
Le paiement instantané a révolutionné le secteur des services financiers en Egypte.
« Avec Valu, vous pouvez acheter la konafa (dessert égyptien typique du mois du Ramadan) en payant à crédit sur une période d’un à six mois ». Cette publicité a fait le tour de Facebook et des autres réseaux sociaux, suscitant tantôt le sarcasme et tantôt l’intérêt de la communauté cairote. D’autres offres très alléchantes ont été lancées sur les sites web des deux sociétés de crédits à la consommation les plus en vogue, Valu et Sympl. Exemple : « Achetez votre mobile Nokia de n’importe quel commerce et payez sur 12 mois sans intérêts ». Sympl propose à ses clients de faire les courses du mois du Ramadan à Spinneys et de payer sur 24 mois sans apport et sans intérêt. Sur le pont du 6 Octobre reliant l’est à l’ouest du Caire, des pancartes font la promotion de Valu : « Avec Valu, empruntez, économisez, payez à crédit et investissez ». Ces publicités montrent le rôle grandissant des sociétés de crédits à la consommation sur le marché égyptien de 103 millions d’habitants et où une grande partie de la population (67 %) est encore non bancarisée, selon Al-Naeem Holding.
Les sociétés de crédits à la consommation sont spécialisées dans les prêts personnels. Elles procurent des liquidités aux consommateurs qui ont des difficultés à obtenir des crédits, mais comme le risque est plus élevé, le taux d’intérêt l’est aussi.
Le taux d’intérêt varie en fonction de l’importance du prêt et du calendrier de remboursement. Les demandes de prêt sont traitées rapidement, généralement le jour de la demande, et les calendriers de remboursement sont adaptés aux revenus de l’emprunteur.
Les crédits à la consommation sont en vogue depuis 2016 et bien avant. Ils font partie de la gamme de services financiers non bancaires. « La nature du marché a changé. La consumer finance travaillait principalement sur l’automobile, l’ameublement et l’électroménager avec des sociétés comme Premium, B.Tech, GB Capital, Raya, Contact Car et d’autres. Aujourd’hui, ce secteur finance la location de logements, les frais de scolarité, le tourisme et les voyages », explique Mohamed Al-Naggar, analyste financier indépendant.
« En effet, ces sociétés proposent des solutions adaptées aux besoins des différents segments de la société et sont de plus en plus recherchées en raison notamment de l’inflation galopante qui a atteint en mars 32,7 % selon l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS) et l’érosion du pouvoir d’achat après plusieurs dévaluations de la livre égyptienne », reprend-il.
Selon Al-Naggar, il existe actuellement sur le marché 31 entreprises de crédits à la consommation autorisées par l’Organisme de régulation financière. Le portefeuille agréé des prêts est de plus de 80 milliards de L.E. distribuées à 2 millions de bénéficiaires.
Une étude effectuée par la banque d’investissement Al-Naeem Holding affirme que les crédits à la consommation ont connu en 2021 une croissance considérable de 102 % totalisant 17 milliards de L.E. Le nombre de bénéficiaires a été multiplié par 4 au cours de la même année pour se chiffrer à 1,35 million. Les prêts destinés à l’électronique représentent 37 % du total des financements et 46 % pour les prêts destinés à l’automobile.
Selon Al-Naeem Holding, les perspectives de croissance sont positives dans ce secteur, surtout que l’Organisme de régulation financière a donné à ces sociétés l’autorisation d’emprunter aux banques jusqu’à 9 fois leur capital. « Nous prévoyons un taux de croissance de 20 %. Les clients auront recours aux crédits à la consommation pour acheter leurs vêtements, surtout que le pouvoir d’achat est impacté par l’inflation », lit-on dans le rapport.
Epanouissement du marché
Plusieurs facteurs ont donné une impulsion à ce marché notamment la digitalisation, la fintech et les efforts de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) et de l’Organisme de régulation financière. « La numérisation a permis l’épanouissement de ce marché. Vous n’avez plus besoin de signer des papiers. Il suffit de télécharger une application. Le profil du client est fait par l’entreprise loin des procédures compliquées », explique Al-Naggar.
L’Organisme de régulation financière a pris récemment deux mesures d’après la note d’Al-Naeem Holding. La première est la création d’une assurance-crédit contre le risque de défaut de paiement. La deuxième est la création de sociétés de refinancement à la consommation et l’élargissement de la gamme des cartes de paiement.
L’adoption par la BCE d’un système de paiement instantané va révolutionner le secteur des services financiers en Egypte, affirme la note d’Al-Naeem. « L’un des avantages de cette stratégie (paiement instantané) est l’option Buy Now Pay Later (BNPL), qui fonctionne sans intérêts mais sur de courtes périodes, soit moins de 6 mois. La plupart des sociétés qui fournissent ces services ont un accès instantané aux données des utilisateurs pour vérifier leur situation financière avant d’approuver l’attribution des crédits. Les BNPL connaissaient beaucoup de défaillances, faute d’une bonne évaluation des risques liés à la clientèle », affirme Hicham Hamdi, analyste financier auprès de la banque d’investissement Al-Naeem Holding.
« D’autre part, la BCE encourage la titrisation et les titres de créance structurés, qui permettent aux agents de crédits à la consommation d’étendre leurs activités, car ils sont confiants de pouvoir atténuer les risques en refinançant leurs dettes », explique Hamdi.
Chaque système à ses désavantages. Et les crédits à la consommation n’échappent pas à la règle. Ils peuvent facilement exposer les emprunteurs à un risque de surendettement. Hamdi met également en garde contre les activités informelles dans ce secteur au niveau des villages et des zones rurales et non résidentielles. « Il existe parallèlement aux sociétés qui ont des licences, un grand marché via les marchands de détail qui offrent aux particuliers des achats à crédit et qui travaillent loin de toute régulation. Ceci a donné lieu au phénomène des gharémate (femmes insolvables) », conclut Hamdi.
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