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Dollar : La Livre Egyptienne enfin dévaluée

Névine Kamel, Mardi, 15 mars 2016

La Banque Centrale d'Egypte (BCE) a décidé une dévaluation de 13 % de la livre égyptienne face au dollar. Le prix officiel du dollar est maintenant de 8,95 L.E. Une série de mesures accompagne cette décision.

Dollar : La Livre Egyptienne enfin dévaluée
Le prix officiel du dollar a atteint 8,95 L.E.

La décision a longtemps été attendue. La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a procédé à une dévalua­tion de la livre égyptienne lundi dernier, par un lancement excep­tionnel de 200 millions de dollars au prix de 8,85 L.E. le dollar, des­tiné aux banques. Celles-ci, à leur tour, ont vendu le dollar à 8,95 L.E., soit une hausse de 13 %. La BCE a de plus décidé de lancer, à travers les deux banques publiques, Al-Ahly et Misr, des certificats en L.E. à un taux d’intérêt de 15 % — alors le maximum proposé était jusque-là de 12,5 % — pour encourager les dépôts en L.E. Une offre disponible pour 2 mois, à compter de lundi dernier.

De même, le gouvernement a décidé de figer le prix du dollar et de l’euro pour les détenteurs de bonds du trésor et d’obligations, afin de les protéger des fluctuations. « Ces mesures visent la stabilité du marché des changes en Egypte, l’installation d’un climat encoura­geant les investissements et la relance de l’économie », expliquait lundi dernier Tareq Amer, gouverneur de la BCE, dans un communiqué, suite à ces déci­sions. Il ajoute : « L’Egypte a affronté plusieurs défis ces derniers temps avec la baisse du tou­risme, des exportations, des transferts des expatriés, de l’investissement, etc. Bref, toutes les ressources procurant des devises étran­gères. Le marché noir et les spéculations ont également aggravé la situation. La BCE a donc dû intervenir pour contrôler le marché et a décidé d’adopter une politique plus flexible en orientant le taux de change. Nous visons 25 milliards de dollars de réserves fin 2016 ».

Mercredi dernier, la BCE a de plus décidé de supprimer le plafond des dépôts en dollars pour les particuliers. Depuis février 2015, un plafond quotidien de 10 000 L.E. et 50 000 L.E. men­suel était appliqué. Même chose pour les entre­prises. La BCE était intervenue début février, une première fois, pour le faire passer à 250 000 L.E. pour les entreprises, et à un million de dollars deux semaines après. « Nous assistons à un tournant dans la gestion de la politique monétaire en Egypte », révèle à l’Hebdo Riham Al-Dessouqi, experte en questions écono­miques. Elle ajoute : « Cette série de décisions de la BCE est une étape sur la bonne voie. Mais la réussite est liée à la capacité de la BCE à fournir des liquidités sur le marché ».

« Gifle au marché noir »

« La BCE a donné une gifle aux spéculateurs et au marché noir », estime, pour sa part, Hani Guéneina, président du département des recherches auprès de la banque d’investisse­ment Beltone Financial, en qualifiant la straté­gie du gouverneur de la BCE de « coup de maître ». Ce qui n’est pas faux. Sur le marché noir, le dollar s’échangeait, suite à la dévalua­tion, à 8,95 L.E. Comme le cours officiel.

Malgré les diverses interventions précédentes de la BCE pour stabiliser le dollar, le marché noir a persisté. La semaine dernière, le dollar face à la livre égyptienne avait enregistré un record de 10,5 L.E. Mais suite à l’annulation du plafond de dépôts pour les entreprises et les particuliers, elle a réussi une partie de sa mission : le prix du dollar s’échangeait dimanche à 8,97 L.E. Avec cette dévaluation décidée par la BCE, « nous pourrons dire que le marché noir disparaîtra soudainement », annonce Al-Dessouqi.

Retour de la confiance

Dollar : La Livre Egyptienne enfin dévaluée

Les hommes d’affaires, les banques d’investissements et les institutions monétaires, qui avaient longtemps plaidé pour une dévaluation de la livre égyptienne, ont aussi applaudi la décision. « Les mesures de la BCE la semaine dernière font bonne impression. Elles envoient un message de confiance aux investisseurs. Le problème réel résidait dans le manque de dollars et pas dans son prix : les hommes d’affaires n’ont pas de problème avec le dollar cher. Ils ont un problème avec le manque de dollars, car cela implique la paralysie de leurs activités », commente Mohamad Zaki Al-Sweedy, président de l’Union des industries.

Le magnat Naguib Sawirès avait fortement critiqué le gouvernement la semaine dernière dans des déclarations à l’Hebdo, plaidant pour la dévaluation de la livre égyptienne « Le défi n’est plus de stabiliser le dollar à un prix irréel. Il est bien plus important de le fournir au marché, et cela ne se réalisera qu’à travers une libération des changes », avait-il déclaré.

Hani Guéneina, lui aussi, voit dans la dévaluation une « très bonne étape » vers la retour de la confiance. « Par cette décision, le gouvernement, au moment voulu, pourra s’adresser au Fonds monétaire international pour demander un prêt. Il a ainsi adopté toutes les réformes nécessaires. Le fantôme de la pénurie de dollar n’est plus là. Les investisseurs ne seront plus inquiets du manque de dollar », explique-t-il. Le président du département des recherches à Beltone Financial va plus loin. « Nous assisterons à un début de relance économique dès le mois d’avril », prévoit-il.

Le gouvernement avait aussi pris plusieurs décisions la semaine dernière facilitant les activités des investisseurs. Il a réduit le prix du gaz pour les usines de fer, le faisant passer de 7 à 4,5 dollars. De même, il a approuvé un soutien exceptionnel aux exportations de 4 domaines : produits d’ingénierie, produits chimiques, produits alimentaires ainsi que textile et filature.

Inflation maîtrisée?

Contrairement aux craintes des consommateurs, « l’inflation semble être maîtrisée pour la prochaine période », estime Guéneina. Il explique : « Le problème essentiel affronté par les entreprises était le manque de dollars. Elles ont dû suspendre leurs activités pour cette raison, et d’autres commerçants ont dû stocker la production ». Même son de cloche chez Al-Dessouqi qui estime qu’avec une supervision du gouvernement, l’inflation sera contrôlée après cette dévaluation. Mais est-ce possible ? Alia Kamal, experte économique, assure que non. A chaque fois que nous assistons à une hausse du dollar, les prix sur le marché suivent la tendance. « Les calculs théoriques ne se reflètent pas sur le marché. Le milieu des affaires bénéficiera de gains certains, alors que le citoyen payera la facture », conclut-elle.

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