Le rapport révèle une lente progression. 11 secteurs ont connu une croissance faible, comme le secteur financier (2,8 %) ou les télécoms (5 %), alors que trois secteurs ont connu une croissance négative, à savoir le secteur pétrolier (-3 %), celui du gaz naturel (-6 %) et celui du Canal de Suez (-4,2 %). Quant au secteur des constructions — l’un des secteursclés de l’économie égyptienne il a réalisé une croissance de 6,6 %. Ce secteur a été affecté par les pénuries de gasoil et de mazout. « Aujourd’hui, les usines lourdement consommatrices d’énergie telles que celles du fer et du ciment tournent à 60 % de leurs capacités », a révélé à l’Hebdo Omar Mhanna, PDG de la société Suez pour le ciment. Conséquence : une baisse de la production locale de presque 40 % dans les différentes industries. Autre indicateur : l’effondrement des investissements.

D’après le rapport de la Banque Centrale d’Egypte publié le mois dernier, les investissements étrangers nets ont chuté de 393 millions de dollars pendant le premier semestre 2012/2013, se situant à 2,4 milliards de dollars pendant la seconde moitié de l’année précédente. La consommation, autre catalyseur de la croissance du PIB égyptien, a également réalisé une certaine régression.

L’inflation mensuelle a enregistré -0,2 % en mai, contre 1,7% en avril. « Cette chute, comme le note Alia Mamdouh, analyste économique auprès de la banque d’investissement CI Capital, ne reflète pas une baisse des prix réelle, mais une faiblesse des achats. Les familles se contentent de satisfaire leurs besoins essentiels. L’instabilité politique, les incertitudes sur l’avenir ainsi que la faiblesse des revenus les poussent à refaire leurs comptes ». Les manifestations d’ampleur contre le régime islamiste prévues le 30 juin mettent de plus en péril l’économie égyptienne, précise Omniya Helmi. Et une chose est certaine : « Le taux de croissance ne se redressera pas avant début 2014 », dit-elle .

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique