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BCE, le mandat de Tareq Amer s’annonce difficile

Marwa Hussein, Lundi, 30 novembre 2015

Tareq Amer, récemment nommé gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte, aura peu de marge de manoeuvre. Comme son prédécesseur, il est bloqué entre lutte contre le marché noir, nécessité de dévaluer la livre et pénurie de dollars. Sa nomination semble toutefois rassurer le marché.

BCE, le mandat de Tareq Amer s’annonce difficile
La Banque centrale doit aussi faire face à la baisse des réserves de change. (Photo:Reuters)

Nommé la semaine dernière, le nouveau gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) aura les mêmes priorités que son prédécesseur. Il devra faire face à une pénurie de dollars grandissante, un besoin de dévaluer la livre et à une inflation forte. En prime, les réserves de change sont en chute libre depuis avril.

L’homme est cependant un habitué du secteur : il a été président de la Banque Nationale d’Egypte, la plus importante banque du pays, entre 2008 et 2013. Auparavant, il était vice-gouverneur de la BCE, sous le mandant de Farouq Al-Oqda, entre 2003 et 2008.

Le marché a réagi positivement à sa nomination. Beaucoup estiment que Tareq Amer parviendra à satisfaire la demande en dollars, tout en procédant à une dévaluation contenue de la livre égyptienne. La nomination de Farouq Al-Oqda, ancien gouverneur de la BCE, au conseil d’administration de cette dernière, a aussi envoyé des signaux positifs. Lors de son mandat, Oqda était parvenu à stabiliser la livre tout en laissant un taux de change flottant permettant de refléter l’offre et la demande.

Depuis que Hisham Ramez, prédécesseur de Amer, a dû quitter ses fonctions en octobre dernier, un revirement de la politique monétaire de la BCE était pressenti. Ainsi, le 11 novembre, la BCE avait, contre toute attente, réévalué le prix de la livre, ce qui a permis de faire baisser le taux de change face au dollar. Celui-ci est passé à 7,83 L.E. contre 8,03 L.E. auparavant.

Par ces mesures, « la BCE vise à perturber les prévisions du marché noir. Car lorsque ce dernier parvient à faire des prévisions correctes du taux de change sur une longue durée, il devient leader du marché et parvient à le contrôler », estime Reem Abdel-Halim, professeur d’économie à l’Université du Caire. Pourtant, malgré cette dernière mesure surprise, il semble difficile de leurrer les acteurs du marché noir, conscients qu’une dévaluation aura lieu bientôt. Selon un dernier rapport publié par la banque d’investissement Pharos, le prix officiel du dollar devrait dépasser les 8 L.E. d’ici la fin de l’année. Pour Reem Abdel-Halim, le taux de change face au dollar sur le marché noir pourrait atteindre 8,80 L.E. début 2016.

La stratégie actuelle de la BCE semble être désormais de stabiliser le taux de change autant que possible pour contenir une dévaluation inévitable dans un contexte difficile pour les investissements étrangers, et face à une régression des revenus du tourisme, principales sources de devises étrangères avec le Canal de Suez.

Hisham Ramez avait, il y a peu, pris une série de mesures visant à contrer le marché noir. Mais celles-ci avaient abouti à augmenter le manque de dollars sur le marché. Les industriels ne pouvaient se fournir en dollars pour importer une large gamme de produits nécessaires à leurs productions. Le mécontentement des hommes d’affaires aurait précipité sa démission.

« J’espère que la politique monétaire adoptée par la BCE permettra de booster la production et de rendre le dollar disponible aux industriels », avance Mohamad Zaki El-Sweedy, président de l’Union des industries. « Ramez n’avait pas beaucoup de choix à l’époque, sans ces mesures, le prix du dollar aurait considérablement augmenté », pondère Reem Abdel-Halim.

Baisse des réserves de change
« Fournir des devises étrangères de façon régulière est normalement un rôle secondaire de la BCE qui doit surtout viser à limiter l’inflation. Mais la pénurie de dollar a changé la donne », reprend Reem Abdel-Halim, de l’Université du Caire. Elle rappelle que le ralentissement de l’économie mondiale et la baisse de certains cours, comme celui du pétrole, ont jusqu’à présent évité à l’Egypte une envolée de l’inflation. L’inflation annuelle n’a ainsi augmenté que de 0,5 point, pour atteindre 9,7 % en octobre dernier. Celle-ci a été presque entièrement alimentée par la hausse des prix des produits alimentaires, très volatiles.

Tareq Amer doit aussi faire face à la baisse constante des réserves de change. Le mois dernier, les réserves de change étaient de 16,4 milliards de dollars. Celles-ci étaient de 36 milliards avant la révolution de janvier 2011.

Actuellement, les réserves ne couvrent que 2 mois d’importations, bien en dessous des 3 mois recommandés par le FMI. Cependant, l’issue réside moins dans la politique monétaire que dans les politiques fiscales du gouvernement qui doivent encourager une reprise des investissements. Mais avec l’instabilité de taux de change prévue à moyen terme et la persistance de l’instabilité politique et sécuritaire, les investissements étrangers ne sont pas au rendez-vous .

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