La superficie des terrains réservés à la culture du coton a témoigné cette année d’une baisse considérable, la plus importante depuis l’introduction de cette culture en Egypte au début du XIXe siècle. En 2016, les agriculteurs égyptiens ont cultivé quelque 100 000 feddans de coton (1 feddan = 0,42 hectare et environ une acre) contre environ 300 000 feddans en 2015. Un rétrécissement qui se maintient pour la troisième année consécutive, alors que cette année la chute a été considérable.
« La détérioration a également atteint la qualité du coton », déplore Nabila Sintrice, présidente de l’Association des exportateurs du coton d’Alexandrie (ALCOTEXA). Raison : la décision en 2015 du ministre de l’Agriculture de ne plus subventionner le coton et de se décharger de son marketing.
En 2014, le gouvernement avait accordé aux agriculteurs des subventions directes de 1 400 L.E. par feddan. En échange, le gouvernement a fixé un prix d’achat de 1 250 L.E. pour le quintal (1 quintal = 45 kilos) pour le coton à fibre longue et de 1 150 L.E. pour les fibres courtes. Ces prix, estimés trop bas, n’ont été annoncés qu’en mai 2015, alors que la saison de la culture du coton est entre février et mai.
« Il fallait fixer un prix plus élevé pour encourager les agriculteurs à cultiver du coton de bonne qualité. En plus, souvent, le gouvernement ne respecte pas les prix qu’il a lui-même fixés, et propose des prix inférieurs », ajoute Sintrice. « Les agriculteurs ont donc opté pour la culture des céréales, de loin plus rentables », regrette-t-elle.
« Cette année, nous avons surtout exporté 600 000 quintaux des stocks restant de la production de l’année passée. La production de 2015/16 était de très mauvaise qualité, ce qui a considérablement réduit les exportations », souligne Sintrice.
Selon les différents acteurs, pour sauver le coton égyptien, il faut le subventionner, élever sa productivité et fournir aux cultivateurs le soutien technique nécessaire.
Le ministère de l’Agriculture dit pour sa part avoir reconsidéré sa politique. « Il y avait des perturbations dans les politiques adoptées mais nous avons ajusté le système », dit Eid Hawash, porte-parole du ministère. Ce dernier a annoncé que les coopératives vont depuis l’année prochaine se charger du marketing du coton. En plus, le ministère va dès 2017 distribuer lui-même les grains pour s’assurer de leur qualité. « Nous préparons des quantités de grains suffisantes pour la culture de 500 000 feddans en 2018 », dit Hawash, estimant que la superficie des cultures du coton prévue pour l’année prochaine est de 350 000 feddans.
Exportations en baisse
Sans surprise, les exportations du coton ont décliné de 54,2 % entre décembre et février 2015/16, par rapport à la saison précédente, selon les statistiques de l’Organisme central de mobilisation et de statistiques (CAPMAS), se limitant à 112 400 quintaux. La consommation locale a connu une baisse de 56,6 % au cours de la même période, se chiffrant à 76 400 quintaux contre 175 800 la saison précédente. « Etant donné que plusieurs filatures locales n’opèrent plus », souligne le rapport du CAPMAS sur les exportations du coton, publié en mars.
« Les Etats-Unis, l’Inde, la Chine, le Pakistan, entre autres, subventionnent leur coton et augmentent leurs parts du marché, alors que le coton égyptien recule », se lamente Mohamad Négm, professeur à l’Institut des recherches du coton. Il ajoute que l’un des problèmes est l’arrêt des programmes d’orientation qui étaient dispensés par le ministère de l’Agriculture aux agriculteurs.
« Nous avions un cycle agricole précis surveillé par le ministère, maintenant, il n’est plus respecté. Par exemple, les betteraves ont été récemment introduites dans le Delta. Or, cette culture épuise le sol et affecte le rendement de la saison du coton », explique Négm. Il assure qu’il existe plein de recherches sur le coton et l’amélioration de sa qualité, mais le problème est dans leur mise en application.
Une denrée peu lucrative
Cheikh Abdel-Alim, un agriculteur du gouvernorat de Daqahliya dans le Delta, a cultivé du coton pendant une quarantaine d’années. Depuis environ 7 ans, il s’est orienté vers la culture des légumes. « Ma région était considérée autrefois comme un centre de culture du coton, mais cette année, presque personne n’a cultivé de coton », dit-il. Il explique que le coût de cultiver un feddan s’élève à 6 000 L.E., et que la productivité moyenne d’un feddan est d’environ 7 quintaux. « Avec les prix actuels, la culture du coton n’est plus lucrative », considère-t-il.
Plusieurs partagent ces craintes de voir la culture du coton égyptien se détériorer davantage. « La culture du coton va bientôt disparaître », renchérit Gamal Siyam, professeur d’économie agricole à l’Université du Caire. « Une hausse de la productivité du feddan à 10 quintaux pourrait redresser la situation », prône-t-il. Il appelle le gouvernement à subventionner la culture du coton, ne serait-ce que provisoirement, jusqu’à la réalisation de cet objectif. « Le budget des recherches agricoles est de 3 millions de L.E. par an, réparti sur 16 centres qui s’occupent d’un nombre équivalent de denrées. Or, le coton à lui seul a besoin d’un budget pareil », conclut Siyam.
ADN : Coton égyptien
Sauver le coton égyptien nécessite des efforts au niveau de la production, du marketing, mais aussi de la qualité, étant donné les plaintes concernant la qualité de certaines fibres exportées.
Grâce à un programme d’authentification du coton égyptien, lancé par l’Association Cotton Egypt et l’Association des exportateurs du coton, ALCOTEXA, avec le ministère de l’Industrie et du Commerce, ce programme permet de déterminer si la fibre, voire le produit final est de fabrication égyptienne, et ce, grâce à une technique d’identification basée sur l’ADN.
« C’est un outil précieux qui a été mis à notre disposition en 2015 grâce aux experts du Centre de recherches sur le coton », dit Khaled Shuman, directeur exécutif de Cotton Egypt Association. « Cela nous a permis de relever des échantillons provenant des chaînes de vente à travers le monde. Et nous avons découvert que près de 90 % des produits sur les étagères en Europe, aux Etats-Unis ou en Australie portant le label coton égyptien ne sont pas fabriqués à partir du coton égyptien », poursuit-il.
En conséquence, plusieurs chaînes ont changé de fournisseurs. « Certaines comme Zara Home réclament maintenant à leurs fournisseurs un certificat du test DNA avant l’exportation », ajoute Shuman.
Il espère que cette mesure pourra aider à redresser la situation du coton égyptien en augmentant la demande sur les marchés internationaux l
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