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Davos : Le retour de l’Egypte

Amani Gamal El Din, Mercredi, 30 janvier 2019

Le Forum économique mondial s’est tenu du 22 au 25 janvier à Davos, en Suisse, dans un contexte mondial agité. Après 5 ans d'absence, l'Egypte y a participé avec l'objectif de présenter ses réformes structurelles et de promouvoir l'investissement.

Christine Lagarde, directrice générale du FMI, prévoit une récession mondiale « qui ne sera pas dang
Christine Lagarde, directrice générale du FMI, prévoit une récession mondiale « qui ne sera pas dangereuse ».

A peine arrivée dans la station de ski huppée suisse de Davos, l’élite économique mondiale et la délégation égyptienne, absente pendant 5 ans du Forum économique mondial, ont été prises au dépourvu par les nouvelles du Fonds Monétaire International (FMI) sur le ralentissement de la croissance mondiale. Le forum s’est tenu cette année du 22 au 25 janvier sous le slogan « Mondialisation 4.0, constitution d’une nouvelle structure mondiale sous la 4e révolution industrielle ».

Présidée par le premier ministre, la délégation officielle égyptienne comprenait la ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, le ministre des Finances et la ministre du Tourisme. L’objectif du gouvernement égyptien était de faire la promotion de ses réformes structurelles et économiques et de présenter les indicateurs positifs de l’économie, surtout à l’heure de l’instabilité des marchés émergents. En effet, les agences de notation ont rehaussé la note de l’Egypte. Celle-ci est passée de « stable » à « positif », les perspectives 2019 prévoyant un taux de croissance de 5,5 %, contre 5,3 % en 2018, malgré les risques d’une éventuelle récession mondiale.

Or, le FMI a baissé, pour la deuxième fois en quelques mois, les chiffres relatifs au rythme d’expansion de l’économie mondiale, désormais estimé à 3,5 % (-0,2 point) pour cette année, contre 3,7 % en 2018. La prévision pour 2020 est également moins bonne, soit à 3,6 % (-0,1 point). Des chiffres non satisfaisants, mais pas au point d’effrayer. Christine Lagarde, directrice générale du FMI, a déclaré : « Une récession mondiale n’est pas au coin de la rue, mais le risque d’un recul plus prononcé de la croissance mondiale a augmenté ».

L’agenda du Forum économique mondial 2019 était chargé et comprenait notamment les scénarios possibles découlant de la guerre commerciale entre les deux superpuissances, Washington et Pékin, la volatilité des cours mondiaux du pétrole et le destin incertain de la Grande-Bretagne face au Brexit, ainsi que le shutdown de l’Administration américaine. Ajoutons à cela la crise des gilets jaunes en France. L’Argentine continue à se battre à cause de sa crise économique, tandis qu’Ankara souffre d’une dévaluation de sa monnaie nationale.

Les experts ont prévu soit une stabilisation, soit une baisse des taux de croissance des économies mondiales, des Etats-Unis à la Chine. Fang Xinghai, vice-PDG de China Securities Regulatory, a déclaré qu’avec 6 % du PIB en 2019, la croissance de la Chine est encore solide. Il a expliqué que certains secteurs en surchauffe, comme l’immobilier et les infrastructures, pouvaient contribuer à corriger le marché. Jin Keyu, professeur d’économie à la London School of Economics and Political Science, a estimé, quant à lui, que la guerre commerciale entre Washington et Pékin pouvait exercer des pressions extérieures sur la Chine pour adopter des réformes dans le sens d’une ouverture économique.

Comme on pouvait s’y attendre, l’un des principaux débats du forum a été celui sur les politiques monétaires, surtout après la crise des marchés émergents et la fuite des capitaux. Les experts estiment que l’assouplissement monétaire accompagné de réformes fiscales sera en mesure de contrer le ralentissement. Toutefois, des questions ont été soulevées concernant la marge de manoeuvre des Banques Centrales. Alex Weber, PDG de la banque UBS, pense que la Réserve fédérale américaine relèvera au moins deux fois les taux d’intérêt et qu’une normalisation des politiques monétaires est probable vers la fin de 2019.

Montrer le changement

Le climat mondial tendu n’a pas empêché certains pays, notamment l’Egypte et le Brésil, qui ont réalisé des progrès sur le plan économique, d’afficher leur forme retrouvée. « Nous sommes ici pour montrer que le Brésil a changé », avait affirmé le président brésilien, Jair Bolsonaro, à son arrivée à Davos, où il entendait mettre l’accent sur l’agro-négoce. « Nous voulons montrer que le Brésil prend des mesures pour que le monde reprenne confiance en nous, pour que les affaires fleurissent à nouveau, sans orientation idéologique », avaitil expliqué à des journalistes brésiliens dans le hall de son hôtel.

L’Egypte adopte la même logique.

Malgré un contexte mondial de recul des Investissements Etrangers Directs (IED) — sur fond de guerres commerciales et de politiques protectionnistes —, les prévisions de la banque d’investissement Beltone Financial indiquent une hausse des IED en Egypte, qui devraient passer de 7,7 milliards de dollars en 2017- 2018 à 8,2 milliards en 2018-2019. Les IDE contribuant fortement à booster la croissance selon les théories économiques, il était normal que la délégation égyptienne mette l’accent sur ce dossier, d’autant plus que le gouvernement vise 6,5 % de croissance pour l’exercice financier 2018-2019.

En marge du forum, le premier ministre égyptien, Moustapha Madbouli, a assisté à la signature d’un accord entre le ministère de l’Investissement et la société Lazard pour la gestion des actifs. Sahar Nasr a déclaré que l’objectif principal de la délégation égyptienne lors de l’édition de 2019 du forum était de présenter les opportunités d’investissement en Egypte et de booster les IED. « L’accord vise à bénéficier de l’expertise internationale dans la promotion des IED et après avoir étudié plusieurs offres, le gouvernement a estimé que Lazard était la société la plus adéquate »,

a-t-elle noté. La délégation égyptienne a par ailleurs présenté la réforme législative menée par Le Caire pour améliorer les affaires, entre autres la loi sur l’investissement, la loi sur le marché financier et la loi sur les entreprises. Une rencontre a aussi eu lieu avec la directrice administrative de la Banque mondiale, au cours de laquelle a été négocié l’octroi à l’Egypte d’une aide à hauteur de 3 milliards de dollars destinée au financement des secteurs prioritaires comme le développement du Sinaï, des infrastructures, et de l’agriculture. Le ministre des Finances, Mohamad Maeit, a, pour sa part, rencontré des chefs d’entreprises, des directeurs de banques d’investissements et de multinationales pour attirer de nouveaux investissements et étudier les moyens de parvenir à des modèles de financement nouveaux. Quant à la ministre du Tourisme, Rania Al-Mashat, elle a mis en évidence les atouts de l’Egypte en tant que destination touristique et l’intention de diversifier les pays pourvoyeurs de touristes, en se focalisant sur le marché asiatique.

« Avec 3 000 participants, parmi lesquels des patrons de multinationales, 65 chefs d’Etat et de gouvernement et des représentants d’organisations internationales, mais également des activistes et des watchdogs, l’Egypte a eu une bonne occasion de faire la promotion de son programme économique », a conclu Noaman Khaled, analyste auprès de la banque d’investissement CI Capital. Et d’ajouter que pour soutenir l’Egypte dans ses objectifs économiques, plusieurs acteurs se sont ralliés au gouvernement, notamment des banques d’investissement, qui sont actuellement à New York pour le même objectif de promotion.

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