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Un Fonds souverain pour attirer les investissements

Marwa Hussein, Mardi, 04 septembre 2018

Bien que l’Egypte ne dispose pas d’excédent commercial ou budgétaire, elle s’apprête à créer son premier Fonds souverain. Ce fonds vise à générer des richesses en exploitant les actifs non exploités de l’Etat et à impliquer le secteur privé.

Un Fonds souverain pour attirer les investissements
Le fonds investira initialement dans des secteurs prioritaires tels les produits pharmaceutiques. (Photo : Reuters)

L’Egypte prépare le lancement de son premier Fonds souverain suite à la loi ratifiée par le président le 21 août. Actuellement, Hala Al-Saïd, ministre de la Planification, a déclaré que le gouvernement est à la recherche d’un directeur exécutif pour le fonds.

« Une annonce sera bientôt publiée dans des journaux économiques internationaux pour trouver un directeur exécutif afin de pouvoir former son conseil d’administration », a dit la ministre dans un communiqué. Le fonds sera doté d’un capital de 200 milliards de livres égyptiennes (11,2 milliards de dollars). Il démarrera cependant avec un capital payé de 5 milliards de L.E., dont 20 % seront injectés par le gouvernement.

Fin juillet, le gouvernement avait signé un contrat avec un consortium consultatif pour préparer les règlements de base de ce Fonds souverain. Le consortium comprend les bureaux de Hany Sarie el-din&Partners, Price Waterhouse House Coopers et Baker McKenzie. Cette étape était intervenue quelques jours après l’approbation du parlement de la loi régissant le fonds et visait à préparer le système de fonctionnement du Fonds souverain égyptien, comme l’a déclaré Hala Al-Saïd.

« Le consortium choisi oeuvre actuellement à formuler les mécanismes de fonctionnement du Fonds souverain et devra les finaliser d’ici 3 semaines au maximum », a déclaré la ministre. Selon Al-Saïd, le consortium choisi aide le ministère à préparer les descriptions de poste (Job description) du directeur qui sera nommé pour la gestion du fonds. Une fois ces descriptions précisées, un concours aura lieu entre les candidats. Un comité composé de la ministre de la Planification et d’experts indépendants du secteur financier et économique prépare une liste restreinte de candidats à présenter au premier ministre pour choisir le meilleur.

La nouvelle arme d’investissements de l’Egypte cherchera à générer de la richesse supplémentaire à partir d’actifs publics sous-exploités plutôt que d’investir les revenus pétroliers et gaziers excédentaires, à l’instar des fonds souverains des pays du Golfe. Par contre, la loi stipule que le président de la République a le droit de transférer la propriété des actifs publics non utilisés au fonds ou à ses filiales, en se basant sur la proposition du premier ministre et le ministre concerné.

En cas d’actifs productifs, le premier ministre, le ministre des Finances et le ministre concerné seront également impliqués. La loi autorise en outre le fonds à collaborer avec des fonds souverains arabes et étrangers ainsi que des institutions financières. Le fonds peut créer seul, ou en partenariat, des entreprises, ou bien participer à la hausse du capital d’entreprises. Il peut également investir dans des actions, des instruments de dettes ou d’autres titres financiers en Egypte ou ailleurs. La loi autorise également le fonds à obtenir des crédits, lancer des obligations ou autres instruments de dette. Finalement, il a le droit de vendre, de louer et d’exploiter les actifs lui appartenant.

Un fonds sans excédent, est-ce possible ?

Dès avril dernier, Hala Al-Saïd avait déclaré que le fonds visait à utiliser les actifs non utilisés de l’Etat, estimés à quelque 3 000 actifs. Or, le fait que l’Egypte ne dispose pas d’excédent commercial ou budgétaire est un des points les plus controversés concernant la création du Fonds souverain égyptien. Le Centre égyptien pour les études économiques (ECES) a publié un papier à ce sujet. « En principe, les fonds souverains partout dans le monde investissent les excédents financiers soit de la balance commerciale, soit du budget étatique », notent les économistes auprès du centre qui dénoncent que le fonds est intitulé un fonds souverain, alors que l’Egypte souffre d’un déficit commercial et budgétaire.

