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FMI: Les manoeuvres de l’Egypte

Salma Hussein, Lundi, 15 avril 2013

La visite en Egypte d’une délégation de l’institution internationale s’achève ce mercredi après des négociations sur un prêt, entamées depuis plus de deux ans. Mais le débat sur les modalités d’obtention de l’aide s’est enflammé. Dossier.

Morsi

Alors que la première semaine de la visite de la délégation du FMI en Egypte a été marquée par des protestations contre l’endette­ment extérieur, la seconde a été celle des surprises avec les ruses du gou­vernement égyptien pour décrocher l’approbation du créditeur quant à son programme de réforme.

La plus récente a été l’accord avec le Qatar, qui permet à ce riche petit émirat du Golfe d’injecter dans l’éco­nomie égyptienne 3 milliards de dol­lars. Et cela par l’achat de bons du Trésor égyptien en dollars à maturité de 18 mois et pour un taux d’intérêt de 4,5 %. Le lendemain, un prêt libyen de 2 milliards sans intérêt a été annon­cé, remboursable sur cinq ans avec une période de grâce de trois ans.

Ces bouées de sauvetage arabes donnent un peu de souffle aux diffi­ciles négociations en cours avec le FMI, en raison de la chute libre des réserves internationales qui couvrent désormais moins de trois mois d’im­portations. L’Economist Intelligence Unit, un institut de recherches britan­nique, estime que ce type d’aide per­mettra de « réduire les pressions sur le gouvernement égyptien et de conclure un accord avec le FMI ».

Le Qatar avait déjà offert 5 milliards de dollars à l’Egypte après la révolu­tion, dont une partie sous forme de dépôts auprès de la Banque Centrale et une autre par un don non rem­boursable (voir page 15 pour la réaction du gouvernement).

L’autre développement inter­venu lors de la dernière semaine de négociations a choqué plus d’un. Le Conseil consultatif, qui bénéficie provisoirement du pou­voir législatif, a refusé de nou­velles taxes sur les gains du capital proposées par le gouver­nement afin d’accroître les recettes fiscales de l’Etat. « Ce refus a perturbé les négociations avec les experts du FMI », révèle l’un des négociateurs égyptiens. Pour éviter une autre surprise du même genre, le gouvernement étudie un moyen d’obtenir le prêt du FMI sans passer par le Conseil consultatif, car la Constitution stipule que les dettes extérieures doivent être approuvées par le Parlement. Ainsi, le gouverne­ment voudrait décrocher le prêt du FMI sous forme de dépôts bancaires à la Banque Centrale, une procédure appliquée avec l’aide apportée par le Qatar en 2012 et 2013. Les règles du Fonds monétaire ne s’opposent ni à ce manque de transpa­rence, ni au contournement des obli­gations démocratiques car chaque pays décide du traitement de sa dette. Le gouvernement va ainsi sacrifier la transparence et la discussion des réformes avec les représentants du peuple, afin de précipiter le prêt et d’éviter toute opposition populaire.

Une spirale d’endettement

Un autre développement a été révé­lé lors de ce marathon de négocia­tions. Il s’agit de la hausse du montant du prêt négocié, qui atteint 6,3 mil­liards de dollars contre 4,8 milliards initialement sollicités. Depuis la révo­lution, le pays s’est lancé dans une spirale d’endettement étranger qui est passé en deux ans de pratiquement presque 6 à 38,8 milliards de L.E. Il est prévu que ce montant s’élève à 60 milliards de dollars vers la fin de 2013, selon la banque d’investisse­ment EFG-Hermes. Ce gros appétit pour l’endettement extérieur a été contesté par des activistes et des partis d’opposition.

Le Courant populaire, présidé par l’ex-candidat à la présidence Hamdine Sabbahi, a organisé un colloque regroupant des écono­mistes de toutes les tendances d’opposition et des Frères musulmans pour discuter du programme de réforme écono­mique basé sur le développe­ment des secteurs agricole et industriel. Sabbahi qui a rencon­tré le chef de la mission du FMI, le 13 avril, a rejeté que les impli­cations économiques liées au prêt touchent les couches pauvres et la classe moyenne. Dans un communiqué de presse, il a ajouté : « La dette ne doit pas être utilisée dans un objectif imposé par le FMI, mais doit plutôt financer des petits projets agricoles au même taux d’inté­rêt (de 1,3 %)».

Par ailleurs, un autre ex-candi­dat présidentiel de gauche, Khaled Ali, a intenté un procès pour freiner la conclusion de l’accord avec le FMI, tant qu’il n’y a pas de Chambre basse du Parlement (les élections législatives doivent avoir lieu en octobre prochain selon le président Morsi). Une marche regroupant des activistes anti-dettes a également appelé à adopter des réformes contraires à celles proposées par le FMI et plus penchées sur la justice sociale.

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