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Grandes promesses, faibles résultats

Gilane Magdi, Mardi, 25 septembre 2012

Le gouvernement table sur 20 milliards de dollars supplémentaires au cours des 5 prochaines années. Une somme qui semble surévaluée à la lumière de la situation actuelle.

Grandes promesses, faibles résultats

Pour relancer l’économie, l’Egypte a besoin d’investissements étrangers. Mais quel est le montant des capitaux qu’elle peut obtenir ? Depuis quelques semaines, le président Mohamad Morsi déploie des efforts intenses pour relancer l’investissement étranger.

Le chef de l’Etat s’est rendu depuis son élection dans une dizaine de pays, notamment en Chine, en Italie et en Turquie, où il a obtenu des promesses d’aides à hauteur de 12 milliards de dollars et une vingtaine d’autres milliards sous forme d’accords commerciaux et d’investissements.

Morsi a rencontré au Caire des investisseurs des Etats-Unis, du Qatar, de l’Arabie saoudite et du Koweït. Cependant, les responsables de la coopération internationale et de l’investissement ne s’attendent qu’à un dixième des aides promises. D’abord, parce que Morsi s’est fait accompagner par certaines figures de l’ère Moubarak. Or, pour les investisseurs étrangers, il s’agit là d’un message signifiant qu’il n’y aura pas de changement au niveau de la lutte contre le manque de transparence, même si certains considèrent ce signe comme un gage de stabilité.

Mais même à supposer que ce facteur n’ait aucune influence négative, rien ne garantit que l’Egypte obtiendra toutes les aides promises. « Il ne s’agit que de promesses qui ne seront réalisables que sur le long terme », explique à l’Hebdo Hani Guéneina, directeur du département des recherches au sein de la banque d’investissement Pharos Securities.

Certains investisseurs expriment aussi des inquiétudes à l’égard de certaines législations en vigueur, notamment la loi sur le travail ou celle se rapportant aux prix de l’énergie. Par ailleurs, l’instabilité politique qui sévit toujours en Egypte décourage certains pays. « Nous avons un exemple clair avec les Etats-Unis qui ont bloqué cette semaine des négociations sur l’échange des dettes à hauteur d’un milliard de dollars en réaction aux manifestations populaires devant l’ambassade américaine au Caire contre le film anti-islam », note Guéneina. Selon lui, une réaction similaire pourrait venir de la France si des manifestations éclataient à cause des dessins jugés blasphématoires publiés récemment à Paris. « Dès qu’il y a eu une mauvaise nouvelle, l’investisseur revoit sa décision », renchérit Guéneina.

Jusqu’à présent, seules les promesses de la Chine, de l’Italie et du Qatar paraissent sérieuses. Selon le ministre de l’Investissement, Ossama Saleh, Le Caire et Pékin se sont mis d’accord sur la création d’une zone industrielle au nord du Golfe de Suez pour un montant de 1,5 milliard de dollars, afin de créer 650 000 emplois. Une société chinoise des fibres de verre, Jushi, va par ailleurs inaugurer sa première filiale au Caire avec des investissements de 650 millions de dollars.

Le Qatar promet 20 milliards

Quant au Qatar, il va placer un dépôt de 2 milliards de dollars à la Banque Centrale d’Egypte pour soutenir les réserves monétaires, et ceci en 4 tranches. La première a déjà était versée.

Le Qatar a aussi promis d’injecter 18 milliards de dollars dans l’économie égyptienne au cours des 5 prochaines années. 8 milliards seront injectés dans des projets d’énergie électrique et une usine de fer. Quant au reste du montant, il sera consacré à la création d’une ville touristique sur la Méditerranée. « Ces projets sont déjà à l’étude. Nous avons signé des mémorandums avec le côté qatari en vue de leur mise en œuvre. Dès que la phase d’étude aura pris fin, un appel d’offres sera lancé à tous les investisseurs et pas seulement aux Qatari », souligne Ossama Saleh.

Quant à l’Italie, le ministre de l’Investissement a affirmé à l’Hebdo que des accords d’un milliard d’euros ont été signés dans le domaine du commerce et de l’investissement. « Une délégation italienne visitera Le Caire en novembre pour chercher des opportunités d’investissement », renchérit-il.

Les autres pays ont fait part de promesses sans fixer de dates. Il s’agit notamment de la Turquie, qui a promis 2 milliards de dollars d’aide pour soutenir les réserves monétaires et financières des projets d’infrastructure. « Notre objectif est de réaliser des investissements de 276 milliards de L.E. (46 milliards de dollars), dont 170 milliards (28,3 milliards de dollars) dans le secteur privé », a annoncé le ministre des Finances, Momtaz Al-Saïd.

Pour réaliser cet objectif, la délégation officielle qui a accompagné le président Morsi a proposé aux investisseurs étrangers une série de projets dont des partenariats public/privé. « Les projets PPP (partenariat public/privé) constituent le pilier de la croissance économique. Nous avons proposé 15 projets PPP aux investisseurs, notamment dans les domaines des infrastructures, des routes, des écoles et de la santé », ajoute Al-Saïd.

Manque de transparence

Pour Guéneina, il y a peu de chance que, dans les conditions actuelles, les investisseurs étrangers se lancent dans des partenariats à long terme avec le gouvernement, notamment parce que le système de fixation des prix n’est toujours pas clair. « Il faut d’abord régler ce problème et apporter des changements à ce système pour encourager les investisseurs. Contrairement aux partenariats public/privé, les projets d’investissements privés-privés seront plus faciles à mettre en œuvre au cours de la prochaine période », affirme Guéneina.

Un avis partagé par plusieurs hommes d’affaires égyptiens qui faisaient partie de la délégation officielle du président Morsi dans sa tournée à l’étranger. C’est le cas de Mohamad Al-Seweedy, membre de l’Union des industries, qui affirme à l’Hebdo que les hommes d’affaires italiens avaient des demandes très précises. « Bien qu’ils comprennent parfaitement que l’Egypte traverse une période transitoire, leur première exigence est la stabilité politique », dit Al-Seweedy.

La transparence et la fixation claire des prix de l’énergiereprésentent, selon lui, la deuxième condition. « Les 70 sociétés que nous avons rencontrées ont assuré ne pas être inquiètes de l’augmentation des prix de l’énergie, mais elles veulent qu’ils soient fixés en transparence pour déterminer le coût de l’investissement avant d’entrer sur le marché », renchérit-il. Le rapport ouvriers-patronat a été aussi parmi les sujets inquiétants, étant donné la multiplication des revendications sociales en Egypte après la révolution.

Cette opinion est partagée par l’homme d’affaires qatari Ahmad Abdel-Moëz, qui regrette que les sociétés immobilières qatari aient besoin d’un à deux ans pour obtenir une licence. Pour régler ce type de problèmes, le ministre de l’Investissement a déclaré que le dossier des licences faisait actuellement l’objet d’un examen. « La Banque mondiale nous fournit un soutien technique pour recenser les problèmes qui entravent la fourniture des licences aux investisseurs et c’est ce que nous faisons »,a affirmé le ministre. Pour attirer les investisseurs, il ne suffit pas de leur dérouler le tapis rouge, il faut surtout changer certaines législations de l’ère Moubarak l

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