« Le fonds sera un Fonds souverain national, plutôt qu’un fonds de maximisation de richesse », explique Ashraf Al-Ghazali, PDG de NI Capital, une filiale de la Banque nationale d’investissement (NIB). NI Capital a réalisé l’étude initiale pour établir le fonds en collaboration avec un groupe de bureaux de consultation spécialisés dans l’établissement de fonds similaires pendant deux ans avant que le projet de loi établissant le fonds ne soit présenté au ministère de la Planification.

Al-Ghazali explique que le Fonds souverain égyptien sera différent des fonds de maximisation de la richesse créés par les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite et la Norvège, qui dépendent des excédents de la vente de ressources naturelles telles que le pétrole et investissent dans le monde entier pour accumuler et préserver du capital. « L’Egypte n’a pas une telle richesse », déclare Al-Ghazali, ajoutant que le Fonds égyptien sera financé par une combinaison de contributions en espèces et en nature sous la forme de biens appartenant à l’Etat sous-exploités (terrains, bâtiments, usines, etc.), ainsi que d’entreprises et de propriétés qui peuvent être utilisées plus efficacement pour générer de meilleurs rendements

« Le Fonds souverain de l’Egypte se concentrerait sur le développement économique et chercherait à mobiliser les investissements du gouvernement et du secteur privé, ainsi que le financement d’autres projets de développement ciblés par la stratégie égyptienne de développement 2030 », explique-t-il.

A l’encontre des fonds des pays du Golfe, le Fonds égyptien n’investira qu’en Egypte et encouragera d’autres fonds à le faire conjointement avec le gouvernement.

Rôle important du secteur privé

Le Fonds souverain égyptien cherche surtout à attirer le secteur privé. « Il travaillera en partenariat avec le secteur privé pour investir dans une large gamme d’actifs, y compris des terrains et l’immobilier, ainsi que des participations dans des sociétés d’Etat à la valeur du marché », a indiqué la ministre de la Planification dans un entretien avec Bloomberg. « La présence du gouvernement en tant que co-investisseur dans des projets de grande infrastructure où le secteur privé ne se risquerait pas seul est également importante », estime Al-Ghazali, ajoutant que le modèle malaisien est le plus proche du cas de l’Egypte.

Il explique que « Khazanah », fonds de la Malaisie, a joué un rôle de gardien dans la gestion des actifs commerciaux du gouvernement et a investi dans des secteurs stratégiques et de haute technologie. « Le fonds malaisien détient les actifs commerciaux du gouvernement malaisien et effectue des investissements stratégiques au nom de la nation », raconte-t-il. Al-Ghazali pense que l’Egypte peut faire la même chose avec son nouveau fonds, ce qu’il décrit comme « attendu depuis longtemps », se référant au fait que l’Egypte est l’un des rares pays en Afrique qui ne dispose pas encore d’un fonds souverain jusqu’à présent. « Nous y pensons depuis longtemps, mais cela ne s’est jamais concrétisé », dit Ashraf Al-Ghazali.

Alors que le gouvernement sera entièrement propriétaire du fonds, le secteur privé sera autorisé à acheter des parts de plus de 50 % dans des sociétés. Hala Al-Saïd a aussi déclaré que le fonds investira initialement au niveau national dans des secteurs prioritaires tels que le tourisme, l’industrie manufacturière, la pétrochimie, les produits pharmaceutiques et l’agroalimentaire, qui pourraient avoir des rendements plus rapides, mais pourraient explorer plus tard des opportunités internationales. Le fonds dispose de son propre cadre législatif qui « donne la flexibilité nécessaire pour que le fonds et ses entités affiliées ne soient pas soumis à des réglementations bureaucratiques qui entravent les investisseurs en Egypte », a-t-elle ajouté.

Le fonds sera géré de manière indépendante et plusieurs fonds souverains et de grandes institutions financières ont manifesté leur intérêt à injecter des capitaux ou à fournir une expertise technique, a déclaré la ministre. « L’Autorité des investissements d’Abu-Dhabi et le Fonds d’investissement d’Oman ont contribué à la rédaction de la loi et fournissent un appui technique », a déclaré Al-Saïd.

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