Les banques privées ne se sont pas conformées à la décision de la BCE d'augmenter les taux d'intérêts sur les crédits.
L’octroi de crédits au sein de certaines banques a connu un ralentissement au cours des six premiers mois de cette année, malgré une bonne performance financière. « Bien que les banques aient réalisé de bons résultats financiers, elles souffrent des répercussions de la hausse des taux d’intérêt sur les crédits, qui ont légèrement augmenté à partir du début de l’année », explique à l’Hebdo Nancy Fahmy, analyste du secteur bancaire au sein da banque d’investissement Beltone Financial. La Banque nationale d’Egypte, première banque gouvernementale du pays, en est le meilleur exemple. « En raison de la hausse successive des taux d’intérêt sur les crédits et de l’augmentation vertigineuse des prix des automobiles — qui ont presque doublé —, les clients se sont abstenus d’emprunter auprès des banques pour financer l’achat de nouvelles voitures. Résultat : une chute des crédits mensuels alloués à l’automobile, dont le nombre est passé à 40 seulement, contre 500 avant la libéralisation des taux de change », indique à l’Hebdo un responsable au département des crédits à la consommation au sein de la banque gouvernementale ayant requis l’anonymat. La Banque nationale d’Egypte offre des crédits sur les automobiles allant de 20 000 à 750 000 L.E., avec un taux d’intérêt de 19 %, remboursables sur une période de 1 à 5 ans. Quant aux crédits personnels, la banque les offre avec un taux d’intérêt de 19,25 %, remboursables sur une durée de 1 à 10 ans. Cette banque ainsi que les autres banques publiques telles que la banque Misr ont été les premières à répondre aux recommandations de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) d’augmenter les taux d’intérêt sur les dépôts et les crédits. « Cela a eu pour conséquence la stagnation des crédits personnels, qui représentent 60 % du portefeuille des crédits à la consommation de la banque, pour se chiffrer à 26 milliards de L.E. pendant le premier semestre de 2017 », souligne le responsable au sein de la banque.
Depuis le flottement de la livre égyptienne face au dollar suite à la libéralisation du taux de change en novembre 2016, la BCE a décidé à trois reprises d’augmenter les taux d’intérêt sur les dépôts et l’emprunt. La première décision, prise en novembre, a consisté à augmenter les taux sur les dépôts et les crédits de 3 % pour les fixer respectivement à 14,75 % et 15,75 %. La deuxième hausse a eu lieu en mai, lorsqu’ils sont passés de 14,75 % à 16,75 % pour les dépôts et de 15,75 % à 17,75 % pour les crédits. Enfin, en juillet dernier, la BCE a fait une annonce surprise pour les milieux d’affaires en relevant les taux d’intérêt de 2 %. Les taux d’intérêt des dépôts sont alors passés de 16,75 % à 18,75 % et ceux des crédits de 17,75 à 19,75 %. A cela s’ajoute l’envolée du taux d’inflation, qui a dépassé le seuil des 30 % dès le début de cette année. Une hausse qui ne s’accompagne que d’une augmentation limitée des revenus et des salaires et qui rend la vie des Egyptiens et des Egyptiennes plus dure.
Les banques privées font la sourde oreille
Au moment où les banques publiques ont souffert des répercussions de la hausse des coûts de l’emprunt, les banques privées ont, elles, déployé des efforts pour minimiser les pertes en changeant parfois leurs stratégies d’investissement. Ainsi, certaines banques ont fait la sourde oreille face aux décisions d’augmenter les taux d’intérêt. Parmi elles, la CIB, qui a été la première à annoncer ses résultats le mois dernier, révélant une hausse de 15 % du portefeuille des crédits à la consommation, qui est passé de 15 milliards de L.E. en décembre 2016 à 17,7 milliards de L.E. en juin 2017. Quant aux crédits personnels, ils ont augmenté de 21 % pour atteindre 13 milliards de L.E. en juin 2017, contre 10 milliards de L.E. en décembre 2016. « La CIB fait exception à la règle. Pour faire face aux conséquences de la hausse des taux d’intérêt, la direction de la banque a adopté une nouvelle stratégie basée sur la croissance des outils d’investissement qui ne représentent pas un large fardeau sur les dépenses, tels que les comptes courants et les comptes d’épargne. Pour les premiers, la banque a baissé le montant nécessaire à l’ouverture d’un compte qui est passé de 5 000 à 2 000 L.E. seulement. Ainsi, la banque n’a pas augmenté les intérêts sur les crédits à la consommation », explique à l’Hebdo Taher Seif, analyste du secteur bancaire au sein de la maison de courtage Prime Securities. La CIB figure parmi la dizaine de banques privées, dont la banque libanaise Bloom, qui n’ont pas obéi aux décisions de la BCE d’augmenter les intérêts bancaires. « Ma banque ne va pas appliquer la décision de la hausse et la majorité des banques opérant en Egypte se sont, elles aussi, abstenues, afin d’éviter les retombées sur le climat d’investissement dans le pays », avait déclaré Hisham Ezz Al-Arab, PDG de la banque CIB et président de l’Union des banques, à la chaîne télévisée CBC suite à la dernière décision de la BCE. Autre exemple, la Qatari National Bank (QNB) a connu une hausse légère de son portefeuille des crédits à la consommation de 3,4 %. Celui-ci s’est ainsi chiffré à 11,8 milliards de L.E. en juin 2017, contre 11,3 milliards en décembre 2016. De même, ses résultats financiers révèlent une hausse des crédits personnels de 4,5 %, qui ont atteint 11,4 milliards de L.E. en juin 2017, contre 10,9 milliards en décembre 2016. Ces banques offrent des crédits avec des taux d’intérêt variant entre 13 et 14 % seulement. Or, Taher Seif prévoit un ralentissement au niveau des crédits à la consommation au sein des banques privées et publiques d’ici la fin de l’année. « Les conséquences de la hausse des coûts de l’emprunt seront plus significatives dans les résultats financiers des banques qui seront publiés à la fin de l’année », indique-t-il à l’Hebdo.
Quant aux crédits octroyés aux sociétés, ils n’ont connu qu’une légère hausse pendant les six premiers mois de l’année. Au sein de la banque CIB, ils ont augmenté de 7 % seulement, pour passer de 97 milliards de L.E. en décembre 2016 à 105 milliards de L.E. en juin 2017. « Aujourd’hui, les crédits accordés aux entreprises sont les plus touchés par la hausse des taux d’intérêt, qui ont presque doublé cette année. C’est pourquoi les entreprises ont renoncé aux crédits à long terme en faveur de crédits à court terme, afin de payer les salaires de leurs employés et financer l’achat de machines », explique Taher Seif. Même situation au sein de la banque QNB, où les crédits accordés aux entreprises ont augmenté de 11 % seulement pour se chiffrer à 80 milliards de L.E. en juin 2017, contre 72 milliards de L.E. en décembre 2016..
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