
Le gouvernement veut rationaliser la consommation du pain tout en maintenant le prix.
(Photo: Reuters)
Les propriétaires de boulangeries de pain subventionné ont manifesté plusieurs fois ces deux dernières semaines pour contester un plan gouvernemental visant à libéraliser les prix de la farine. Le ministère a, en effet, annoncé le 14 mars un plan de libéralisation des prix de la farine servant à produire le pain subventionné. L’idée du gouvernement est de subventionner le produit final, soit la galette de pain, au lieu de subventionner la farine qui sera vendue aux boulangeries au prix du marché. Ce qui devrait faire passer de 16 à 286 L.E. le prix du sac de farine de 100 kg vendu aux boulangeries. Le gouvernement devra ensuite acheter les galettes à 34 piastres l’unité pour les vendre aux citoyens au prix d’aujourd’hui, soit 5 piastres.
Les boulangeries ne contestent pas le plan en soi, mais rejettent le prix de production fixé par le gouvernement. Selon les calculs du ministère de l’Approvisionnement, le coût de production de 1 050 galettes de pain produites avec 100 kg de farine est de 80 L.E. alors que les boulangeries affirment qu’il est de 120 L.E., et exigent 40 piastres par galette au lieu de 34. « Nous sommes d’accord avec le principe de libéralisation de production du pain, nous avons même plaidé longtemps pour l’adoption de ce système ... mais pas dans ces conditions ! Avec les prix que le gouvernement impose, les boulangeries vont accumuler les pertes », déclare Abdallah Ghorab, à la tête de la division des propriétaires des boulangeries auprès de l’Union égyptienne des Chambres de commerce.
Les propriétaires de boulangeries rappellent que la pénurie de gasoil qui frappe le pays depuis près de 2 mois a affecté le coût de production, puisqu’il est subventionné et vendu sur le marché noir à quelque 40, voire 50 L.E. le jerrican de 20 litres contre 22 L.E. officiellement. Les pannes d’électricité devenues fréquentes ont de plus affecté les boulangeries. « En cas de panne d’électricité, les galettes en préparation sont perdues, ce qui provoque des pertes », dit-il. Le ministre de l’Approvisionnement, Bassem Ouda, a déclaré de son côté que la majorité des boulangeries acceptaient le nouveau système. Il a ensuite menacé de poursuivre en justice celles ayant cessé leur production.
Marché noir et trafic
Dans le passé, le gouvernement a toujours accusé les propriétaires de boulangeries de vendre la farine subventionnée au marché noir pour augmenter leurs profits. A chaque pénurie de pain, le gouvernement accusait le marché noir, et des cas de trafic de farine subventionnée ont été découverts ces dernières années. « Certains propriétaires de boulangeries appellent à des grèves et des sit-in dans l’espoir de voir le nouveau système échouer et continuer à vendre la farine subventionnée sur le marché noir », déclare Nasser Al-Farrach, conseiller du ministre, en insistant sur le fait que le nouveau plan sera mis en vigueur.
Un responsable de la société publique des boulangeries pense à son tour que les demandes du secteur privé sont exagérées. « La vente de la farine subventionnée sur le marché noir s’est répandue. Les boulangeries vendent le sac à 180 L.E. alors qu’elles l’achètent au gouvernement à 16 L.E. Elles veulent des profits faciles », estime-t-il. « Nous voulons la libéralisation de la farine pour en finir avec le trafic de farine, mais nos affaires ne vont pas tenir avec ces prix imposés par le gouvernement, qui sont irréels », insiste Ghorab. Il refuse la menace de pénaliser les boulangeries qui n’obéiraient pas. « Cette politique ne peut pas aboutir. Le gouvernement menace d’annuler les permis des boulangeries. Allez chercher les prix des différents éléments qui entrent dans la production et vérifiez si les prix exigés par les boulangeries sont vrais ou faux », lance-t-il aux responsables.
Système de cartes
Le gouvernement n’a pas attendu l’approbation des boulangeries et a introduit le nouveau système, selon les prix qu’il a lui-même fixés dans près de 1 500 boulangeries, sur un total de 25 000 dans le pays. Il a aussi annoncé l’introduction d’un système de cartes à puce pour rationaliser la consommation du pain subventionné. Les cartes seront introduites dans les villes de Port-Saïd et Port-Fouad, qui ont connu récemment de sévères manifestations contre le président Morsi. « Le gouvernement impose sa politique par la force, certains propriétaires de boulangeries craignent d’être pénalisés », insiste Ghorab. Il révèle que la Chambre de commerce présentera bientôt un mémorandum au premier ministre alors que le ministre a manqué une réunion avec des représentants des boulangeries, qui était prévue la semaine dernière. Dans l’un de ses discours, le président de la République avait estimé que 3 galettes par jour et par personne seraient suffisantes, ce qui avait provoqué un tollé, car le pain est une source essentielle d’alimentation pour les Egyptiens.
A ce jour, le pain subventionné reste disponible sur le marché à un prix inchangé depuis les années 1980 en raison d’une politique d’intervention de l’Etat pour le stabiliser. Les subventions du pain doivent atteindre quelque 16,2 milliards de L.E. dans le budget de l’Etat pour l’an 2012/2013.
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