La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a donné son feu vert à la dépréciation du dollar jeudi dernier. Le taux officiel a augmenté de 10 piastres en une seule fois, soit 1,3 %, pour atteindre 7,63 L.E. Une deuxième hausse de 10 piastres a eu lieu dimanche dernier. Bref, un total de 20 piastres en 2 jours, soit une hausse d’environ 2,6 %. Une troisième était attendue hier. « Le dollar devrait atteindre 8 L.E. cette semaine », prévoit un rapport publié par la banque d’investissement Naïm, jeudi dernier, suite à la première hausse du billet vert.
La Banque d’investissement qui s’attendait à une hausse du dollar, pour atteindre 8 L.E. avant la fin de 2015, s’étonne du moment choisi pour cette mesure. Selon Hani Guéneina, directeur des recherches auprès de la banque d’investissement Pharos Securities, plusieurs indices économiques justifient une telle orientation. Avec entre autres, la chute des exportations égyptiennes et celle des réserves en devises étrangères. Les exportations ont chuté d’environ 30 % au cours des 5 premiers mois de 2015 pour atteindre 8 milliards de dollars, contre un objectif de 10 milliards de dollars. Les réserves en devises étrangères ont baissé d’un milliard de dollars en mai pour atteindre 15,5 milliards de dollars.
La hausse du billet vert, comme le mentionne Alia Mamdouh, experte économique auprès du ministère de l’Investissement, n’est pas seulement liée à la baisse des réserves en devises étrangères ou à la chute des exportations. « Le gouvernement vise aussi à attirer des investissements étrangers », dit-elle. La banque d’investissement Pharos avait, quant à elle, prévu dans une étude publiée en novembre dernier une dépréciation de la L.E. vis-à-vis du dollar. Cela était prévu, selon le rapport, avant la fin 2014. « La valeur de la L.E. s’est dépréciée vis-à-vis des autres monnaies, à cause de son rattachement au prix du dollar. Ce qui a eu de mauvaises répercussions sur la performance des exportations », révèle Guéneina. Paul Jarvis, chef de la mission du Fonds Monétaire International (FMI), avait partagé, lors d’une récente visite au Caire en 2014, cette opinion. Selon lui, l’Egypte va bénéficier de l’adoption d’un régime de taux de change flexible, en vue d’attirer plus d investissements
étrangers.
Cette hausse sera-t-elle la dernière cette année ? Selon le rapport Naïm, une nouvelle hausse du dollar dépend de 4 points essentiels, à savoir : le déficit commercial, le volume des réserves en devises étrangères, les dons provenant des pays du Golfe et finalement le prix du dollar sur le marché noir. « Si l’un de ces critères est perturbué, une hausse du prix du dollar est possible », note le rapport.
Autres hausses successives
Quand la BCE a augmenté le prix de vente du dollar, jeudi dernier, les Egyptiens ont fait la queue devant les bureaux de change pour se procurer des billets verts. Car d’autres hausses successives auront probablement lieu dans les jours à venir. Le même scénario a eu lieu février dernier. La BCE avait permis la dépréciation de la monnaie nationale vis-à-vis du dollar. Elle a permis 5 hausses successives lors de ses enchères hebdomadaires.
Le dollar s’échangeait jusqu’au jeudi dernier à 7,63 L.E. « Les ventes de dollars ont enregistré une hausse de 30 % la semaine dernière. Une fois, la BCE a permis une hausse du dolar de 10 piastres, les gens s’attendaient à une deuxième hausse. Le désir de réaliser des profits rapides les a encouragés à effectuer d’importants achats de dollars », révèle, à l’Hebdo, Mosatafa Ahmad, employé dans un bureau de change dans le quartier de Mohandessine, au Caire. Un tel afflux, comme le mentionne Ahmad, a poussé le prix du dollar à enregistrer une hausse sur le marché noir, pour s’échanger entre 8 et 8,2 L.E. contre 7,7 L.E. avant la décision de la BCE.
Des industriels s’inquiètent
Si les analystes financiers et le FMI applaudissent la dépréciation de la L.E. vis-à-vis du dollar, les investisseurs sont plus prudents et les consommateurs s’y opposent fortement. « Nous connaissons bien la nécessité d’une telle décision pour l’investissement et l’économie. Mais pour qu’une telle décision ait des effets limités, la BCE doit s’exprimer avec transparence », explique Walid Hilal, PDG de l’entreprise Al-Hilal wal Negma pour l’électroménager. Il ajoute : « La hausse, en soi, a des effets positifs, comme la hausse de la valeur des exportations, mais nous voulons connaître le plan futur de la dépréciation de la monnaie pour faire nos comptes ». Le plus important, comme le confie à l’Hebdo Alaa Arafa, PDG d’Al-Arafa Group, est l’accès au dollar : « Les industriels souffrent plus du manque de dollars sur le marché égyptien. Une telle hausse, si elle assure un accès au billet vert, sera applaudie par la communauté des affaires ». Comme le note le rapport Naïm, les entreprises se divisent en 2 camps : le premier, dont une grande partie de la production est orientée vers le marché extérieur, réalisera d’importants profits. Le second, avec une production qui dépend en grande partie de la quantité de matières brutes importées, paiera la facture la plus chère. Avec pour seule récompense, un accès au dollar facilité.
Lien court: