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Taux d’intérêt : Une arme à double tranchant

Névine Kamel, Mardi, 30 mai 2017

La Banque Centrale d'Egypte a décidé, contre toute attente, d’augmenter de 2 % les taux d’intérêt sur les dépôts bancaires. Une décision qui ne fait évidemment pas l'unanimité.

Taux d’intérêt : Une arme à double tranchant
Les citoyens se précipitent à transférer leurs fonds de la poste aux banques pour profiter de la hausse des taux d'intérêt.

La hausse des taux d’intérêt était une étape indispensable et importante qui est dans l’intérêt de l’économie égyptienne, et par conséquent, dans l’intérêt de la société en général. C’est ce qu’a tenu à confirmer le directeur de la Banque Centrale d’Egypte (CBE), Tareq Amer, dans une conférence de presse, le lendemain de la décision d’augmenter les taux d’intérêt de 2 %. Pour tenter de calmer la vive réprobation de la grande majorité de la population, le directeur a ajouté qu’il est « conscient que de telles décisions monétaires ne prennent pas en considération les intérêts de certaines catégories sociales, mais que cette décision s’inscrit dans un programme de réforme nécessaire à la reprise économique ». La semaine dernière, à la suite d’une réunion de 5 heures, la BCE a décidé d’augmenter de 2 % les taux d’intérêt sur les dépôts et les crédits, pour atteindre successivement, 16,75 % et 17,75 %. Une décision qui contredit toutes les prévisions qui semblaient confirmer un maintien des taux d’intérêt, notamment pour continuer à attirer les investisseurs.

Une mesure nécessaire

Cette décision, comme l’a expliquée la BCE dans son communiqué de presse, a pour but de freiner la courbe ascendante du taux d’inflation. Ce dernier avait enregistré des hausses successives au cours des 5 derniers mois, pour atteindre 32,9 % au cours du mois d’avril. Le taux d’inflation mensuel avait également enregistré des hausses successives. Chris Jarvis, chef de la mission du Fonds Monétaire International (FMI), a souligné que la BCE a pris une telle décision pour assurer la prospérité de toutes les classes sociales. « Nous avons confiance dans les outils de la BCE pour freiner l’inflation qui constitue un des premiers défis de la relance économique », a déclaré Jarvis.Selon la BCE, le taux d’inflation n’a pas encore pu récupérer de l’impact du flottement de la livre égyptienne, de la baisse des subventions pétrolières, de l’application de la taxe sur la valeur ajoutée et d’autres décisions du programme de réforme économique. La décision de la BCE d’augmenter les taux d’intérêt de 3 % après le flottement de la L.E. le 3 novembre dernier a réussi à ralentir l’inflation. « Continuer à absorber les liquidités sur le marché est le seul moyen de freiner la hausse de l’inflation et de réduire les répercussions des décisions du programme de réforme économique », a expliqué la BCE, soulignant son objectif d’aligner le taux d’inflation à 13 % au cours du dernier trimestre de 2018. En novembre dernier, le flottement complet de la L.E. avait fait régresser la valeur de la livre égyptienne vis-à-vis du dollar, pour que ce dernier enregistre une hausse de 100 % environ. Le prix de vente du dollar est actuellement d’environ 18 L.E.

Diversifier les sources de financement

Taux d’intérêt : Une arme à double tranchant

Les déclarations et les explications du directeur de la BCE ne répondent cependant pas à toutes les interrogations suscitées suite à la décision de la hausse des taux d’intérêt. Cette hausse va avoir un grand impact comme l’explique Hani Tewfiq, expert économique, car 1 % de plus sur les taux d’intérêt équivaut à une charge supplémentaire de 30 milliards de L.E. sur le budget. Le montant total de la dette interne est de 3 trillions de L.E.

Mohamad Fouad, membre du parlement, est du même avis. Ce dernier assure qu’une telle décision augmentera les services de la dette dans le nouveau budget et que le gouvernement, dont les ressources sont limitées, est incapable de faire face à une telle facture. Selon lui, le service de la dette, initialement prévu à 303,879 milliards de L.E., comme en 2015-2016, va passer à 380,986 milliards de L.E. au cours de l’année fiscale 2017-2018. Or, comme l’a confié à l’Hebdo un responsable du ministère des Finances, ce défi est pourtant à l’ordre du jour. « Notre objectif est de diversifier les sources de financement dédiées au budget au cours de la prochaine période. Sachant qu’emprunter à l’étranger reste l'une des solutions les moins onéreuses », précise-t-il, assurant qu’une série de décisions destinées à combler le déficit du budget va bientôt voir le jour.

Des investisseurs qui peinent

Les déclarations du gouvernement ne suffisent cependant pas à rassurer les investisseurs. Ces derniers voient d’un très mauvais oeil la décision de la BCE. « Une telle décision va augmenter le coût des activités économiques. Les investisseurs auront à payer plus cher leurs crédits, ce qui équivaut à une hausse indirecte des matières premières, des services et, par conséquent, des produits finis. Cette étape aura très certainement un impact négatif sur l’environnement des affaires en Egypte », assure Mohamad Farid Khamis, président de l’Association des investisseurs du 6 Octobre. Et d’ajouter : « Suite à cette décision, nous assisterons à des faillites et des fermetures successives de petites et moyennes entreprises. Les grandes usines pourraient elles aussi réduire leur production ». Selon lui, la hausse du taux d’inflation est due au flottement de la L.E. et non pas aux grandes liquidités : « La hausse des taux intérêt ne parviendra donc pas à réduire le taux d’inflation ».

Même son de cloche pour Mohamad El-Seweedy, président de l’Union des industries. D’après lui, la hausse des taux d’intérêt va alourdir le fardeau des industriels qui traversent de grandes difficultés depuis 2015. « Ces difficultés deviennent de plus en plus insupportables », conclut-il.

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