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Chris Jarvis : L’Egypte doit assurer le reste du financement de son programme de réforme

Névine Kamel, Mardi, 16 août 2016

Chris Jarvis, chef de la mission du FMI en Egypte, a quitté Le Caire après une visite de deux semaines. Il souligne les points essentiels des négociations avec le gouvernement pour le versement d'un crédit de 12 milliards de dollars.

Chris Jarvis : L’Egypte doit assurer le reste du financement de son programme de réforme
Chris Jarvis

Al-Ahram Hebdo : La mission du FMI a passé deux semaines en Egypte pour négocier avec le gouvernement de son programme de réforme économique. Quels sont les dossiers les plus importants passés en revue ?

Chris Jarvis : Les négociations avec le gouverne­ment égyptien au cours des deux dernières semaines ont été intenses et ont concerné une variété de dos­siers du programme de réformes relatif aux aides du gouvernement pour promouvoir l’économie égyp­tienne. Nous avons discuté de la nécessité de la réduction du déficit budgétaire, de l’ampleur de la dette publique, de la libéralisation du taux de change et de la baisse de l’inflation. Nous avons souligné l’importance de créer un système fiscal capable de générer des revenus pour enrichir les ressources du gouvernement ; la TVA est la pre­mière étape. Nous avons parlé de la libéralisation des prix de l’énergie, le gouvernement a un pro­gramme planifié dont le calendrier est respecté. Nous avons traité de la libéralisation des prix de l’électricité, qui sera suivie par d’autres étapes selon les priorités du gouvernement.

Avez-vous reçu des dates précises concer­nant ces réformes, en particulier la libéralisa­tion des taux de change, l’application de la TVA et la rationalisation de l’énergie ?

— Oui. Le gouvernement possède un calen­drier précis pour les différents articles du pro­gramme de réforme. En ce qui concerne l’appli­cation de la TVA, selon le programme du gou­vernement, elle sera mise en application une fois approuvée par le parlement, et cela est pour bientôt. Quant à la libéralisation du taux de change, le gouvernement vise à prendre des étapes vis-à-vis de ce dossier au cours des prochains mois. Il s’agit en fait d’aboutir à un taux de change plus flexible. Le citoyen sera en mesure d’obtenir un taux fixe de dollar bientôt, le même dans les banques et sur le marché noir. La libéralisation des prix de l’énergie est une priorité pour le gouverne­ment. Les premières étapes ont déjà été lancées et nous ne sommes pas inquiets en ce qui concerne les pro­chaines. Mais le gouvernement ne préfère pas toucher aux classes à faibles revenus maintenant, et nous apprécions cela.

L’agence de notation Fitch a exprimé son inquiétude, dans un rapport publié lors de votre visite au Caire, quant à la capacité de l’engagement de l’Egypte à mettre en oeuvre le programme de réforme économique. Qu’en pensez-vous ?

— Je ne suis pas inquiet au sujet de la capacité du gouvernement égyptien à mettre en oeuvre les réformes annoncées dans le programme. Le gou­vernement avance à pas sûrs dans le programme. Il a également bien précisé ses priorités et fixé son calendrier. Plus important encore, le pro­gramme de réforme est fortement soutenu par la direction politique, ce qui garantit une mise en oeuvre de ces étapes.

Chris Jarvis
Le ministre des Finances, le gouverneur de la BCE et Jarvis lors de la conférence de presse.

— L’Egypte affronte une grave crise finan­cière. Comment le gouvernement réussit-il à la surmonter ?

— L’Egypte a besoin de deux élé­ments principaux pour surmonter la crise. Le premier est la formulation d’un programme solide et sérieux de réformes, et cela existe. Le second est d’être soutenu par les institutions inter­nationales telles que le FMI et la Banque mondiale ainsi que ses parte­naires commerciaux, ce qui est égale­ment possible en raison de l’impor­tance de l’Egypte dans la région.

Avez-vous discuté de la mise en oeuvre de la taxe sur les plus-values boursières ?

— Non, nous n’avons pas traité ce sujet, ce n’était pas important. Mais nous savons que, selon le programme du gouvernement, elle sera mise en vigueur au début de l’année fiscale 2017/2018.

Il a été mentionné que la mission du FMI a demandé au gouvernement de licencier 2 millions de fonctionnaires. Qu’en est-il au juste ?

— C’est faux. Ce dossier n’a même pas été ouvert lors des négociations, et il n’est pas nor­mal que nous présentions une telle demande au gouvernement. Il semble qu’il y ait une autre mission du FMI en Egypte que nous ne connais­sons pas, et qui a transmis à la presse ces infor­mations !

Le FMI et le gouvernement ont abouti à un accord primaire pour un prêt de 12 mil­liards de dollars. Le conseil d’ad­ministration du FMI peut-il encore refuser l’octroi du cré­dit ?

— Aux Etats-Unis, la mission rédigera un rapport et le transmet­tra au conseil d’administration du FMI qui, à son tour, prendra sa décision d’approuver ou de refuser ce crédit. Mais la position de l’Egypte est solide vu son pro­gramme bien défini. Avant l’appro­bation du conseil d’administration, ce dernier doit s’assurer de l’octroi de la somme complète nécessaire au finance­ment du programme. C’est-à-dire que les insti­tutions financières, telles que la Banque mon­diale et la Banque africaine de développement ainsi que les partenaires bilatéraux, soutiennent financièrement le gouvernement. Les deux pre­miers se sont engagés vis-à-vis de l’Egypte. Le FMI aidera aussi le gouvernement au cours des semaines prochaines pour garantir un finance­ment de 5 à 6 milliards de dollars de ses parte­naires bilatéraux. Comme tous les programmes soutenus par le FMI, l’Egypte doit assurer le reste du financement de son programme de réforme dont la valeur est de 21 milliards de dollars.

— Et si le financement n’est pas assuré, le crédit ne sera-t-il pas approuvé ?

— Le financement complet doit être assuré pour que le prêt soit approuvé.

L’allocation de la première tranche du prêt est prévue pour quand ? Quelle sera sa valeur et qu’en est-il du reste ?

— La première tranche sera versée au cours des prochaines semaines. Elle sera divisée en deux parties. La première sera d’une valeur de 2,5 milliards de dollars. Quant à la deu­xième, elle sera versée en mars pro­chain, également divisée en deux par­ties, 2,5 milliards et 1,5 milliard. Pour la troi­sième tranche, rien n’est encore précisé.

Le taux d’intérêt du prêt est-il décidé ?

Le taux d’intérêt dépend de la valeur du prêt, et du panier des devises du FMI. Mais il tourne autour des 1,5 %.

Un des objectifs du prêt du FMI est la réduction du déficit budgétaire, de la dette et de l’inflation. Un objectif difficile à réaliser avec l’application de la TVA et la dévaluation de la L.E. Comment réussir une telle équation ?

Ce n’est pas difficile. La TVA, par exemple, engendrera des revenus supplémentaires. De même, la dévaluation, si elle augmente la fac­ture des importations, elle contribue en même temps à la hausse de la facture des exportations. Bref, ces mesures sont capables de réaliser les objectifs annoncés par le gouvernement et de réduire le déficit budgétaire à 5,5 % ainsi que la dette pour atteindre 88 % du PIB. Sur le plan social, le gouvernement a élaboré des pro­grammes sociaux pour protéger les classes à faibles revenus.— Le gouvernement a proposé un taux de 14 % pour la TVA. Ce taux est-il convenable étant donné qu’il est inférieur au niveau observé à l’international ?

— 14 % est un taux convenable pour l’Egypte si les exemptions dans la loi ne sont pas nom­breuses.

— Pensez-vous que les exemptions suggé­rées par le gouvernement soient trop nom­breuses ?

Nous n’avons pas du tout traité de ce sujet avec le gouvernement. C’est une question interne et nous sommes certains que le gouvernement et le parlement aboutiront à une juste formule.

— Est-il vrai qu’une fois le prêt approuvé, le FMI surveillera la performance du gouver­nement de l’intérieur ?

— Non, cela est faux.

— Le gouvernement a-t-il résisté à la divul­gation du budget des hausses institutions de l’Etat ?

— Cette question ne nous intéresse pas et nous n’avons pas à demander au gouvernement de nous présenter ces chiffres.

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